Page images
PDF
EPUB

publiques pour concourir au succès de l'entreprise de Buonaparte. L'avocat général a résumé les charges et a reconnu le délit.

Alors l'instruction de la procédure a commencé. L'accusé est convenu avoir écrit une lettre à Buonaparte en novembre 1814. M. Ferrand, appelé comme témoin, a déposé que le sieur Lavalette vint le matin aux postes, et qu'ayant voulu lui avoir des chevaux pour son départ, Lavalette lui en refusa pour Lille, et ne voulut lui en donner que pour Orléans. L'accusé a cherché à expliquer les faits. Il étoit venu, a-t-il dit, pour demander audience à M. Ferrand. Il a nié quelques imputations, et s'est efforcé d'atténuer les autres. Plusieurs employés de la poste ont été appelés, et ont déposé que l'accusé avoit donné des ordres à la poste le 20 mars. Il rédigea entr'autres et fit répandre une proclamation ou circulaire en ces termes : L'empereur sera à Paris dans deux heures, la capi~ tale est dans le plus grand enthousiasme, tout est tranquille. Il fit défense de donner des chevaux que sur un ordre de lui ou des ministres de l'empereur. L'audition des témoins et les débats ont duré jusqu'à six heures du soir et doivent être repris le mardi.

LIVRE NOUVEAU.

Histoire de l'ancien et du nouveau Testament, avec des explications édifiantes tirées des saints Pères; par Le Maistre de Sacy, sous le nom du sieur de Royaumont, prieur de Sombreval (1).

Nous recommandons de nouveau cette édition que nous annonçâmes l'année dernière. Elle a droit à l'attention et à l'estime des amis de la religion et de la jeunesse. On sait combien ce livre étoit d'un fréquent usage dans les familles chrétiennes. On le mettoit entre les mains des enfans, afin qu'ils y prissent de bonne heure la connoissance de l'histoire et des préceptes de leur religion. Il est à désirer qu'on fasse revivre cette coutume salutaire.

Cette édition, dédiée au Roi, et présentée à MONSIEUR et à MADAME, est faite avec soin et imprimée en beaux caractères.

(1) 1 vol. in 4°. avec 270 figures; prix, 27 fr. et 33 fr. franc de port. A Paris, chez Blaise, libraire, quai des Augustins; et au bureau du Journal.

(Samedi 25 novembre 1815.)

(No. 135.)

NOTICE Sur M. l'abbé Hémey d'Auberive.

Nicolas-Philibert Hémey d'Auberive, docteur de Sorbonne, abbé d'Ebreuil, ancien grand vicaire d'Autun, puis de Lyon, archidiacre et chanoine d'Autun, prieur du Val-Duc et de Quinquennavaud, naquit à Châlons-sur-Marne en 1739. Son père avoit eu quinze enfans, et avoit pris soin que tous reçussent une éducation soignée. Celui dont nous avons à parler étoit le second de cette nombreuse famille. Il fit ses études au collége des Jésuites de Châlons, et profita des leçons de ces maîtres habiles, qui devoient peu après être enlevés à la société et à l'enseignement. Sa passion pour l'étude se développa de bonne heure, et le jour ne lui suffisant pas pour s'instruire, il travailloit la nuit. Il a raconté plusieurs fois que c'étoit la nuit, et en secret, qu'il avoit lu et appris Homère et Ovide. Après avoir fait avec distinction ses cours d'humanités, le jeune Hémey ayant témoigné du goût pour l'état ecclésiastique, fut envoyé à Paris, et entra aux Robertins. Il fit ses études théologiques avec beaucoup de distinction, et fut le second de sa licence. On croit même qu'il eût obtenu la première place, s'il n'avoit eu pour concurrent un abbé de haute naissance. Les évêques se disputoient alors les sujets qui avoient brillé dans leur licence. M. de Noë, nouvellement évêque de Lescar, at tira M. l'abbé Hémey avec lui, et le fit son grand vicaire. M. de Noë étoit instruit, aimable, et renommé pour son esprit ; mais sa conduite lors des actes du clergé de 1765, et surtout, à ce qu'il paroît, son extrême déférence pour un frère qui avoit donné sa confiance au P. Lambert, et qui se laissoit diriger par ce théologien visionnaire et emporté, contribuerent à dégoûter M. l'abbé Hémey, et tout en conservant de l'estime et de la reconnoissance pour le prélat, il lui demanda la permission de le quitter, et s'attacha à M. de Marbeuf, qui venoit d'être fait évêque d'Autun. Cet évêque, à peu près du même Age que l'abbé Hémey, avoit été plus à portée encore d'apâge précier ses talens, et souhaitoit s'en servir dans l'administration d'un des dioceses les plus étendus de la France. Il le fit successivement grand vicaire, chanoine et premier archidiaere, Tome VI. L'Ami de la Religion et du Roi,

