Page images
PDF
EPUB

Saint-Laurent-du-Pont est joliment située sur la rive gauche du Guiers mort, à 412 mètres d'altitude, à l'ouest du massif. A 2 kilomètres, on trouve Fourvoirie (anciennes forges du xv° siècle, remplacées plus tard par les bâtiments utilisés par les Chartreux pour la fabrication de la fameuse liqueur (1) et leur servant aussi d'entrepôt) là commence l'admirable route forestière du Désert construite en 1854-1856 par M. le sous-inspecteur Eugène Viaud. Cette route d'une longueur de 7.350 mètres, suit d'abord la rive gauche, puis la rive droite du Guiers, qu'elle traverse à l'aide d'un pont d'une seule arche de 20 mètres d'ouverture, jetée à 42 mètres au-dessus des eaux tumultueuses du torrent (pont Saint-Bruno); la traversée de la forêt où les sapins à la ramure sombre et les hêtres aux troncs lisses s'accrochent, au milieu des rochers, aux versants escarpés de la montagne, dominés par les falaises abruptes qui surplombent de toutes parts l'étroite vallée, offre un spectacle inoubliable. Après avoir contourné la pittoresque aiguille de l'Œillette, la route traverse trois tunnels, taillés dans le roc, puis quitte la gorge du Guiers pour se diriger vers le monastère, à la bifurcation de la Croix-Verte. Elle se prolonge à l'Est dans la direction de Saint-Pierre-de-Chartreuse, franchit le ruisseau du Couvent sur le pont Saint-Pierre (2), ouvrage biais à trois arches, et, laissant à gauche la Courrerie, arrive au Grand-Logis, point où se termine le Désert. On atteint la Diat, puis une forte rampe mène à Saint-Pierre-de-Chartreuse.

4° Par Saint-Pancrasse et le col des Ayes. Le tramway de Grenoble à Chapareillan conduit le touriste en 45 minutes à SaintIsmier, village riant, bâti au milieu des vignes, au pied de la falaise du Saint-Eynard. La route traverse le redoutable torrent du Manival, issu d'un cirque sauvage et désolé, dont les déjections envahissent fréquemment les vignes voisines de son lit capricieux; ses divagations font le désespoir des vignerons et la préoccupation des forestiers qui cherchent en vain à circonscrire ses dégâts; puis elle s'élève en encorbellement le long de la falaise et atteint le plateau des Petites Roches (1.000 mètres d'altitude), soubassement du massif de la Dent de Crolles, d'où l'on jouit d'une vue magnifique sur la chaîne de Belledonne et sur la vallée de l'Isère. Deux heures de

En 1881, les Chartreux fabriquaient annuellement 1.400.000 litres de chartreuse; ils pavaient 5.54; franes d'impôts, dont 2.070 francs de patentes. De 1871 à so, ils avaient dépensé 325.300 francs en constructions neuves.

(2) Construit en 1888-1883 par M. Racapé, sous-inspecteur des Forêts.

marche conduisent au col des Ayes (1.515 mètres) qui s'ouvre entre la Dent de Crolles et le Roc d'Arguille; puis on descend à travers les pâturages et la forêt sectionale d'Entremont jusqu'à Perquelin, hameau situé dans une délicieuse vallée, dont les belles prairies arrosées par le Guiers et dominées par des sapins aux fûts élancés rappellent un coin des Vosges. On arrive ensuite en quarante-cinq minutes à Saint-Pierre-de-Chartreuse.

Les excursions qu'on peut faire dans la forêt de la Grande-Chartreuse sont très nombreuses; en dehors de charmantes promenades dans la vallée du Guiers mort et dans les environs du Couvent qu'il serait trop long d'énumérer, il faut citer les excursions aux prairies de Chartrousette, d'Arpizon, d'Aliénard, de Cordes, de la Cerna, à l'ancienne Chartreuse de Chalais (1), aux gorges du Frou et les ascensions des principales cimes du massif Chamechaude, Dent de Crolles, Grand Som, Granier, Grande Sure, Charmansom, Pinéa, etc. Les botanistes feront une ample récolte de plantes intéressantes, entre autres l'Hypericum nummularium, qu'on dit entrer dans la composition de la fameuse chartreuse.

Paul BUFFAULT.

(1) Ancien prieuré de Bénédictins, dans une ravissante situation au-dessus de Voreppe, acquis par les Chartreux en 1303, cédé par l'Etat aux Dominicains en 1844. Le célèbre P. Lacordaire y séjourna et entama un procès contre l'Administration des Domaines au sujet de la propriété de certaines parties des bâtiments réservés pour le logement des agents et des gardes dans le couvent, lors de la vente faite en 1791. Après un arrêt de la Cour, l'affaire se termina par une transaction.

COMMENT DIMINUER LES INCENDIES DE FORÊTS

Les considérations que nous présentons sont basées sur les déductions que nous avons pu faire, tant de nos observations personnelles que des renseignements recueillis auprès des préposés des Eaux et Forêts. Elles concernent uniquement le département du Gard et si, croyons-nous, elles peuvent être applicables, au moins en partie à la majorité des forêts du Sud-Est, elles ne sont certainement pas à étendre sans réserves à d'autres régions et encore moins à des massifs spéciaux tels ceux de l'Estérel ou du Sud-Ouest. Avant toute chose il faut distinguer :

1o Les taillis dits de plaine, mais plus exactement à basses altitudes (100 à 350 m. environ);

2o Les forêts de montagne, anciennes ou issues de reboisement.

