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143. Le principe une fois admis, qu'il est loisible au Français de renoncer au droit établi en sa faveur par l'article 14, cette renonciation peut encore résulter d'autres faits de sa part que celui d'une action formée en pays étranger. Ainsi l'élection de domicile dans un lieu dépendant d'un territoire étranger, faite dans les termes de l'article 111 du Code civil, par un Français, dans un acte passé avec un étranger, peut être considérée comme impliquant cette renonciation et comme obligeant le Français à poursuivre l'étranger devant les tribunaux de son pays.

144. L'article 14 ne distingue pas le cas où le Français qui entend s'en prévaloir, se trouve présent en France, de celui où il habite lui-même à l'étranger : le droit établi par cet article est une conséquence de la qualité de Français, et il doit subsister tant que l'individu n'a pas perdu cette qualité1. Cependant deux arrêts de la cour royale de Paris ont décidé en sens contraire, en refusant au Français le droit d'invoquer l'article 14 au préjudice d'un étranger avec lequel il aurait contracté en pays étranger, lorsqu'à l'époque du contrat

sens contraire, le 16 décembre 1839, dans la cause du prince de Salm-Kyrbourg contre le comte de Pfaffenhoffen. Le tribunal de la Seine avait déclaré en principe que l'exception de litispendance en pays étranger ne pouvait être proposée devant les tribunaux français : la cour, en adoptant les motifs des premiers juges, a ajouté en fait que les deux actions n'étaient pas les mêmes.

En Allemagne, l'exception de litispendance en pays étranger est recevable. V. les conventions diplomatiques citées infrà, n° 146.

1 M. Duranton, T. I, no 151 à la note. M. Legat, p. 299, M. Coin-Delille, Jouissance et privation des droits civils, no 13. Arrêt de la cour de cassation, du 26 janvier 1836. Sirey, 1836, I,

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le Français était domicilié dans le pays de l'étranger'. Delvincourt approuve ces décisions : « En effet, » ditil, « l'étranger a pu et dû croire que le Français était fixé là où il avait son domicile; et il n'a pas dù s'attendre à se voir poursuivi en France, comme s'il s'agissait d'un contrat passé avec un Français voyageur. » Nous croyons que ces arrêts, s'ils peuvent être excusés par la nécessité de restreindre une disposition exorbitante, sont cependant contraires au texte de l'article 14.

145. La disposition de l'article 14 a passé, avec plus ou moins de modifications, dans les Codes auxquels le Code français a servi de modèle: on la retrouve d'abord dans le Code de Bade; l'article 15 du Code des DeuxSiciles est ainsi conçu : « L'étranger, même non résidant » dans le royaume, pourra être cité devant les tribunaux » du royaume pour l'exécution d'une obligation par lui » contractée dans le royaume'; il pourra pareillement >> être traduit devant les tribunaux du royaume pour obligations par lui contractées en pays étranger

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» envers un regnicole, pourvu que le jugement puisse >> recevoir son exécution dans le royaume. »>

1 Arrêts du 28 février 1814 et 20 mars 1834. Sirey, 1814, II, 362; 1834, II, 159. Dalloz, 1815, II, 10; 1834, II, 132. Ce dernier arrêt a été cassé par celui du 26 janvier 1836.

'T. I, notes, p. 3o à la fin.

' Elle en a été rayée plus tard. V. ci-après.

* On voit que le Code des Deux-Siciles ne limite pas, comme le Code français, le droit d'assigner l'étranger aux obligations par lui contractées en France envers un Français, et il semble qu'un autre étranger envers lequel l'étranger a consenti un engagement dans le royaume des Deux-Siciles, pourra aussi invoquer la première partie de l'article 15.

Le Code du canton de Vaud, porte, article 8: L'étranger au canton, lors même qu'il n'y réside pas, » pourra être cité devant les tribunaux du canton: 1° Pour les actions civiles résultant d'une faute ou » d'un délit commis dans le canton; 2° pour les actions » réelles concernant des biens situés dans le canton; 3 pour l'exécution d'une convention écrite, même en pays étranger, dans laquelle il aura été stipulé que les » différends auxquels elle pourra donner lieu, seront jugés par les tribunaux du canton de Vaud; 4° lorsque » l'étranger, qui aura été domicilié dans le canton, » n'aura pas de domicile fixe et connu, pourvu que » l'action soit intentée dans les trois mois qui suivront » son départ du canton. »

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L'article 14 du Code français se trouve littéralement reproduit, divisé en deux parties, par les articles 15 et 16 du Code de Haïti.