D

par

et se reposa sur lui du soin de beaucoup d'affaires. Cette confiance, qui ne s'est jamais démentie, donna même à l'abbé d'Auberive des rapports de plus d'une sorte. L'évêque d'Autun étoit président né des Etats de Bourgogne, et étoit obligé en cette qualité d'entrer dans les détails de l'administration temporelle. L'abbé Hémey le soulageoit dans cette partie, comme dans le gouvernement du diocèse. Chargé plusieurs fois de rapports, de démarches, de discussions, il se fit connoître aux Etats la netteté de son esprit, par la sagesse de ses avis, et par son habileté à traiter les affaires les plus épineuses. Des personnes, qui l'ont connu à cette époque, se rappellent combien sa conversation étoit attachante, instructive et animée. Doué d'une conception prompte et d'un esprit brillant, il y avoit joint des connoissances acquises par un travail assidu. On pourroit s'étonner qu'avec tant d'embarras et de distractions, il eût trouvé le temps de lire et d'étudier autant. Mais il savoit distribuer son temps avec une sage économie. Il se couchoit tard, se lévoit de grand matin, et profitoit de tous les momens. Il se forma une bibliothèque, plus choisie encore que nombreuse, et s'instruisit non-seulement dans les connoissances de son état, mais encore sur d'autres matières de sciences, de critique et d'érudition.

En 1777,2 , M. de Marbeuf fut chargé de la feuille des bénéfices, à la mort du cardinal de la Roche-Aymon, et vint demeurer à l'abbatiale de Saint-Germain-des-Prés, où M. Hémey le suivit. Ces nouvelles fonctions du prélat augmenterent encore les travaux de l'abbé Hémey. Il eut depuis cette époque une part plus considérable dans l'administration du diocèse d'Autun, où l'évêque alloit plus rarement. Il y faisoit tous les ans un 'assez long séjour, et quand il étoit à Paris, c'étoit lui qui dirigeoit toute la correspondance, et que l'on consultoit pour les affaires. Actif et laborieux, il ne laissoit rien en arrière. Le Roi le récompensa de son zèle en le nommant, en 1780, à l'abbaye d'Ebreuil, au diocèse de Clermont, qu'avoit eue, en dernier lieu, Massillon, le neveu de l'évêque. L'abbé Héiney en rétablit le temporel, qui avoit été fort négligé par son prédécesseur. Il répara l'abbatiale, et consacra la plus grande partie du revenu à vivifier le pays, et à en soulager les pauvres.

Le grand vicaire et l'ami du ministre de la feuille ne pouvoit manquer de parvenir à l'épiscopat. L'abbé Hémey fut

en effet nommé par le Roi à un siége, nous croyons que c'est à celui de Digne, en 1784. Mais il refusa cet honneur, redoutant sans doute le poids des devoirs qui y sont attachés, et aimant mieux travailler en second et avoir moins de responsabilité. Il resta donc attaché à M. de Marbeuf, et ce prélat ayant passé, en 1788, à l'archevêché de Lyon, ce fut l'abbé Hémey qui fut chargé par lui d'aller mettre l'ordre dans ce nouveau diocèse. Lié depuis long-temps d'amitié avec MM. de Saint-Sulpice, il descendit dans leur séminaire. On rétablit la signature du formulaire; on cessa l'enseignement de la théologie du P. Valia, et l'on renvoya plusieurs Oratoriens et Dominicains, qui avoient fait de Lyon la place d'armes d'un parti fort connu.

