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Récolte des semences d'espèces exotiques

Dans la dernière note qu'il a donnée à la Revue des Eaux et Forêts. et qui devait être son testament forestier, M. Cardot, son regretté rédacteur en chef, invitait les forestiers, tous les forestiers, qu'ils appartiennent à l'Administration, qu'ils soient propriétaires exploitants ou simplement amis des arbres, à multiplier les recherches en vue de la reconstitution forestière, de la détermination et de la propagation des meilleures méthodes et des meilleures espèces. La loi du 31 juillet 1920 sur l'emploi du produit des jeux lui paraissait promettre un essor nouveau à ce genre de recherches.

Avant la guerre déjà, M. Salvador avait passé en revue les différentes espèces introduites dans la Provence Maritime, leur résistance, leur adaptation et leur régénération sous le climat exceptionnel de la Côte d'Azur. Ce travail sera d'une utilité considérable pour la reconstitution et l'embellissement des forêts incendiées de l'Estérel.

Plus récemment, la Revue des Eaux et Forêts publiait une étude intéressante et suggestive sur l'emploi du cyprès chauve de la Louisiane en Camargue.

Et cependant nos pépinières domaniales sont en général très pauvres en espèces exotiques. Depuis trois ans nos visiteurs anglais m'en ont fait plusieurs fois la remarque. Et je comprends leur étonnement quand je songe aux efforts de nos voisins suisses ou autrichiens, aux belles pépinières qu'entretient M. Barbey, le savant fores. tier suisse, toutes garnies d'espèces variées à des altitudes diverses de la vallée de l'Orbe. Certes, je n'avais pas à rougir de l'état de nos pépinières. Pendant que celles-ci s'enherbaient, des bandits avaient mis le feu à la maison qu'il fallait bien mettre à la porte, et l'on s'y est employé tout d'abord, avec la peine et l'énergie que l'on sait.

Mais ces souvenirs ne doivent que nous inciter au travail nouveau. Des esprits chagrins ne vont pas manquer de m'objecter: « Quoi done! Allez-vous proposer en France d'imiter ce qui s'est fait en Allemagne, de dépenser des sommes énormes pour introduire à grands frais quantité d'espèces nouvelles dont un tout petit nombre seulement se montrera susceptible de prospérer? Etes-vous à la fois si

Revue des Eaux et Forêts

Janvier 1923.

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oublicux de l'état de nos budgets publics ou particuliers et du prix des belles graines étrangères? »

Que non pas ! Je sais d'expérience toute la modération que l'Etat et les particuliers sont actuellement tenus d'apporter à leurs projets d'améliorations forestières. Je n'ai pas oublié qu'à l'Ecole de Nancy nous nous gaussions un peu des tentatives d'introduction d'espèces très diverses de nature et d'origine que les maîtres allemands multipliaient à grands frais et sur le type colossal, pour aboutir à un résultat qui, économiquement, n'était certes pas payant.

Et, précisément pour cela, je pense que, dans notre douce et belle France, nous pouvons obtenir à beaucoup moins de frais des résultats plus lents mais plus sûrs. Dans notre pays de haute culture et de vieille civilisation, ce ne sont pas seulement des trésors d'art et de beauté qui sont accumulés parmi les châteaux et les beaux logis épars sur tout le territoire, trésors qui, durant la guerre, faisaient l'émerveillement de nos amis canadiens et américains. Autour de ces demeures, le goût de Lenôtre, de ses émules, de ses successeurs, voire de simples jardiniers ou de propriétaires avertis, a disposé les massifs d'arbres pour la joie des yeux et l'embellissement du cadre.

L'art des jardins à la française de grand style se contentait de quelques espèces fort communes. Comme la musique des belles hymnes religieuses, il obtenait des effets remarquables avec des moyens d'une extrême simplicité.

La noble frondaison du chêne, de l'orme et du tilleul, la puissante retombée des hêtres, le contraste des charmilles et des ifs taillés suffisaient à ses dessins superbes. Mais depuis cent cinquante ans, avec le goût des perspectives plus souples, s'est développé l'emploi des espèces non spontanées et surtout des arbres verts.

Nous avons là pour chaque climat, pour chaque station, une mine de semences extrêmement précieuses où l'on peut puiser indéfiniment et qui reste à peu près inexploitée. Quelques faits et quelques exemples permettront d'apprécier cette richesse.

Lors de certaines discussions sur l'indigénat du sapin pectiné en Normandie, M. Hickel a défini sous une formule très heureuse les sapinières qui existent au sud de la zone spontanée, dans la région Moulins-la-Marche Alençon. C'est la région des « sapaies de châleaux », c'est-à-dire des sapaies qui se sont formées peu à peu par semis naturels dans des taillis, des prés, des champs, autour de quelques sapins plantés par les propriétaires. Quelques arbres, dont

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FORÊT D'ÉCOUVES. CARREFOUR DE MARLES, COMMISSAIRE RÉFORMATEUR EN 1007

Sapin de Douglas de 32 ans. Hauteur totale, 23 mètres.

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