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cédure civile qui se font aux universités allemandes, on se borne toujours à la procédure du droit commun; mais les règles qu'on y enseigne ont à la fois un caractère de généralité et de précision, de telle sorte qu'elles peuvent servir partout. La théorie de cette procédure est la clef des législations spéciales de toute l'Allemagne, hors la Prusse et la rive gauche du Rhin. On y indique aussi, lorsque l'occasion s'en présente, les modifications les plus importantes qu'elle a subies dans tel ou tel pays. Enfin, dans les universités bien organisées, on fait aussi bien un cours particulier sur la procédure civile que sur le droit civil du pays, par exemple en Prusse, en Bavière, en Wurtemberg, en Hanovre, etc.

V. Du droit criminel.

Les vingt-cinq ans qui expirent avec l'année 1840 sont une période de réaction contre la méthode suivie dans l'exposition du droit criminel, méthode dont M. de Feuerbach (mort en 1832) était le principal auteur et propagateur. Lui et ses amis, de Groluan et d'Almendingen, étaient les fondateurs de l'École philosophique des criminalistes allemands, école qui n'a pas seulement réformé la théorie du droit criminel général de l'Allemagne, en y introduisant, comme des lois, des principes purement spéculatifs, mais qui avait encore imprimé leur caractère aux nouveaux Codes criminels sanctionnés depuis 1813.

Nous supposons que les doctrines de M. de Feuerbach sont connues de nos lecteurs. En France, ces doctrines ont été répandues en même temps que combattues par M. Rossi et récemment par M. Rauter'. Nous croyons

1. l'introduction au Traité théorique et pratique du droit criminel français, t. I. Paris, 1836.

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-aussi que nos lecteurs savent quelle importance l'écol❤ philosophique a attachée aux théories sur le principe fondamental de la pénalité, sur le droit de punir et sur le but des lois criminelles. Selon le point de départ qu'ils adoptaient en cette matière, selon la base qu'ils donnaient au droit pénal, les auteurs soutenaient en droit criminel des principes tout différents. Ces principes étaient, aux yeux de l'école philosophique des criminalistes allemands, des vérités absolues et antérieures aux lois pénales positives, des vérités qui devaient guider le juge en cas d'insuffisance de la loi, et si la loi était tombée en désuétude. M. de Feuerbach avait aussi remplacé, par des règles déduites de sa théorie philosophique, bien des dispositions des vieilles lois de l'Allemagne, c'est-à-dire, du droit romain, du droit canon et du Code pénal de Charles-Quint, de 1532, qui sont encore aujourd'hui la base du droit criminel général de ce pays. Il n'attachait pas d'importance à la question de savoir, si sa théorie du droit pénal avait été celle du législateur. On devait la suivre, parce qu'elle était vraie en elle-même1.

C'est l'ardeur philosophique de la fin du siècle dernier, qui avait fait naître sur les hautes questions du droit pénal les discussions que nous avons mentionnées. Néanmoins les théories de Kant et de presque tous les philosophes qui l'ont suivi, ne furent pas adoptées par les criminalistes de l'école philosophique. En effet, Feuerbach, Grolman et leurs amis prennent pour base de la punition, non la justice, mais la répression, ou la prévention, ou quelques-uns ) l'amendement du

1 M. Rauter a publié un exposé critique du livre de M. de Feuerbach, jugé du point de vue français, dans la Revue étrangère et française, t. V, p. 492.

coupable, ou assignent, selou les circonstances, tel ou tel but à la peine.

La réaction contre cette école est partie de différents côtés : contre elle et notamment contre M. de Feuerbach se sont successivement déclarés MM. Mittermaier (1819), Henke à Berne (1823), Rosshirt à Heidelberg (1821), Gerstæker à Leipsic (1823), Biener à Berlin (1829), et toute la génération plus jeune des criminalistes allemands, tels que MM. Waechter (1825-1826), Heffter (1834), Jarke (1827), Klenze, Abegg (1827 et 1835).

