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change; mais, au moment de la création de cet effet, le tireur ignorait encore que le tiré, ne trouvant pas les marchandises à sa convenance, lui avait écrit qu'il ne les garderait pas. -Quatrième espèce. Le 1er juin 1839, un négociant de Francfort-sur-Mein tira sur une maison de Berlin une lettre de change de 1,000 florins, payable le 1er juillet même année. Dès avant la signature de cette traite, le tireur avait déposé entre les mains du tiré des effets publics au porteur d'une valeur de 2,000 florins, et il lui délégua ensuite ces effets publics à titre de provision de la lettre de change Le 16 juillet seulement, le porteur présenta la lettre de change à l'acceptation, qui fut refusée. Actionné par le porteur, le tireur répondit qu'il avait fait la provision; mais on apprit que le 24 juin les effets publics avaient été volés au tiré, et dès lors il n'existait pas de provision à l'échéance de la lettre de change, quoique sans la faute du tireur.

Le tireur sera-t-il tenu, dans tous ces cas, de rembourser le montant de la lettre de change au porteur qui a mis du retard dans l'accomplissement des formalités ? Le tireur ne devait-il pas s'attendre, de la part du tiré, à l'acceptation et au payement de la lettre de change? On voit que la rédaction de cette partie de la loi exige des précautions particulières; que le système actuel n'est ni rassurant ni juste. Dans la dernière espèce, par exemple, suivant le Code français, le tireur a dù rembourser au porteur le montant de la lettre de change, bien qu'il ne se soit pas enrichi au préjudice d'autrui, qu'il ait perdu ses effets publics et qu'il ait rempli son obligation de faire la provision.

(La suite à un prochain cahier.)

IV. 2 S ÉRIE.

MITTERMAIER,

IX. De la science du droit en Allemagne, depuis 1815.

Par M. L.-A. WARNKOENIG,

professeur de droit à l'université de Fribourg (Bade).

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Le droit ecclésiastique, vulgairement appelé le droit canon, était autrefois la seule branche de la jurisprudence que l'on enseignât aux universités à côté du droit romain. Cette connexité est encore indiquée aujourd'hui par le grade de docteur en droit, puisque le gradué se nomme utriusque juris doctor. Le droit ecclésiastique, en effet, se rattache au droit public. Après la dissolution de l'empire germanique, il perdit en grande partie son importance; il la reprit seulement depuis 1815, et surtout après la réorganisation des diocèses catholiques, par suite des concordats que les divers souverains de l'Allemagne conclurent avec Rome'.

Autrefois l'Allemagne avait des canonistes fort célèbres, tant catholiques que protestants, parmi lesquels Boehmer le père, mort en 1749, est de beaucoup supérieur aux autres. Il a donné (1747) la meilleure édition du Corpus juris canonici, et il a inséré dans son Jus ecclesiasticum protestantium ( 1" édit., 1714; 2°, 1754) un commentaire du droit ecclésiastique, qui jouit encore aujourd'hui de la plus haute autorité. Il a encore publié un Manuel abrégé du droit ecclésiastique, et ce manuel a été longtemps suivi dans les uni

versités.

1 Ce sont les concordats de la Bavière (1817), de la province du Haut-Rhin, Wurtemberg, Bade Hesse, Nassau (1821), Prusse (1821), Hanovre (1824).

Parmi les auteurs catholiques, on distinguait à la fin du siècle dernier deux partis, l'un plus favorable aux droits de l'Église dans l'État, l'autre soutenant le droit de l'État sur l'Église. Les partisans du dernier système formèrent une école dont le célèbre évêque de Trèves, de Hontheim, connu sous le nom de Febronius, était le chef, et qui dominait en Autriche avec l'appui de l'empereur Joseph II, qui, de sa seule autorité, avait fait subir à l'Eglise plusieurs réformes et avait fortement restreint le pouvoir du pape dans ses états. On appelle encore aujourd'hui cet ordre de choses le système de Joseph II. Les principes en sont surtout enseignés dans les manuels des canonistes Rieger et Sauter, morts tous les deux professeurs de l'université de Fribourg, et par quelques auteurs plus récents, parmi lesquels Rechberger, en Autriche, à le plus de célébrité. Son Manuel du droit ecclésiastiqué autrichien a été publié en allemand, en latin et en italien. Dans le reste de l'Allemagne, celui de Wiese, ouvrage peu profond, imprimé cinq fois de 1799 à 1827, est, avec l'ouvrage latin de G. W. Boehmer, fils du célèbre canoniste, ouvrage dont une septième édition a été publiée en 1802, celui qui a eu le plus de vogue. Pour les catholiques, l'autorité la plus imposante était et est encore Van Espen.

