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MM. les pairs se sont retirés pour délibérer. Ils sont rentrés à cinq heures. On a ramené l'accusé, et M. le chancelier a prononcé l'arrêt: La chambre, faisant droit aux conclusions de MM. les commissaires du Roi, et sans égard aux moyens de nullité proposés par les défenseurs, les déclare mal fondés, et ordonne qu'il sera passé outre, et qu'il sera procédé à l'examen des pièces et à l'ouverture des débats.

M. le chancelier a demandé à l'accusé quels témoins il avoit à faire assigner, et quel délai il demandoit. M. Berryer a nommé quatre ou cinq témoins qu'il falloit faire venir de loin, et a demandé s'il n'y auroit pas d'indiscrétion à solliciter un délai de huit jours. M. Bellart s'est plaint qu'on voulût entraîner la chambre dans une nouvelle discussion, et prolonger des délais déjà trop longs. La chambre a délibéré, et à six heures un quart M. le chancelier a prononcé l'arrêt :

La chambre, faisant droit sur la demande de l'accusé, ajourne au landi 4 décembre, pour tout délai, l'examen des pièces et l'ouverture des débats, toutes assignations données tenant.

En entendant cet arrêt, qui retarde de onze jours l'instruction de son procés, le maréchal Ney, qui avoit paru singulièrement abattu pendant Loute la séance, a paru se ranimer un peu, et a souri à son défenseur.

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Dans la séance du 21, on a continué à discuter le rapport de M. de Bonald. Cing orateurs ont été entendus en comité secret. A trois heures, séance publique. M. Faget de Baure a fait le rapport sur le projet de loi pour la cour des comptes. Il a voté pour l'adoption, avec quelques amendemens.

Le 22

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on a continué à discuter le rapport de M. de Bonald. Deux membres ont parlé contre; trois ont parlé pour, MM. Piquet, Blondel d'Aubers et de Bouville, tous trois magistrats. M. de Bonald, rapporicur, parlera quand la discussion sera fermée. A quatre heures, la séance est devenue publique, et M. le garde des sceaux a donné connoissance des lettres de naturalisation du général Loverdo. M. Tabarié, secrétaire de la chambre, ne pouvant en remplir les fonctions, à cause de sa place au ministère de la guerre, M. de Kergorlay a été élu secrétaire à la majorité de 181 voix sur 339.

COUR D'ASSISES DE PARIS.

La deuxième séance de la cour d'assises, sur l'affaire du sieur Lavalette, s'est ouverte à dix heures et demie. On a entendu les témoins à décharge: il y en a eu quatre qui ont rendu témoignage que M. Lavalette s'étoit bien conduit envers les employés les plus attachés à la cause du Roi. L'avocat-général a pris la parole et rappelé les charges contre l'accusé. Six jours avant le 20 mars, celui-ci s'étoit retiré chez Mme. Hortense; il avoit donc des inquiétudes. Le 20 mars, au matin, il vient prendre possession de l'Hôtel des Postes, fait des actes de direc

teur général, arrête le départ des journaux, envoie la circulaire citéc. Ses réponses et ses excuses sur ces actes paroissent frivoles. Il a, dit M. l'avocat-général, préparé l'arrivée de Buonaparte; il lui a écrit à Fontainebleau; il lui a en quelque sorte tendu la main; il s'est installé à la Poste pour le servir.

Après le discours de M. l'avocat-général, l'accusé a lu une espèce de notice sur sa vie, où il rappeloit ses services à l'armée, ses campagnes en Italie et en Egypte.

Son défenseur, M. Tripier, a commencé son plaidoyer. Il s'est efforcé d'atténuer toutes les accusations. Il reconnoît que Lavalette a été imprudent et qu'il a fait des actes irréguliers; mais il nie qu'il ait participé à aucune conspiration.

Après ce discours, l'audience a été suspendue pendant deux heures. A six heures, les jurés sont rentrés, et M. Chollet, président de la cour, a fait son rapport. Les jurés ont passé dans la chambre des délibérations, et n'en sont sortis qu'à minuit moins un quart. Ils ont répondu oui à la question posée par la cour: Lavalette est-il coupable d'avoir usurpé les fonctions de directeur général des postes, d'avoir correspondu avec Buonaparte, d'avoir donné des ordres en son nom, etc.? Le président du juri paroissoit ému en prononçant la déclaration. On a fait rentrer Lavalette, qui n'avoit plus alors ses décorations. Il a entendu avec sang froid la lecture de la déclaration. Pendant que la cour délibéroit sur l'application de la peine, il a tité sa montre, l'a comparée avec l'horloge de la salle, et a poussé un soupir en levant les yeux au ciel. Le président a prononcé la condamnation à la peine de mort, et a annoncé à Lavalette qu'il avoit trois jours pour se pourvoir en cassation. Lavalette s'est levé, et a dit adieu à son défenseur et aux employés de la poste. Le juri étoit composé de MM. Héron de Villefosse, Petit, Bezard, Bintot, Neveu, Chapellier, Guéneau de Mussy, Commard, Jurieu, Parmentier, Verneur et le baron de Courville.