TAILLIS DE PLAINE

Ils sont assis très généralement sur sol calcaire très superficiel, mais quelquefois siliceux à profondeur variable. Ils sont constitués par du yeuse pur, du yeuse mélangé au rouvre et exceptionnellement par du rouvre pur.

Tout d'abord on constate que l'incendie ne fait aucune différence; il sévit aussi bien sur la forêt en terrain calcaire que sur celle en terrain siliceux; sur le yeuse que sur le rouvre. Rien n'indique qu'il y ait lieu de favoriser à ce point de vue une essence plutôt que l'autre.

Les incendies s'y sont multipliés d'une façon navrante ces dernières années, semblant rendre vains les gros efforts des forestiers méridionaux en vue d'améliorer et d'augmenter la production de ces taillis. Va-t-on continuer à remonter constamment ce rocher de Sisyphe ou faut-il abandonner la partie.

L'enquête faite auprès de notre personnel sur cette situation nous a donné les résultats résumés suivants :

1° Causes :

Indirectes La sécheresse anormale de ces quatre dernières an

nées;

Directes Imprudence soit des fumeurs ou des riverains incinérant des broussailles; mais avant tout des chasseurs.

2° Mesures de défense :

Préventives Retard de l'ouverture de la chasse et application stricte de l'article 148 du Code forestier;

Défensives Opinions incertaines, peu catégoriques et données sans conviction.

En réalité, nous-mêmes n'avons rien à ajouter aux résultats généraux donnés ci-dessus sinon à les analyser et à en tirer des conclusions pratiques.

[ocr errors]

CAUSES
a) Indirectes

La sécheresse anormale et cumulée de ces quatre dernières années, sécheresse d'été comme sécheresse d'hiver, a grandement de toute évidence multiplié les sinistres; mais peut-être beaucoup plus comme importance et étendue que comme nombre.

Naturellement nous ne pouvons rien à la sécheresse elle-même; mais outre que l'on peut espérer des conditions moins défavorables pour l'avenir, peut-être pourrait-on travailler dès maintenant à en atténuer les conséquences. Cela est possible, croyons-nous, et dans de très larges mesures.

En effet, en y regardant de près, et le personnel le confirme, seuls brûlent avec intensité les taillis en mauvais état. La dégradation du massif permet à la fois l'envahissement du sol par les herbes et les morts bois, mais aussi leur dessiccation totale par insolation et ventilation intenses.

Les bons taillis brûlent peu et mal; et nous avons même constaté qu'ils peuvent dans certains cas servir de barrière d'arrêt à l'incendie développé dans de maigres taillis avoisinants.

Le taillis dégradé ne joue plus aucun rôle atténuateur vis-à-vis de la sécheresse; la mousse y disparaît; le sol violemment soumis à l'action solaire doublée d'une active ventilation dient incapable d'entretenir sous bois un état hygrométrique plus élevé qu'à l'air libre. D'ailleurs, dans ces taillis confinant la garrigue, il n'est

plus possible de concevoir le rôle du massif créant et maintenant à son intérieur une masse d'air relativement humide.

La destruction par l'incendie devient alors le dernier terme de la transformation en garrigue improductive de l'ancienne forêt, dégradée par des abus multiples et continus.

En résumé, il faut améliorer le taillis pour éviter les conséquences extrêmes de la sécheresse.

b) Directes

Le personnel s'accorde pour écarter la malveillance. Seule l'imprudence et la légèreté sont à retenir.

1o Incinération ou mises à feu diverses

Ce chef est important, le feu mis par l'imprudent gagne à la main. Le danger est beaucoup plus grand actuellement qu'autrefois, car la garrigue est plus inflammable (diminution ou disparition du pâturage) et surtout plus continue (embroussaillement de terres abandonnées). Autrefois pareilles mises à feu, même abandonnées à elles-mêmes, n'avaient que peu de chance de prendre une grande extension. Actuellement, leur puissance d'extension est illimitée.

Comme remède nous sommes d'accord avec le personnel, l'application stricte de l'article 148 C. F. sera extrêmement efficace, cet article convenablement modifié, de façon à ce qu'il soit opposable aux propriétaires particuliers de bois et aux personnes autorisées formellement ou implicitement par eux.

Cette mesure, aidée simplement de la fixation d'une période d'interdiction d'incinération de landes et broussailles, est suffisante à notre avis et nous estimons très sages les indications de la circulaire 897 de l'Administration que « tout abus de réglementation comme aussi une réglementation trop compliquée conduirait à des résultats décevants ». Nous allons même plus loin; nous croyons que, au moins dans notre région où les populations sont bienveillantes pour la forêt, une réglementation outrancière et tracassière irait à l'encontre du but recherché en diminuant cette bienveil lance.

En pratique, il est vrai, de telles réglementations restent lettre morte; elles ont cependant l'inconvénient de laisser croire que des

« PreviousContinue »