M. Mittermaier avait déjà, en 1821, dans un article inséré au quatrième volume des Nouvelles Archives du droit criminel, démontré l'absurdité de la méthode en usage. M. Gerstæker le fit aussi dans le septième volume. M. Biener publia dans le dixième volume, en 1829, une dissertation fort remarquable sur l'application de la méthode historique, c'est-à-dire des principes de l'école historique, à la science du droit criminel. Peutêtre va-t-il un peu trop loin; mais il démontre que des principes qui ne sont, ni sanctionnés par la législation, ni reçus comme droit coutumier, ne sont que des opinions individuelles aussi bien dans le droit criminel que dans le droit civil.

M. Abegg essaya de combiner la méthode historique avec les principes de la philosophie de Hegel, et y réussit.

D'un autre côté, M. Bauer, professeur de droit criminel à Gættingue, fit deux éditions d'un Manuel du droit criminel, dont la couleur est philosophique plutôt qu'historique, et le Manuel de M.de Feuerbach eut presque tous les deux ans une édition nouvelle, parce qu'on le suivait dans la plupart des universités'. Le caractère primitif

Il en a paru une treizième cette année.

de cet ouvrage lui fut conservé non-seulement par l'auteur, mais encore par M. Mittermaier, son dernier éditeur. Cependant ce jurisconsulte combattit depuis le commencement jusqu'à la fin la manière de voir de l'auteur, lorsqu'elle s'écartait des résultats d'une interprétation fidèle des sources ou des principes positifs généralement reconnus. M. Mittermaier expose dans sa préface de quelle manière lui-même se propose d'écrire un jour un livre sur le droit criminel. Il est intéressant de connaître les vues de ce célèbre jurisconsulte. Nous nous empressons de reproduire ici ses paroles :

« Un Manuel du droit criminel allemand (dit-il, p. 1v de la préface de la douzième édition de Feuerbach, faite en 1836) doit, pour satisfaire à toutes les exigences de la science :

» 1° Partir de principes reconnus en matière de droit criminel, et ne pas s'en écarter dans les détails.

» 2° Son auteur doit s'être pénétré de l'esprit des sources principales du droit criminel général de l'Allemagne, savoir du droit romain, du droit canon et du droit germanique, et déterminer exactement leurs rapports mutuels.

» 3° Il doit connaître les idées dominantes sur le droit criminel du moyen âge, tant celles que les célèbres criminalistes italiens, tels que Gaudinus, Arretinus et Bonifacius, ont suivies, que celles qui se retrouvent dans les statuts des villes de l'Italie, attendu que les praticiens, au moyen âge, y ont attaché une haute importance.

» 4o Il doit connaître les doctrines de droit pénal répandues à la fin du XV et au commencement du XVI. siècle, à cause de l'influence qu'elles ont exercée sur

la rédaction des lois criminelles de ce temps, et notamment sur le Code de Charles-Quint.

>> 5o Il doit étudier les opinions des interprètes de cette dernière loi, et la pratique du droit criminel du XVII siècle, vu que celle-ci a déjà commencé à modifier la législation écrite.

» 6o Il doit s'efforcer de trouver une classification des crimes et délits, qui soit à la fois conforme aux sources et aux idées suivies par les criminalistes.

» 7° La nature de chaque crime doit être déterminée tant d'après les dispositions de la loi, que d'après la nature des choses. C'est la philosophie qui doit aider l'interprète à découvrir cette dernière.

8° Les questions controversées doivent être posées et résolues de manière qu'il soit facile d'en saisir la portée, et de se rendre compte des difficultés qu'elles présentent. L'auteur doit avoir égard aux règles de la médecine légale, si elles ont trait à la question qu'il discute. » 9° Il est nécessaire de connaître les décisions remarquables en droit criminel, pour constater la jurisprudence. Il manque à l'Allemagne un recueil de ce genre. » 10° Enfin un manuel du droit criminel allemand doit coutenir la comparaison des dispositions des Co·les nouvellement sanctionnés en Allemagne.

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M. Mittermaier annonce qu'il est occupé d'un Manuel qui sera rédigé d'après les principes qu'il vient d'exposer, mais qu'il lui faut des années pour l'achever.

On doit être surpris de voir que les criminalistes allemands n'aient pas songé plus tôt à écrire des ouvrages de droit criminel comparé. De tels livres sont à la fois historiques et philosophiques, et doivent être faciles à faire en Allemagne, parce que la connaissance des langues et des législations étrangères y est plus commune

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