M. Hémey partageoit son temps entre l'étude et l'administration du diocèse lorsque la révolution éclata. On pense bien qu'il ne fut point tenté de se lier au nouvel ordre de choses. Il avoit l'esprit trop juste, et il étoit trop attaché à ses devoirs pour se séparer des évêques et de la partie la plus saine du clergé. Il resta à Lyon le plus long-temps qu'il lui fut possible, gouvernant le diocèse au milieu des orages. Contraint de se retirer, il alla dans son abbaye d'Ebreuil, se flattant sans doute de trouver la tranquillité dans un pays où il n'étoit connu que par ses bienfaits. Mais là, comme ailleurs, les idées révolutionnaires étouffoient la reconnoissance, et exaltoient les têtes. Ceux qui pilloient les châteaux étoient encore moins disposés à épargner une abbaye. M. Hémey fut obligé de s'enfuir, après avoir confié son mobilier, son argent, ses papiers et ses livres à une famille de la fidélité de laquelle il se croyoit assuré. Mais à peine fut-il parti que la maison abbatiale fut mise en vente et le mobilier pillé. Une malle, remplie de papiers, fut ouverte. C'étoient, pour la plupart, des extraits d'ouvrages, des notes sur différens sujets, et le fruit du travail et des recherches de plus de trente ans. Il n'est aucun homme de lettres qui n'ait rassemblé de ces matériaux dans le genre qui l'occupe. Ce dépôt précieux des lectures et des réflexions dé M. Hémey, fut enlevé, dispersé ou brûlé. Sa bibliothèque eut presque le même sort, et il en retrouva depuis à peine un tiers. Cette perte faisoit dans la suite l'objet de ses plus vifs regrets, et il n'en parloit qu'avec amertume. Après avoir quitté Ebreuil, il s'étoit réfugié en Bresse chez un ami; mais la crainte de le compromettre lui fit quitter cet

asile au bout de six semaines. Il gagna Genève avec le des sein de sortir de France, et de joindre M. de Marbeuf. Diverses circonstances s'opposèrent à ce dessein, et il prit le parti de revenir à Paris, où il vécut déguisé, et dans la plus grande obscurité. Il occupoit une chambre dans la rue du Bac, chez M. Le Seigneur, qui ignora long-temps, ainsi que sa femme, ce qu'étoit leur hôte. Mais M. d'Auberive, ayant appris à les connoître, et trouvant en eux des gens sincèrcment religieux, leur confia son secret. Il n'eut point lieu de s'en repentir, et ils lui rendirent des services signalés, qu'il reconnut par un sincère attachement. Il ne voyoit presque qu'eux, et passoit sa vie dans les bibliothèques publiques, cherchant dans l'étude une distraction aux malheurs de la religion et de son pays. Son assiduité et le genre de ses recherches le firent remarquer des travailleurs qui fréquentoient ces bibliothèques, et même des savans qui y présidoient. Ils respectèrent son incognito; mais il arriva plusieurs fois qu'ils le consulterent sur des matières d'érudition, et ils étoient étonnés de voir un homme fort simplement vêtu les mettre sur la voie, ou même résoudre sur-le-champ leurs difficultés.

Ce fut dans ces temps malheureux que l'abbé Hémey retrouva un frère et un neveu, qui occupoient des places dans les hôpitaux, et dont la société fut pour un si bon parent un adoucissement à ses peines. Ce fut alors aussi, ou du moins peu après la terreur, qu'il se lia plus étroitement avec M. Emery. Se retrouver, après une telle tourmente, paroissoit presque un prodige. Tous deux, à peu près du même âge, et tous deux fort instruits, mirent en commun leurs travaux, leurs vues, leurs recherches. Leurs entretiens pres que journaliers rouloient sur la religion, sur ses pertes, sur les moyens de les réparer, et on dit que la piété de M. Hemey parut prendre des accroissemens par ses fréquens rapports avec un ami si pieux. En retour, M. Hémey seconda M. Emery dans la publication de quelques-uns de ses ouvrages, du Christianisme de Bacon, des Pensées de Leibnitz, et depuis des Pensées de Descartes. Il est probable qu'il eut aussi part à quelques écrits de circonstance rédigés par M. Emery sur fes affaires de l'Eglise.

Lors du Concordat, ils suivirent tous deux la même ligne. On s'attendoit qu'ils seroient consultés à cette époque où leurs lumières eussent pu être si utiles, et il paroît qu'ils avoient

« PreviousContinue »