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l'art. 2108, ce devait être par la transcription; mais en renvoyant à cet article, on ne le fait pas revivre quant à la partie abrogée sur laquelle on ne veut pas s'exprimer en termes exprès. Ce qui est bien entendu, c'est que le vendeur n'est pas tenu de s'inscrire, et que son privilége se conserve nécessairement et par la force des choses, lorsque la créance du prix est mentionnée dans l'acte de vente. Qu'on se rappelle d'ailleurs que le vendeur non payé conserve toujours, et sans remplir aucune formalité, le droit de demander la résolution de la vente, et on restera persuadé que son privilége ne peut dépendre de l'accomplissement de formalités qui lui seraient imposées1.

Mais ne serait-il pas possible d'entendre la disposition finale de l'article 834 du Code de procédure d'une manière telle, que le droit de suite du ven

Je sais que l'avis du conseil d'état du 22 janvier 1808, relatif, entre autres matières, aux inscriptions prises d'office, contient une disposition qui paraît supposer en vigueur un principe contraire, puisqu'il dit que le renouvellement d'inscription prescrit par l'article 1154 doit être fait par le vendeur; mais il faut bien faire attention que le conseil d'état, lorsqu'il a donné l'avis en question, n'avait pas à examiner si cette inscription était nécessaire au vendeur, mais seulement si le conservateur devait, d'office, pourvoir au renouvellement. On a bien fait de décider la négative et d'affranchir le conservateur d'une tâche presque impossible à remplir; mais le conseil d'état va trop loin, quand il suppose que le vendeur a une inscription à renouveler. Si ce point eût été l'objet d'un examen spécial, on eût reconnu que cette décision supposait: 1o que le „ystème de la loi de brumaire était en vigueur, ce que le conseil d'état d'alors avait refusé d'admettre; 2° que le vendeur n'avait pas d'action en résolution contre les tiers. Remarquons d'ailleurs que, d'après l'article 2108 lui-même, aucune inscription n'est exigée du vendeur; or, l'art. 2154 ne parle que du renouvellement des inscriptions. Jamais les transcriptions n'ont dû être renouvelées, soit d'après la loi du 11 brumaire, soit d'après le Code civil.

deur fut toujours révélé par une transcription que serait obligé de faire, non pas le vendeur, mais l'acheteur. Ceci dépendra de l'interprétation qu'on donnera au premier alinéa du même article. On pourra peut-être arriver ainsi à considérer l'art. 834 comme rétablissant, en matière de droit de suite, un système de publicité, dont le jeu serait tel que le privilége du vendeur apparaîtra toujours par l'effet d'une transcription imposée à l'acheteur. Je vais m'expliquer.

D'après l'article 834, les hypothèques acquises avant la vente, mais non encore inscrites, peuvent l'être dans la quinzaine qui suit la transcription de cet acte. Ainsi, comme nous l'avons dit, sous ce rapport unique, c'està-dire, au profit des créanciers qui pouvaient s'inscrire avant la vente, le vendeur est encore considéré comme propriétaire jusqu'après l'expiration de la quinzaine qui suit la transcription. Mais supposons que, cette transcription n'ayant pas été faite, l'acheteur revende l'immeuble; le nouvel acquéreur devra-t-il, pour arrêter le cours des inscriptions qui peuvent être prises par les créanciers du premier vendeur, transcrire nonseulement son propre contrat, mais même le premier contrat de vente? Je pense qu'il le doit, et voici comment je raisonne :

Il résulte de l'article 834 quelque chose d'analogue à ce qui se passait sous la loi de brumaire, puisque le vendeur, sous un certain rapport, est encore propriétaire jusqu'à la transcription de la vente, et même quinze jours par delà. Que l'acheteur vienne à revendre, la position du vendeur originaire ne change pas; car ce premier acheteur n'a pu concéder au second plus de droit qu'il n'en avait lui-même. Ce nouvel acheteur ne sera donc propriétaire à l'égard des créanciers du premier

vendeur que de la manière dont l'aurait été le premier acheteur, c'est-à-dire, en transcrivant le premier contrat de vente 1; et, en outre, pour devenir compléte

1 Sous l'empire de la loi de brumaire, l'acheteur n'aurait pu, avant la transcription de son acte de vente, conférer des hypotheques ni faire des aliénations au préjudice de son vendeur; car la transcription du premier contrat ne devait opérer la mutation de propriété à son profit et au profit de ses successeurs universels ou particuliers, qu'en faisant naître en même temps le privilége du vendeur. M. Troplong admet bien cette solution quant aux hypothèques accordées par l'acheteur avant la transcription de la vente faite à son profit, parce que, dit-il avec beaucoup de raison, l'acheteur ne pouvait conférer plus de droit qu'il n'en avait lui-même. (Com. sur l'art. 2108, T. I, no 276, p. 405 et 406.) Mais, chose surprenante, il rejette cette même solution quant aux aliénations faites par l'acheteur. Ainsi, d'après ce jurisconsulte, l'acheteur qui ne peut hypothéquer, parce qu'il ne saurait confërer plus de droit qu'il n'en a lui-même, pourra aliéner la pleine propriété. Voici les passages auxquels je fais allusion, et dans lesquels M. Troplong se propose d'expliquer le jeu du système de la loi du 11 brumaire.

⚫ 11 fallait nécessairement qu'elle (la vente) fût accompagnée de la transcription. Il suit de là que le vendeur restait maître de la chose à l'égard des tiers jusqu'à la transcription, et que l'acquéreur ne pouvait l'hypothéquer, tant que cette transcription n'était pas effectuée. Il ne pouvait en effet conférer plus de droit qu'il n'en avait lui-même. » (Page 405.)

