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voit pas, et que l'on paroissoit tenir prêts pour un grand voyage. Il apprit du portier que ces voitures étoient sorties récemment, et n'étoient rentrées qu'au bout de soixante heures. Un domestique fut gagné, et découvrit que ses maîtres avoient une correspondance très-étendue. Il livra une lettre très-longue, adressée à une société très-connue à Londres, et qui racontoit l'évasion de Lavalette. C'est sur cette indication que les trois Anglois ont été arrêtés. On ne peut douter que le gouvernement et le peuple anglois ne désavouent des individus qui ont manqué à leur pays autant qu'à la France en protégeant un coupable, contre le droit des gens, et malgré la bonne intelligence qui règne entre les deux nations.

Les sieurs Garnier, Merlin et Excelmans, qui étoient à Bruxelles, sont obligés d'en sortir pour se retirer dans le nord, conformément à la mesure prise, par les grandes puissances, contre les individus compris dans l'ordonnance du Roi. Gar nier a voulu faire en partant ses adieux, et s'efforce d'attendrir en sa faveur en parlant de ses cheveux blancs, et de violation du droit des gens. Il nous force à lui rappeler qu'il a souillé le premier ses cheveux blancs. En 1792, il demandoit la peine de mort contre tous les émigrés; il a condamné Louis XVI; il prêchoit contre le modérantisme. Il lui, sied bien de parler du droit des gens. L'orgueil dans un coupable étouffe la pitié pour sa disgrace.

CHAMBRE DES PAIRS.

Le 18 janvier, M. le garde des sceaux a apporté le projet de loi sur le deuil du 21 janvier. La chambre l'a adopté à l'u nanimité. Une grande députation de la chambre se rendra suivant le désir du Roi, au service de Saint-Denis.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Le 16, la chambre a continué ses conférences sur le budget dans ses différens bureaux. Quinze des commissaires qui doivent l'examiner sont nommés.

Le 17, une députation a été nommée pour assister au service de Saint-Denis, et porter l'adresse au Roi. M. le garde

des sceaux apporte le projet de loi sur le 21 janvier, tel qu'il a été rédigé dans les deux chambres. L'assemblée l'adopte par acclamation. Un membre demande ensuite à parler sur le même sujet. Le président remarque que la loi étant une fois adoptée, il ne peut plus accorder la parole.

Les neufs bureaux ont nommé leurs commissaires pour la discussion du budjet.

Le 18, on s'est occupé de la discussion préparatoire de la proposition de M. de Bonald sur le divorce, et de celle de M. de la Chèze-Murel sur les registres de l'état civil.

Une commission a été nommée pour présenter un projet de loi sur la proposition de M. de Blangy.

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Lundi, on discutera en comité secret le rapport de M. Chifflet sur les dotations du clergé.

Si l'anniversaire de ce jour fatal et douloureux répand toujours une sainte horreur dans le cœur de tous les François, il est du moins consolant pour la nation d'avoir fait taire la calomnie de ces hommes qui ont trop long-temps abusé du silence où ils l'avoient réduite. La France, délivrée du joug qui la tenoit enchaînée, a senti le besoin de montrer à l'Europe les véritables sentimens qui l'animent, et qu'elle a si noblement manifestés par l'organe de ses dignes députés. Non, la France n'est point complice des assassins de son Roi: elle n'a point avec eux versé le sang du juste; quelques mons tres, comme on l'a dit, ne sont pas les François; tout l'opprobre de cet attentat ne pèse que sur leurs têtes, et leur patrie, qui les rejette de son sein, en a frémi la première. Tous les coeurs furent brisés du coup qui venoit de détruire l'arche sainte de la monarchie, et le peuple donna partout des larmes à la mémoire d'un prince qui ne vécut que pour l'aimer, et mourut en priant que sa mort lui fût encore utile. Des voix courageuses firent entendre aux tyrans l'arrêt de la postérité, et s'ils ont pu le braver et en imposer à la foiblesse d'une nation où leurs crimes avoient jeté l'épouvante, déjà s'élevoit contre eux, au fond des consciences, ce tribunal inflexible qui les accable aujourd'hui de tout le poids de sa sentence. Ainsi la justice ne perd jamais ses droits; la cause des rois est vengée, et la France vient de présenter aux nations l'imposant spectacle de la plus heureuse union entre le prince

