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projet d'entonner eux-mêmes, à la messe, la prière pour Buonaparte. Le curé, qui en fut averti, annonça qu'il ne diroit pas la messe si on ne lui promettoit d'empê cher l'exécution de ce projet. On le lui promit en effet, mais on ne lui tint point parole. Après la communion, les trois buonapartistes entonnèrent la prière. Le curé les arrêta au premier mot, et sa fermeté les dé concerta tellement qu'ils sortirent aussitôt de l'église. Il devoit s'attendre à tout après un tel acte de vigueur. En effet, le sous-préfet de C. vint quelques jours après à Lormes, à deux heures du matin, avec des hommes armés. Il investit la maison du curé, qui, avec moins de résignation, eût pu profiter des dispositions de ses paroissiens putr repousser les satellites de la tyrannie, et qui se laissa emmener, au milieu des cris et des murmures de plus de deux cents personnes. Arrivé à Nevers, il fut interrogé par le préfet, qui le condamna simplement à rester en surveillance dans la ville. Mais une lettre du sous-préfet de C. le fit arrêter de nouveau et mettre dans la prison publique, où il resta treize jours au secret. Il en sortit pour être en surveillance; car la lyrannie avoit survécu au tyran. Enfin pourtant vint le règne de la justice. Le curé de Lormes fut rendu à ses paroissiens, pais promu à la cure de cette ville, à la place de l'ancien curé. Nous nous félicitons tous les jours d'un tel choix, qui aura sans doute de l'influence sur l'esprit de cette ville, et qui effacera les traces du passé. Comment résister aux exemples et aux discours d'un bon prêtre qui allie la piété avec le zèle et l'attachement an Roi, avec la charité pour ses ouailles?

MILAN. La régence vient de donner l'ordre qu'à dater du er. janvier 1816, les officiers chargés depuis la révolution des registres de l'état civil, cessassent leurs fonctions, et remissent les registres aux curés, qui en seront chargés comme par le passé. L'empereur, instruit en même temps de l'état de pénurie de beaucoup de curés, a consacré une somme de 50,000 écus, qui sera

distribuée entr'eux, en attendant un réglement général plus avantageux pour le clergé.

NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Le 9 janvier, une députation de la chambre des députés a été admise chez le Roi, et lui a présenté la résolu→ tion relative à l'amnistie. On dit que S. M. a dit, en riant, aux députés Messieurs, vous ne crierez plus Vive le Roi, quand meme!

La garde royale s'organise de jour en jour, et reçoit des recrues de tous les départemens. Elle fournit chaque jour, pour le service des Tuileries, 300 hommes d'infanterie et 100 hommes de cavalerie.

— Le maréchal de camp Berton et le capitaine de gendarmerie Thomassin ont été arrêtés et conduits à l'Abbaye. Le dernier est au secret. La même prison renferme, en ce mo→ ment, les généraux Béliard, Ornano, Cambrone, Drouot, Dufour, Debelle, Decaen, le contre-amiral Linois et son fils, les colonels Boyer et Faudoas.

- L'arrêt de condamnation contre Lavalette a été exécuté en effigie, suivant la forme ordinaire. Un écriteau, portant les noms du condamné et la nature de la peine, a été attaché à un poteau sur la place de Grève. Deux gendarmes y sont restés en faction pendant quelque temps.

CHAMBRE DES PAIRS.

Le 9, à deux heures, la chambre s'est réunie.

Les ministres des affaires étrangères, de la justice, de l'intérieur, de la marine et de la police générale sont présens. Après l'adoption du procès-verbal, M. le duc de Richelieu, président du conseil des ministres, monte à la tribune :

«Messieurs, dit-il, après avoir appelé la chambre des députés à concourir à l'amnistie qu'il a voulu donner, le Ro nous a chargés de vous présenter le projet de loi qui la contient. S. M., dans le cours de la discussion qui a eu lieu à la chambre des députés, a consenti à deux amendemens; mais il a été fait par cette chambre, à la fin de la délibération, une addition importante au projet de loi.

» Eile consiste à expulser à jamais de la France des hommes qui, au mépris d'un premier acte de clémence sans bornes, n'ont pas craint de devenir une seconde fois les instrumens d'une odieuse usurpation.

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Malgré cette criminelle récidive, l'inépuisable bonté de S. M., inspirée par le vœu du Roi-Martyr, répugnoit à la pensée de séparer leur cause de celle d'autres François coupables ou égarés dans ces derniers temps. Mais le vœu énergique, et on peut le dire, unanime qui a éclaté dans une assem blée composée des députés du royaume, ne permet pas de douter que le vœu de la France entière est conforme à celui que viennent de manifester ceux qui sont chargés le plus spé cialement de faire connoître au Roi le sentiment et les besoins de son peuple.

Il ne faut rien moins que le concours d'une nation et de ses délégués pour vaincre le cœur du plus généreux des monarques. Cédant enfin au cri général qui s'est élevé de toutes parts, S. M. a ordonné de comprendre dans la proposition de Îa loi la disposition additionnelle, qui en formera ainsi l'arti cle VII. Lorsque le prémier corps de l'Etat aura confirmé le vœu exprimé par les députés de la France, S. M. retirera la main qu'elle avoit étendue sur des sujets aussi coupables, et ils seront abandonnés à leur destinée.