Et plus loin: « Lorsque l'acquéreur conférait des hypothèques sur l'immeuble qu'il avait acheté, mais dont l'acte de vente n'avait pas été transcrit, ces hypothèques ne pouvaient nuire au droit du vendeur. Car, avant la transcription point d'aliénation complète, et par conséquent point d'hypothèque opposable au vendeur; que si l'acquéreur faisait transcrire, le privilège du vendeur se trouvait par cela même conservé, et nulle inscription hypothécaire ne pouvait le primer.»

Toute cette doctrine est parfaitement exacte, mais continuons : • Si l'acheteur faisait une revente de l'immeuble, il est encore cerque le droit du vendeur originaire demeurait sain et entier, tant

tain

ment propriétaire à l'égard des créanciers hypothécaires du second vendeur, il devra transcrire son propre contrat. Ces mêmes règles seraient applicables quel

que le sous-acquéreur n'avait pas fait transcrire (transcrire quoi? On verra plus loin qu'il s'agit du deuxième contrat). Le vendeur maintenait donc l'intégrité de son privilége en faisant transcrire son contrat même après la revente. (Le vendeur n'avait point de privilège à maintenir tant qu'il avait la pleine propriété; il acquérait un privilège lorsque l'acheteur, en transcrivant, était devenu propriétaire.) Mais il en était autrement si, avant cette transcription, le sous-acquéreur faisait transcrire son acte. Cette transcription purgeait l'immeuble entre les mains du sous-acquéreur, et une transcription ou inscription postérieure faite par le vendeur originaire n'eût pu relever ce dernier de la perte de son droit. »

Comment ? la transcription qui, d'après la loi du 11 brumaire, dépouille le vendeur de sa propriété, est la transcription d'un acte de vente autre que le sien ! Quoi? l'acheteur qui n'est pas encore investi de la propriété de l'immeuble, qui ne peut l'hypothéquer au préjudice de son vendeur, peut valablement l'aliéner! Nulle inscription hypothécaire prise par un créancier de l'acheteur ne primera le vendeur, parce que cet acheteur ne peut conférer plus de droit qu'il n'en a lui-même, et la transcription d'une revente faite par l'acheteur dépouillera complétement le même vendeur! Eh! qu'aurait répondu ce sous-acquéreur prétendu propriétaire, à des tiers qui auraient traité avec le vendeur originaire, et qui se seraient inscrits ou auraient transcrit avant la transcription de l'acte de vente du premier acheteur qui a revendu l'immeuble ? L'article 26 de la loi du 11 brumaire ne les aurait-il pas fait invinciblement triompher des prétentions et de ce premier acheteur et du second qui succède à ses droits ? En vérité, si je combats ici des erreurs chimériques, si c'est moi qui m'abuse, s'il n'y a que logique où je vois des contradictions flagrantes, je n'ai plus qu'à me taire et je suis un insensé. Mais si j'ai raison, comment ne pas déplorer le dommage que de tels écrits, séduisants par le mouvement du style, quelquefois même précieux par la recherche de vieux documents rajeunis, peuvent causer aux saines études du droit ?

A la fin du passage que je viens de transcrire, l'auteur fait en

que fût le nombre des actes de vente successifs. Or, chacune de ces transcriptions, en profitant à l'acheteur, servira aussi à faire apparaître le privilége de chacun des vendeurs non encore payés. De cette manière, l'art. 2108, auquel renvoie l'article 834 du Code de procédure, deviendra de nouveau applicable, non-seulement en ce sens que le privilége sera connu du public comme clause de la vente et en même temps que les autres clauses, mais encore en ce sens qu'il sera, aussi bien que la vente tout entière, connu par la transcription.

Ajoutons que cette interprétation est tout à fait en harmonie avec l'esprit fiscal qui a dicté l'article 834, destiné à apaiser les clameurs de la régie et à rendre

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note les citations suivantes : Répert., T. XV, Transcript., p. 692. Arrêt de la cour de cassation du 13 décembre 1813. Dalloz, Hyp., p. 88 et 89. Ces autorités sans doute sont imposantes, et leur adhésion à des résultats qui me paraissaient si choquants m'embarrassait beaucoup, lorsque j'ai pris le parti de les vérifier. Quelle a été ma surprise lorsque j'ai reconnu qu'il s'agissait, dans l'espèce jugée par l'arrêt du 13 décembre 1813, d'une vente faite le 3 fructidor an III, c'est-à-dire, à une époque où la propriété se transférait sans transcription (a); et que le vendeur ne s'était pas même conformé aux dispositions du titre 3 de la loi du 11 brumaire an vii, qui accordaient un délai de trois mois pour inscrire les hypothèques et les priviléges antérieurs à sa promulgation! Quant à M. Dalloz, vo hypothèque, page 88, il cite précisément cet arrêt en traitant des dispositions transitoires de la loi du 11 brumaire. Et enfin à l'endroit indiqué du Répertoire ( V. 5o édit., § 3, no 3), le même arrêt se trouve intercalé dans un passage de M. Tarrible, où il n'est pas le moins du monde question d'expliquer le système de la loi du 11 brumaire sur les effets de la transcription.

(a) La loi du 9 messidor an 11, déjà décrétée, ne devait être mise en vigueur qu'à partir du 1er ventose an iv (V. art. 1er de cette loi); et d'ailleurs elle n'exigeait point la transcription pour la translation de propriété, ainsi que l'a jugé avec raison l'arrêt de rejet de la cour de cassation du 28 juin 1816 (Sirey, 1817, p. 1, p. 294).

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