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restière de Lente, par la pelouse de Kary. Et cependant l'altitude n'a pas beaucoup varié.

D'autre part, lorsqu'il parcourt le plateau du Royans, où les brouillards sont si fréquents et si tenaces, il lui est facile de se rendre compte de la quantité considérable d'eau liquide ou congelée déposée sur les arbres par ces brouillards. Nulle part ailleurs, nous n'avons vu le phénomène du givre atteindre une telle intensité. Le 19 novembre 1922, par violente bourrasque du nord-ouest et alors qu'aucune chute de neige ne s'était encore produite, nous avons pu observer sur le sol des massifs de hêtre en bordure des pelouses une couche de cristaux de glace de 15 à 20 centimètres d'épaisseur provenant du givre tombé des cimes des arbres.

Le 19 février 1923, au cours d'une tournée, nous avons constaté qu'il y avait une couche de neige d'environ o m. 50 en amont du tunnel de Pionnier, tandis qu'elle n'était que de o m. 3o de l'autre côté de la barre de rochers, au débouché du tunnel sur la vallée de Bouvante.

Le 10 mars suivant, la couche de neige était de o m. 60 en aval du col de Kary, du côté du plateau agricole de La Chapelle en Vercors, tandis qu'il y en avait 1 m. 55 entre ce col et la pelouse de Lente, sur la route forestière dite de la Grosse Sapine.

Enfin, nous ajouterons que sur le plateau de Lente, dont l'altitude n'est cependant pas bien grande, il y a tous les hivers une couche de neige variant de o m. 80 à 1 m. 60. Le 11 mars 1923, cette couche, atteignait 2 m. 10 à la maison forestière de Lachau, à 1.340 mètres d'altitude. S'ils n'avaient pas appris l'usage du ski, il serait pratiquement impossible aux préposés qui habitent les quatre maisons forestières du plateau de faire des tournées pendant trois mois au moins.

A vrai dire, cette région de Lente, par sa configuration topogra phique et son enneigement, se prête admirablement aux sports d'hiver............. elle est malheureusement assez difficile d'accès et le seul chalet-hôtel qu'elle possède n'est ouvert qu'en été.

On pourrait multiplier les petits faits observés; mais il paraît suffisamment prouvé que le massif forestier dont il s'agit joue effectivement un rôle très important dans la climatologie du plateau du Royans et que cette influence de la forêt n'est pas plus négligeable que celle de l'altitude.

Elles s'ajoutent l'une à l'autre pour accentuer les deux éléments essentiels de ce climat le froid et l'humidité.

Qu'on ait parfois méconnu l'importance des causes géographiques et prétendu à tort que certaines contrées aujourd'hui déboisées ont été autrefois couvertes de forêts : c'est possible. Il n'en est pas moins vrai cependant que la forêt, lorsqu'elle a pu arriver à son entier développement, grâce à des conditions climatiques favorables telles que celles qu'offrent naturellement les monts du Royans, renforce à tel point ces conditions préexistantes, qu'elle crée autour d'elle le milieu nécessaire à son propre maintien et peut ensuite subsister indéfiniment dans sa forme primitive, même si le climat général vient à se modifier. C'est là une conclusion intéressante à tirer de l'étude sommaire qui précède. Elle donne la solution de bien des problèmes de géographie botanique et son importance ne saurait assez être mise en lumière.

Valence, le 10 mai 1923.

J. SALVADOR.

QUESTIONS D'AMÉNAGEMENT

J'ai eu l'occasion, pendant la guerre, d'étudier les aménagements de nombreuses forêts où avaient lieu des exploitations militaires dont j'avais le contrôle. Toutes les fois que cela m'a été possible, j'ai tenu à bien connaître, au point de vue forestier, les bois dont j'avais à m'occuper, au point de vue militaire. Mais, souvent, faute du temps nécessaire, les notes, prises en lisant les procès-verbaux d'aménagement, dûrent être écourtées.

En revanche, depuis 1919, j'ai pu étudier plus complètement les forêts où je conduis, chaque année, les élèves des écoles des Barres, pour leur expliquer, sur le terrain, l'application des cours de sylviculture et d'aménagement que je suis chargé de leur enseigner.

Ce travail, je m'en acquitte toujours avec le plus grand soin, tant pour être en état de donner aux élèves tous les renseignements qui peuvent leur être utiles que pour étendre mes propres connaissances; et, je le fais avec goût, car les questions d'aménagement m'ont toujours vivement intéressé.

Aujourd'hui, je possède des notes plus ou moins complètes sur un très grand nombre de forêts, forêts situées dans toutes les régions, peuplées d'essences très variées et soumises à des traitements et à des aménagements divers.