» Une chose fait croire à S. M. què la justice divine se fait entendre par la voix de son peuple; c'est que l'expression de ce vœu a été, dans la chambre des députés, le signal de la concorde, et que de ce moment ont cessé même les dissentimens d'opinions qui avoient éclaté dans les discussions. Té moins de l'élan de toutes les ames dans la séance du 6 janvier, nous croyons pouvoir dire que ce jour-là la chambre des députés a offert un spectacle digne des plus beaux temps de la monarchie. La réunion des esprits, devenue aussi sensible que celle qui a toujours existé dans les cœurs, promet assez que le concert des deux chambres avec le gouvernement de S. M. ne sera pas interrompu, et que nous marcherons tous ensemble au but vers lequel tendent et les chambres et le ministère, la stabilité du trône et le repos de la France.

» Nous n'avons appelé, Messieurs, votre attention que sur sette disposition additionnelle du projet de loi, parce que les autres vous sont assez connues: la publicité et la solennité des débats, qui ont eu lieu pendant plusieurs jours, dispen

sent de reproduire les raisons pour lesquelles le projet de loi, adopté par l'autre chambre, se recommande à la vôtre. L'im mense majorité qui s'est mamfestée dans l'épreuve du scrutin sur l'ensemble de la loi, permet de croire que vous ne contrarierez pas les suffrages d'une assemblée qui a eu l'honneur de seconder la clémence du Roi et de remplir un grand devoir.

» C'est avec cette confiance que nous allons vous donner lecture du projet de loi ».

S. Exc. donne ensuite lecture du projet.

Le président ordonne l'impression et la distribution du projet et des motifs; mais ses dispositions étant connues, la chambre a jugé inutile son renvoi aux bureaux, et a décidé que la discussion s'ouvriroit de suite.

Un des secrétaires donne de nouveau lecture du projet, contre lequel aucune objection ne s'élève.

Chaque article a été successivement mis aux voix et adopté. Le scrutin s'est ouvert pour l'adoption définitive. Sur un nombre total de 141 votans, 120 se sont réunis en faveur du projet.

M. le président en proclame l'adoption.

Un membre propose de charger M. le président de porter au Roi les très-humbles remercîmens de la chambre pour la bonté toute gratuite qu'a eu S. M. d'associer la chambre à l'acte de clémence purement royale que contient le projet de loi. Cette proposition a été adoptée.

M. le président a communiqué à la chambre une résolution prise, le 28 décembre, par la chambre des députés, et rela◄ tive au deuil général du 21 janvier..

La discussion s'étant ouverte sur cette résolution, M. Dezése a prononcé un discours remarquable, qui a depuis été imprimé. Il a rapporté, comme un fait connu de lui, que, lors du procès de Louis XVI, les meneurs de la convention envoyèrent des commissaires dans les départemens pour savoir si, dans le cas de l'appel au peuple, on pouvoit compter que les dispositions générales seroient favorables à leur affreux projet. Mais les réponses ayant été négatives, ils se décidèrent à se charger seuls du crime. Il appartenoit à M. Desèze de parler sur un sujet qui lui a fourni un beau titre de gloire. M. de la Tour-du-Pin a demandé que, contre l'usage, son nom fût inséré dans le procès-verbal. M. de Château

briand, qui a parlé après lui, a su encore intéresser, et a demandé la nation élevât aussi un monument à ce Roi enque fant immolé lentement par les assassins du père. M. de LallyTollendal a craint, dit-il, de se faire entendre après deux orateurs si distingués, et s'est borné à demander que l'on rendit un hommage spécial à la sainte mémoire de madame Elisabeth, proposition qui a été adoptée, ainsi qu'une autre de M. le marquis de Mortemart, relative aux honneurs à décermer à la Reine Marie-Antoinette. Cette délibération, où des hommes d'un grand talent ont tour à tour fait entendre l'ac cent de la douleur, est aussi en quelque sorte une expiation nationale du plus grand des crines. La résolution de la chambre des députés a été adoptée avec les additions précédentes.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Cette chambre n'a pas tenu, depuis plusieurs jours, de séance publique; mais elle s'est occupée dans ses bureaux de la discussion préparatoire du budjet. On dit qu'elle formera une commission de 27 membres pour faire un rapport sur cet objet.

pour

Des commissions ont été nommées examiner les propositions de MM. de Castelbajac et de Blangy, et donner leur avis à la chambre.

Le 11 janvier, la chambre a adopté à l'unanimité la résolution relative au 21 janvier, avec les amendemens de la chambre des pairs. La chambre a aussi adopté à l'unanimité et sur-le-champ la résolution de la chambre des pairs qui proroge jusqu'en 1818 le délai pour le paiement des dettes des émigrés.

Nous avons reçu la pièce suivante, qu'on nous engage d'insérer, comme le fruit des loisirs d'un militaire qui ne sait pas uniquement se battre. On nous assure qu'elle a été composée à l'hôpital de Châtellerault, par un sergent-major de la légion de la Seine. Les sergens-majors ne composent pas ordinairement beaucoup d'hymnes et de proses pour les fêtes de l'Eglise. Ainsi, pour la singularité du fait, nous donnons ici cette prose destinée pour la messe de la Conception, fête patronale des filles de la sagesse. Elle est sur le même rithme que celle qu'on chante à l'Assomption. Nous félicitons l'auteur de s'occuper de telles productions; celle-ci annonce du talent et de la facilité. Nous aimons à croire que

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