Mais une nouvelle ère a commencé pour cette étude pendant la période qui nous occupe, par l'apparition du Manuel du droit ecclésiastique, composé par M. Ferd. Walter, professeur à l'université de Bonn. Cet ouvrage, aussi remarquable par le fond que par la formě, à eu huit éditions dans l'espace de 16 ans; elles ont paru en 1821, 1823, 1825, 1829, 1831, 1833, 1836 et 1839. La quatrième édition est, comparativement aux trois pre

mières, un ouvrage nouveau, et les deux dernières ont subi de très-grandes améliorations. Ce livre contient aujourd'hui 798 pages. Pour faire connaître son caractère, nous devons dire quelques mots de la direction que l'étude du droit ecclésiastique avait prise en Allemagne vers la fin du XVIII' siècle. Les auteurs qui écrivaient sur cette branche du droit, partaient ordinairement d'un point de vue philosophique. Ils admettaient un droit ecclésiastique naturel, c'est-à-dire, un ensemble de principes fondamentaux, déduits de la doctrine générale du droit naturel, telle que l'école de Kant l'avait mise au jour. Le droit positif, tant de l'Église catholique que des confessions protestantes, était subordonné à ces théories et modifié par elles. On rejetait comme suranné tout ce qui ne se conciliait pas avec la science pure. Parmi les auteurs qui suivaient cette méthode, nous citerons feu Th. Schmalz, professeur de droit naturel à Berlin. Son Manuel du droit ecclésiastique est parvenu, après la mort de l'auteur, en 1834, à sa troisième édition.

M. Walter se déclara ouvertement contre cette méthode, et présenta le droit ecclésiastique dans toute sa pureté historique. Tout son ouvrage est dominé par cet esprit, ce qui lui donne une base sûre. Le droit ecclésiastique catholique surtout y est développé avec une clarté admirable, et tel que l'Eglise l'a enseigné ellemême , que ses enseignements aient été ou non reconnus par le pouvoir séculier. C'est ce qui a valu à M. Walter l'épithète d'ultramontain de la part des auteurs attachés à l'école de Febronius. Dans aucun ouvrage l'histoire du droit ecclésiastique n'est exposée avec plus de sagacité que dans le sien ( p. 100-248). L'auteur a mis à profit toutes les recherches, tant anciennes que moder

nes, sur les sources du droit canon, et entre autres celles de feu La Serna Santander sur la véritable collection d'Isidore de Séville. On trouve chez lui ( p. 155 et suiv.) une discussion fort remarquable sur l'auteur probable et sur le but des fausses décrétales insérées dans la collection pseudo-isidorienne, et sur celles dont cette collection est la source. L'histoire du droit de l'église grecque y est également traitée, ainsi que les principes du droit qui la régit encore aujourd'hui. Un chapitre particulier est destiné à déterminer les rapports qui doivent exister entre l'Église et l'État, et un livre entier (le cinquième ) traite de l'influence qu'a exercée le droit canon sur la législation civile et politique des peuples chrétiens. On doit être étonné qu'il n'ait pas encore été fait une traduction française de l'ouvrage de M. Walter 1.

Pour combattre la direction que M. Walter donne à l'étude du droit ecclésiastique, un de ses collègues, feu M. Droste Hülshof, a publié en 1828 un Manuel du droit ecclésiastique auquel les principes de l'Église gallicane servent de base. On les trouve aussi dans le Manuel de M. Brendel de Würzbourg ( qui de 1819 à 1839 a eu trois éditions), ainsi que dans celui de M. Eichhorn (deux volumes de 1680 pages, publiés en 1831 et 1833). C'est le meilleur livre sur le droit ecclésiastique, qui ait été publié par un auteur protestant de nos jours. Nous passons sous silence un grand nombre d'auteurs qui ont traité le droit ecclésiastique d'un état particulier. La plupart des trente-huit états de la Confédération germanique ont eu leurs canonistes.

Toute cette étude a reçu un nouvel intérêt de la lutte

Elle vient de paraître. (Note des directeurs de la Revue,)

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