Cette longue étude m'a conduit à relever un certain nombre d'observations qu'il m'a paru utile de présenter aux lecteurs de la Revue des Eaux et Forêts.

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Tout d'abord, il semble bien que les aménagements des forêts, en France, sont trop souvent modifiés, changés, car, à chaque changement, la forêt qui en est l'objet subit, ordinairement, une crise plus ou moins grave.

Il existe des modes en matière de traitement et d'aménagement, absolument comme pour les costumes. Pour ce qui concerne le trai

tement, la mode est à la futaie à certaines époques, au taillis à d'autres; de nombreuses sapinières et pessières des régions montagneuses, traitées autrefois en futaie jardinée, puis en futaie pleine, ont été, de nouveau, soumises au traitement du jardinage; dans plusieurs forêts, le hêtre, après avoir été proscrit, a été reconnu très utile. Et, pour ce qui concerne l'aménagement, souvent, pour les forêts traitées en futaie, le règlement général d'exploitation est changé à l'occasion de la revision du règlement spécial ou même d'une simple revision de la possibilité.

Ces changements continuels sont excessifs, dangereux.

La façon dont ont été rédigées les circulaires de l'Administration sur la matière, notamment la circulaire n° 415, du 4 janvier 1890, semble, du reste, avoir encouragé ces abus.

On pourrait, à la rigueur, soutenir que le cadre développé qui est assigné au «Procès-verbal de revision d'aménagement »> ne doit être suivi complètement que si le règlement général d'exploitation est changé, et que l'on peut parfaitement ne pas s'y conformer entièrement, lorsqu'il s'agit seulement de présenter un nouveau règlement spécial. Mais, ce n'est vraisemblablement pas ce qu'ont voulu les auteurs des circulaires, puisqu'ils ont donné également un grand développement au « Procès-verbal de revision de la possibilité à faire au cours d'une période ».

Il semble cependant qu'il eût été plus logique et, en tout cas, plus prudent de prescrire que, en principe, la présentation d'un nouveau règlement spécial d'exploitation doit se rapporter uniquement à ce qui concerne ce nouveau règlement spécial et qu'une revision de la possibilité comporte seulement les résultats des comptages, avec un simple rapport donnant le calcul de la nouvelle possibilité et concluant à son adoption, rapport qui serait utilement placé à la fin du procè-verbal d'aménagement appliqué.

Les officiers des Eaux et Forêts seraient ainsi moins tentés de modifier, sans raisons sérieuses, les bases mêmes des aménagements; leur travail d'écritures serait diminué et les archives renfermeraient des dossiers moins nombreux et moins volumineux.

En revanche, toutes les fois qu'il y a véritablement revision de l'aménagement d'une forêt, le nouveau procès-verbal devrait, pour ce qui concerne la statistique générale de cette forêt, non pas se

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borner, comme le dit la circulaire n° 415, à rectifier les renseignements généraux donnés lors de l'établissement du premier procèsverbal d'aménagement, mais contenir, pour le moins, un résumé succinct, mais aussi complet que possible, de ces renseignements généraux.

Avec les errements actuels, souvent, les données de statistique générale figurent seulement dans des documents déjà anciens, parfois classés dans les vieilles archives, où ils sont trop rarement consultés, quand ils ne sont pas oubliés.

C'est, du moins, ce que me firent observer, maintes fois, des officiers, cependant très sérieux, lorsque je m'étonnais de leur documentation plus ou moins incomplète sur l'origine, l'historique, le climat, la géologie... d'une forêt confiée à leur gestion.

Il me semble donc utile, nécessaire même, que tout procès-verbal d'aménagement, lors même qu'il s'agirait d'une revision, donne, ne fût-ce que d'une façon résumée, tous les renseignements généraux concernant la forêt.

Peut-être, serait-il possible de rédiger ces renseignements géné raux sur des feuillets détachables qui, tenus constamment à jour, pour ce qui concerne les rectifications successives qu'il conviendrait d'apporter, seraient toujours placés en tête du dernier procès-verbal d'aménagement ou de revision d'aménagement.

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Il serait également utile que tout procès-verbal d'aménagement renfermât le texte du décret qui l'a sanctionné, ainsi que les copies des décisions successives relatives aux règlements spéciaux d'exploita tion et à la fixation de la possibilité.

Il serait certainement possible de trouver un système qui permet trait d'ajouter successivement tous ces documents à la fin du cahier d'aménagement. Avec la statistique générale placée ou reportée en tête, ce cahier contiendrait ainsi tous les renseignements utiles sur la forêt.

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Dans plusieurs aménagements de forêts traitées en futaie pleine, avec division de la série en affectations, la possibilité par volume a été calculée d'après la méthode indiquée par l'Administration, dans ses notes de 1883 et 1894.

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