LIVRES NOUVEAUX.

Discours sur la catastrophe du 20 mars et le retour du Ro1; par M. l'abbé Jarry. Brochure in-8°.; prix, 75 c. et 1 fr. franc de port. Considérations morales sur la destination des ouvrages de l'art, ou de l'influence de leur emploi sur le génie et le goût de ceux qui les produisent ou qui les jugent, et sur le sentiment de ceux qui en jouissent et en reçoivent les impressions; par M. Quatremère de Quiney. Brochure in-8°. gr. raisin; prix, 2 fr. 50 cent. franc de port. Observations critiques sur l'éducation; par M. Charles le Gac, prêtre, ancien professeur à Quimper. Brochure in-12. A Saint-Brieuc, chez Prudhomme; prix, 75 cent. et 1 fr. franc de port.

Nous rendrons compte successivement de ces différentes productions, dont l'annonce a été retardée par l'abondance des matières.

(Mercredi 29 novembre 1815.)

(No. 156.)

L'IMPORTANCE et l'étendue des pièces suivantes nous ont forcés de leur réserver exclusivement ce numéro, pour lequel nous avons adopté le caractère le plus petit possible, afin d'y faire entrer plus de matière.

Le 25 novembre, à midi, la chambre des députés s'est réunie en comité secret. A une heure et demie les tribunes ont été ouvertes au public elles ont été bientôt remplies par une assemblée nombreuse.

:

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A deux heures la séance est ouverte. Tous les ministres de S. M., excepté M. le duc de Feltre, y assistoient. M. le duc de Richelieu monte à la tribune, et s'exprime en ces termes :

<< Messieurs, le Roi nous a chargés de communiquer à la chambre l'acte annoncé depuis si long-temps, attendu avec une si vive impatience, et par lequel, après huit mois de désordres, d'alarmes et de calamités sans mesure qui ont effrayé l'Europe et désolé la France, le systême de hos rapports politiques avec les Etats et les souverains étrangers est définitivement établi. Je vais, Messieurs, vous donner lecture de cet acte (Suit la lecture du traité principal.)

» Telles sont les stipulations auxquelles les ministres du Roi n'ont pas cru pouvoir plus long-temps refuser de souscrire. Les engagemens que la France vient de contracter sont comme un résultat inévitable des circonstances extraordinaires où, par la fatalité des événemens elle se trouve aujourd'hui placée. Dans une position différente, et dans d'autres temps, nous ne présenterions à la chambre qu'un de ces actes, dont la série généralement uniforme compose le corps historique du droit public des nations; nous nous ferions un devoir d'en discuter tous les articles, et nous aimerions à en expliquer tous les motifs : mais il n'en est pas ainsi de la transaction que nous avons à vous présenter; elle se ressent, elle doit nécessairement se ressentir de la situation dans laquelle chacune des parties se trouve respectivement placée, comme des intérêts et des considérations qui résultent d'un état de choses inoui dans l'histoire, unique dans sa natu e, et qui doit l'être dans ses conséquences.

>> Après vingt-cinq années de troubles et d'efforts désordonnés qui, dans une suite non interrompue d'invasions, de conquêtes et de destructions sans cesse renouvelées, ont indistinctement compromis l'existence politique, et menacé jusqu'à l'organisation sociale de tous les Etats, la restauration de la monarchie légitime de France avoit été le prélude de la paix du monde : notre indépendance, notre territoire, notre consideration au dehors et nos ressources réelles, n'avoient souf Lert aucune altération importante. Les souverains de l'Europe se féliTome VI. L'Ami de la Religion et du Ror. E

boient de la réconciliation heureuse qui venoit de rétablir, entre la France et les autres nations, cette conformité de principes, cette réciprocité de maximes et de vues devenues, par un concert heureux, gage le plus rassurant de la tranquillité et de la prospérité de tous.

le

» L'ouvrage de la félicité publique marchoit chaque jour vers son perfectionnement, lorsqu'une crise alarmante vint tout à coup le suspendre et en arrêter les progrès.

>> Une armée presque entière, détachée de son légitime souverain, qui, seul, avoit le droit d'en disposer; séparée, par la perfidie de quelques chefs, et par un entraînement sans exemple, de la ñation au sein de laquelle elle avoit été formée; une armée dont le courage s'employoit à imposer un usurpateur à la France, et à l'Europe un oppresseur, a provoqué la lutte qui devoit amener, et sur elle et sur nous, tous les désastres et toutes les calamités qui l'ont suivie.

>> Le Roi comme souverain, et la France comme Etat, n'ont cessé de s'opposer à ce mouvement coupable; mais, par uue combinaison peut-être sans exemple, tandis que la faction militaire méconnoissoit la voix de l'un, et trahissoit les sentimens de l'autre, tous les deux étoient réservés à souffrir et des efforts de l'attaque et de ceux de la résistance, et des succès éclatans et des prodigieux revers qui ont carac térisé cette courte et mémorable campagne.