et son peuple. C'est aussi le plus bel hommage qu'elle puisse vous offrir, ô Roi-Martyr, qu'elle pleurera sans cesse, vous qui êtes en quelque sorte après saint Louis, son médiateur dans le ciel, et pour qui son amour ne peut être comparé qu'à l'excès de sa douleur. Les lugubres vêtemens dont elle se couvre pour honorer votre mémoire, ces voiles funèbres suspendus dans nos temples, ces chants où l'Eglise nous fart assister aux funérailles du monde, cette tristesse de tout un peuple, à la tête duquel marchént ses princes et les grands de la terre, remplissent sans doute l'âme d'un effroi religieux, et annoncent assez que la mort qu'on déplore a été une calamité publique; mais tous ces monumens, que ren-' verse le temps, n'égaleront jamais ni la douleur qui les élève, ni l'étendue de notre perte. Si Louis XVI n'eut point les qualités brillantes qui forment les héros, il posséda toutes les vertus qui font les bons rois. On a souvent répété qu'il avoit été trop clément; mais ce qu'on n'a point assez dit, c'est qu'il sut sacrifier, par le plus noble désintéressement, l'éclat de sa couronne au soulagement de son peuple; ce qu'on n'a point assez dit enfin, c'est qu'il fut juste, comme saint Louis, qu'il mit toute sa gloire dans le bonheur de ses sujets, et trouva dans son courage des ressources pour s'élever au-dessus de la fortune. Il ne manquoit plús à cette ame, vraiment royale et magnanime, que ce je ne sais quoi d'achevé que le malheur, dit Bossuet, ajoute aux grandes vertus, et le fils de saint Louis, comnie lui, fut toujours Roi ét héros chrétien dans les fers. Tranquille dans cette horrible tour, où la religion s'étoit renfermée avec lui pour le consoler, il montroit à son fils les écueils du trône, et cultivoit cette fleur solitaire, qui ne devoit point, hélas! prospérer pour la France. C'est-là que, voyant déjà, pour ainsi dire, les cieux entr'ouverts, il traça ce testament immortel, monument admirable de sagesse et d'amour, et où son ame respire toute entière. Que peut-on, après l'avoir lú, ajouter encore à l'éloge d'un tel prince, et que l'éloquence des hommes est foible pour la gloire de celui qui est assis au conseil des anges! Laissons donc à la tombe du Roi-Martyr le soin de révélér au monde de plus hautes leçons: en apprenant aux peuples à respecter les rois, les images de Dieu sur la terre, elle avertit aussi ceux qui'portent le sceptre que, si la clémence est le plus bel ornement du trône, la justice en est le plus ferme soutien.

H. D.

(Mercredi 24 janvier 1816.)

(No. 152.)

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Nous avions annoncé dans notre dernier numéro le rapport de M. Chifflet sur les dotations du clergé. Nous pouvons d'autant moins différer à tenir notre promesse, que cette matière est en ce moment à l'ordre du jour, et que la chambre des députés délibère sur cette importante question. Nous aurions pu être tentés de donner aussi nos réflexions à cet égard; mais le rapport qu'on va lire nous en dispense. Il est écrit avec cette solidité de raison, et en même temps avec cette sobriété des réflexions qui annoncent à la fois un esprit juste, sage et modéré. Il est appuyé d'ailleurs sur la meilleure des preuves, sur l'expérience. Il n'est que trop notoire que c'est pour détruire la religion qu'on avoit commencé par dépouiller le clergé; pour rétablir l'une, il faut donc, non pas enrichir l'autre, ce n'est pas assurément ce qu'il demande, mais le mettre au-dessus de la dépendance et du besoin. L'état actuel du clergé sous ce point de vue est déplorable. La plus grande partie des ecclésiastiques, dans les campagnes surtout, est, à proprement parler, dans l'indigence. Nous avons rappelé plusieurs fois leurs souffrances et la patience avec laquelle ils les endurent; nous devons aujourd'hui laisser ce triste sujet à un orateur plus éloquent, et à un défenseur plus heureux.

« Messieurs, dans une assemblée telle que la vôtre, composée de personnes dont les principes sont sûrs, et la raison éclairée par l'expérience, je n'ai pas besoin de développer longuement la nécessité de la religion dans un Etat.

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» Au milieu des affreuses sonvulsions qui ont bouleversé la Tome VI. L'Ami de la Religion et du Roi.

X

France, au milieu des malheurs qui nous ont accablés, nous avons tous éprouvé (et les vérités de sentiment sont bien plus persuasives que les calculs et les raisonnemens de l'esprit) nous avons tous éprouvé que la religion seule étoit la source des vraies consolations.

» Nous nous sommes en même temps convaincus qu'elle est la véritable source de la morale. Les idées abstraites ne sont pas à la portée du peuple; des principes raisonnés ne peuvent pas s'inculquer profondément dans des esprits simples, et dont les facultés sont peu développées. Il faut au peuple une morale liée à des actes extérieurs qui frappent les sens; et, comme le besoin de la morale est de tous les instans, il faut au peuple des pratiques journalieres, en quelque sorte, qui le rappellent continuellement aux principes de morale. C'est cet ensemble d'actes et de principes de devoirs envers Dieu, et de devoirs envers ses semblables, qui constituent la religion. Les devoirs du cœur envers Dieu, rappellent le peuple à l'amour de l'homme; les devoirs extérieurs envers Dieu le ramènent à la bienfaisance. Admirable ensemble dans son principe! admirable dans ses résultats!

» Je le répète, nous savons, par une cruelle expérience, que le peuple qu'on a dispensé de ses devoirs envers Dieu, se croyoit promptement dégagé de tous autres devoirs, et finissoit par les oublier.

» Si la morale est nécessairement liée à la religion, et à une religion pratique, il faut des ministres à cette religion. » Point de morale sans religion; point de religion sans eulte; point de culte sans ntinistres.

>>

J'ajoute, point de ministres sans une juste liberté, sans une justé indépendance sous les rapports de besoins et de se

cours.

» Je n'entends point supposer comme possible l'existence d'une classe de citoyens qui seroit ou prétendroit être isolée dans l'Etat; je ne parle que de l'indépendance pour les besoins physiques, for

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» Sous ce rapport, les ministres de la religion peuvent être dépendans, soit du gouvernement, soit des individus.

» Une dépendance trop entière du gouvernenient entraîneroit nécessairement d'abord des variations dans la religion, et enfin sa ruine entière. Le puissant sur le foible, le riche sur le pauvre prend insensiblement une forte influence. Tel

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