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Le Code sarde contient, sur la matière, des dispositions claires et explicites: article 30. « Les étrangers qui auront contracté avec un sujet, pourront > aussi être cités devant les tribunaux des Etats, quoiqu'ils ne s'y trouvent pas, si le contrat y a été passé, » ou que leur obligation doive y être exécutée. » Article 31. « Les étrangers qui auront contracté en pays étranger avec un sujet, pourront être cités devant les » tribunaux des États, s'ils s'y trouvent. Ils pourront » aussi l'être, quoiqu'ils ne s'y trouveraient pas, si, » dans leur pays, on en use ainsi envers les étrangers. › Dans ce dernier cas, la connaisance de la contestation » sera réservée au sénat dans le ressort duquel le de» mandeur sera domicilié. » Article 32. « L'étranger qui se trouvera dans les États, pourra, à raison des obligations qu'il y aurait contractées avec un autre

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étranger, être traduit devant les tribunaux des Etats. 1 "

La nouvelle législation des Pays-Bas a maintenu la disposition de l'article 14 du Code civil français, tout en la plaçant dans le Code de procédure civile. Voici le texte de l'article 127 de ce Code: « Un étranger, » même non résidant dans les Pays-Bas, peut être cité » devant le juge néerlandais, pour l'exécution des obligations par lui contractées envers un néerlandais, » soit dans les Pays-Bas, soit en pays étranger.

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Dans les États pontificaux, au contraire, la disposition de l'article 14 du Code français n'a pas été admise: il résulte du paragraphe 485 du règlement législatif et judiciaire, du 10 novembre 1834 2 , que l'étranger ne peut être cité devant les tribunaux des Etats pontificaux, qu'autant qu'il a contracté des obligations dans ces Etats mêmes.

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146. En Allemagne la maxime actor sequitur forum rei forme également la règle générale en matière personnelle : mais elle admet plusieurs exceptions. Ainsi, à l'égard d'un étranger, la résidence momentanée dans le territoire peut être regardée par le juge comme équi

1 Les dispositions de ces articles se trouvaient déjà dans les constitutions, publiées en 1770, liv. 3, tit. I (du tribunal compétent), articles 8 et 10. Ces lois et constitutions sont encore en vigueur en tout ce qui est relatif à la procédure civile.

* Ce paragraphe sera rapporté infrà, lorsque nous examinerons les formalités prescrites pour les assignations à donner aux étrangers.

3 Martin, Manuel de la procédure civile du droit commun de l'Allemagne (Lehrbuch des deutschen gemeinen bürgerlichen Prozesses), éd. de 1834, § 48. Helfeld, Dissertatio de actore forum rei haud semper sequente, in Opusculis, no VI.

valente au domicile '. D'autres exceptions sont motivées sur des circonstances spéciales: ainsi, suivant la procédure du droit commun de l'Allemagne, l'action personnelle contre un étranger ou un regnicole peut être portée devant le tribunal du lieu du contrat (forum contractús) ou du lieu où le défendeur a géré les affaires d'autrui (forum administrationis), et la demande en validité d'une saisie-arrêt est de la compétence du tribunal dans le ressort duquel se trouve la chose arrêtée (forum arresti); on a pu croire que les juges desdits lieux sont mieux à même de prononcer sur la contestation, que ceux du domicile du défendeur dans les deux premiers cas, en raison de l'interprétation du contrat, dans le troisième à cause de la nature de l'objet et de l'urgence de statuer sur le mérite de l'opposition. Le Code de procédure civile de Bavière a adopté les mêmes principes *.

En Prusse, un étranger n'ayant pas de domicile établi dans le royaume, peut être cité, à la requête d'un demandeur regnicole ou étranger, devant les tribunaux du royaume, pour l'exécution de ses engagements per

1 Glück, Commentaire, T. VI, § 512. Mevii decis., part. 7, dec. 86, n° 3.

V. la Revue. T. V, p. 695 et suiv.

3 Martin, §§ 52, 53 et 240. Conventions conclues entre la Bavière et le Wurtemberg, le 7 mai 1821; entre le Bade et le Wurtemberg, le 30 décembre 1825; entre le Wurtemberg et les deux principautés de Hohenzollern, en 1827; entre le Bade et HobenzollernSiegmaringen, les 12 et 20 septen bre même année. Martens, Nouveau recueil des traités, vol. VI, p. 854; vol. VII, p. 178, 270 et 303. Kluber, Droit public de la confédération germanique, § 366, note d.

Codex juris bavarici judiciarii, ch. 1, §§ 6, 7 et. 8.

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