>> Tels sont les événemens qui ont soustrait, en quelque manière, la destinée actuelle de l'Etat à l'action de son gouvernement; il a été obligé de composer non-seulement avec les prétentions, mais avec les alarmes que cette fatale rebellion a inspirées à l'Europe, et, ne pouvant méconnoître ni balancer l'incontestable supériorité qui demandoit des sacrifices pénibles, mais en grande partic temporaires, il n'a pa voir dans ces sacrifices nécessaires qu'un moyen d'arriver à cette période d'espérance à laquelle la France entière aspire, et qui lui permettra enfin de jouir en paix et avec sécurité de ses avantages per

manens.

» Loin de nous, Messieurs, la pensée imprudente de former pour le présent, ou de jeter dans l'avenir les germes d'un impolitique er dangereux mécontentement! C'est de cette assemblée, où siége l'élite du peuple françois, où, par le suffrage libre et éclairé de leurs concitoyens, se trouvent réunis les hommes qui, par l'importance de leur position et les divers rapports de leur existence politique, ont dû ressentir plus immédiatement l'atteinte des malheurs publics, et qui, par leurs lumières, doivent être plus en mesure d'en discerner les causes et le remède; c'est de cette, assemblée, dis-je, qu'il convient de faire entendre à la France des vérités sévères, et qui ne peuvent lui être révélées dans une circonstance plus solennelle.

>> La France a nourri pendant un demi-siècle le désir, légitime dans son principe comme dans son objet, de voir réformer les abus qui s'étoient successivement introduits dans le systême de sa politique intérieure. Cette réforme, que des vœux convenablement exprimés commençoient à obtenir d'un gouvernement paternel et sage, et qui, de lui-même, alloit sur ce point au-devant de l'opinion éclairée du public; cette réforme, facile pour le gouvernement, étoit impossible à des réunions nombreuses, où le désir du bien ne peut être toujours tempéré

par la prudence, où des tentatives hasardées devancent trop souvent la marche lente et assurée de l'expérience de là des obstacles et de malheureuses défiances qui devoient produire et ont en effet produit des laines, des résistances et de funestes ressentimens. L'affoiblissement, la ruine du pouvoir, l'oubli de la religion, le mépris des lois, la dissolution des liens sociaux, ont été en France la suite immédiate de celle présomptueuse entreprise. Une alarme générale s'est aussitôt ré pandue au dehors; elle a, comme on devoit s'y attendre, provoqué des guerres sans terme et saus mesure. La France, en batte à toutes les nations, a déployé une énergie extraordinaire; tous les Etats ont souffert de ses efforts; elle a porté presque partout ses armes victoricuses: mais, il faut le dire, partout où elle a vaincu, elle a excité des craintes, provoqué des vengeances, et allumé des ressentimens que le temps, qu'une graude modération, qu'une persévérante et invariable prudence pourront seuls parvenir à calmer.

>> Vous avez été témoins de l'explosion de ces ressentimens, lorsqu'à la seconde apparition de l'homme fatal à la France, qui étoit parvenu à se faire une puissance qu'il croyoit indestructible, de la terreur que les principes révolutionnaires et le courage des armées françoises avoient partout répandue, lorsque, dis-je, l'Europe, à cette terrible apparition, a pu craindre de se voir encore une fois subjuguée par des soldats que le même prestige entraînoit, et qui sembloient animés du même enthousiasme, un commun instinct de préservation a comme instantanément concentré sur le même objet toutes les craintes, toutes les haines, tous les intérêts des peuples épouvantés. La politique a oublié ses rivalités; tous les produits de l'agriculture, du commerce, toutes les propriétés ont été offertes en sacrifice; les âges, les sexes, toutes les classes de la population ont été entraînés par la même impulsion, et plus d'un million de soldats s'est précipité sur uos frontières.

» Sans doute, un tel appareil de forces n'étoit pas nécessaire pour abattre un parti qui étoit loin, comme on le pensoit au dehors, d'être secondé en France par le vœu national, par l'assentiment de l'opinion publique, et il ne nous est que trop permis de dire aux nations étrangères, qu'elles ont été dans l'erreur sur la vraie mesure des forces qu'elles avoient à combattre, et que, dans le moment même où la faction faisoit éclater ses fureurs, le peuple françois étoit uni par ses vœux à son légitime souverain; mais ses efforts ont été paralysés par la perversité de ceux qui l'ont trahi; et les hommes généreux qui, de tous les points de la monarchie, préparoient la ruine du pouvoir usurpé, n'ayant pu commencer leurs mouvemens avant ceux des armées alliées, ni agir avec la même promptitude et la même efficacité, elles ont considéré la chute du tyran comme l'effet immédiat de leur victoire; et la France, par cette combinaison de circonstances malheureuses, se voit ainsi exposée à répondre de tous les sacrifices, des pertes et des dommages éprouvés, bien qu'ils puissent être le résultat d'une alarme exagérée.

» La rigueur extrême de ce principe auroit pu être tempérée dans son application par l'équité et la magnanimité des souverains; mais il existe des considérations qui ont pu entraîner leur détermination, et qu'il est indispensable de connoître.

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