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de la loi, qui se nomme non pas lex saliorum, mais lex salica, c'est-à-dire, suivant les judicieuses recherches de Müller sur l'étymologie de ce mot, droit de la sala, jus curiæ, Hofrecht, coutume. La loi wisigothe porte un nom d'origine semblable, celui de forum judicum, et encore aujourd'hui les coutumes espagnoles sont désignées par le nom de fueros.

Ainsi se trouve justifiée, par des preuves extérieures, la conjecture ingénieuse de M. Guizot, qui, à considérer le contenu seul de la loi salique, penche à voir dans ce recueil les usages de quelque petite justice franque. En même temps nous espérons avoir prouvé, en restituant aux Gestes et au prologue l'autorité qui leur appartient, que cette coutume célèbre a été rédigée dans le Ve siècle, probablement même de 420 à 430; qu'ainsi le respect dont la France et l'Allemagne ont toujours entouré ce premier monument de leur ancienne législation est parfaitement justifié, et par l'antiquité de la loi, et par le caractère tout germanique de ses dispositions, restées pures de tout mélange étranger.

Henri ZŒPFL.

XV. De la science du droit en Allemagne, depuis 1815.

Par M. L.-A. WARNKOENIG,

professeur de droit à l'université de Fribourg (Bade).

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Pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le droit public était, en Allemagne, la partie de la jurisprudence qui brillait du plus vif éclat. C'est l'époque

des grands publicistes de l'empire germanique, de Moser (mort en 1780), Putter (mort en 1807), Haeberlin et autres. La constitution de cet empire, consolidée et régularisée par la paix de Westphalie (en 1648), assignait à l'empereur, aux princes électeurs et à tous les membres de cette grande confédération leurs places respectives. Le droit féodal était en partie la base de leurs droits. Deux hautes cours, l'une à Wetzlar (connue sous le nom de Reichskammergericht), l'autre à Vienne (Reichshofrath), garantissaient les droits de chacun. Les princes allemands formèrent une grande famille, dont les divers membres avaient souvent des procès; une certaine liberté existait dans les pays et dans les villes de l'empire; ces dernières étaient de petites républiques soumises à la tutelle de l'empereur. La plupart pays avaient des états qui votaient les impôts.

des

Le droit public de l'empire était tout à fait historique et positif. Quoique bien différent dans le terme de son développement, il avait les mêmes origines que le droit public d'Angleterre. Seulement les lords de la Germanie étaient des princes plus ou moins puissants, les communes n'avaient aucune influence à la diète, et l'empereur, monarque par élection, avait moins de pouvoir que le roi d'Angleterre.

Le tableau de la constitution de l'Allemagne, tracé par Putter' se lit toujours avec intérêt, aujourd'hui surtout que les affaires publiques ont entièrement changé de face et de caractère.

'll a paru une esquisse historique de l'empire germanique dans la Revue étrangère, t. Ier, p. 322 et suiv.

2 Nous renvoyons surtout à l'ouvrage qu'il a composé pour la reine d'Angleterre, sous le titre de : Développement historique de la constitution de l'empire germanique. »

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La philosophie n'entrait pour rien, ou du moins que pour peu de chose, dans l'ancien droit public de l'empire1, et aucun publiciste du siècle dernier n'aurait osé invoquer le Contrat social de Rousseau ou même les ouvrages de Locke, quoique les doctrines de ces auteurs eussent envahi les théories du droit naturel au moment où éclata la révolution française. Tout était donc encore positif et historique, même après 1803, lorsque, par suite de la séparation de la rive gauche du Rhin, l'empire se reconstituait sous l'influence de la France et de la Russie.

Mais lorsqu'en 1806 la confédération du Rhin fut formée par la volonté de Napoléon, que le dernier empereur de l'Allemagne eut déposé sa couronne dorénavant inutile, un nouveau droit public prit naissance et gouverna une partie de l'Allemagne. Il avait une base philosophique, et reposait sur des théories qui jouissaient, à cette époque, d'une grande faveur, et qui avaient été enfantées par les mêmes bouleversements auxquels les états nouveaux devaient leur naissance.

On partait de l'idée abstraite de l'État, qu'on envisageait comme un étre placé au-dessus des hommes réunis en société, et doué d'un pouvoir absolu. L'État était le souverain, la personne morale dont la toute-puissance ne connaissait pas de bornes. Il avait un but moral à remplir, sur lequel les publicistes n'étaient cependant pas d'accord; ils le faisaient consister, les uns seulement dans la garantie des droits, les autres dans le bonheur du peuple, d'autres enfin dans le progrès

1 Quelques auteurs sont partis, dans leurs doctrines, de l'idée abstraite de l'État, pour en faire la base d'un droit public, dit général, par exemple Majer (1780), Schlœzer (1786), Posse (1794).

matériel, intellectuel et moral de l'humanité. Le moyen d'atteindre ce but était la législation, considérée comme l'expression de la raison du souverain. Mais ce souverain était dans la réalité le prince et son gouvernement ; les gouvernants étant identifiés avec la personne morale de l'État, les gouvernés ne comptaient presque pour rien. Il n'était question ni des droits du peuple ni de la liberté. On s'efforçait seulement de trouver la meilleure organisation possible pour la machine gouvernementale. La France impériale servait de modèle 1. En un mot, le nouveau droit public d'une grande partie de l'Allemagne était l'absolutisme, quoique l'expression ne fût pas encore connue. Les princes, devenus rois ou grandsducs, considéraient comme abolies les anciennes institutions protectrices de la liberté, garanties autrefois par l'empire par exemple la représentation nationale des trois ordres. Tout avait disparu; quelques droits seigneuriaux seulement des anciens barons de l'empire, désormais médiatisés, avaient échappé au naufrage général.

On aurait mieux fait, comme l'observe un des meilleurs publicistes de l'Allemagne, de ne plus parler du tout de droit public pendant cette période où l'arbitraire était l'ordre légal, où toutes les garanties civiles reposaient dans la loyauté et les bons sentiments des personnes régnantes. Mais quelques auteurs, qui avaient bien connu l'ordre de choses antérieur à 1806 et 1809, voulurent satisfaire le besoin généralement

'On sait qu'un petit prince avait divisé son petit pays en départements, en déclarant, toutefois, qu'il ne formait qu'un seul département. Il avait quatre ministères confiés au même fonctionnaire ! * M. Kl über.

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senti de savoir quels principes de droit public gouvernaient les états de la confédération, et quelle institution était encore debout; et ils essayèrent de réunir en système les restes de l'ancien droit féodal et les théories nouvelles dont nous avons donné une idée générale.

Le droit public de l'empire germanique expirant a été décrit par MM. Leist, à Goettingue1 (1803 et 1805), Klüber, dans une introduction (1805), Goenner (1804), Schmalz (1805), et Schnaubert (1806). Le droit public de la confédération du Rhin a été l'objet d'ouvrages spéciaux, publiés par MM. Zintel (1807), Zachariæ (1808), Behr (1808)2, Klüber (1810). Le droit public intérieur de quelques pays en particulier a été spécialement traité par MM. Brauer (1807) et Zachariæ (1810).

Pendant cette époque, qui se prolongea jusqu'en 1813, il parut plusieurs recueils contenant des traités spéciaux ou des documents pour servir à l'étude du droit public du temps. Parmi ces traités, celui de Winkopp, (en 66 cahiers) est le plus important. M. Saalfeld a même publié, en 1812, un ouvrage contenant le droit public du royaume de Westphalie !

Après la chute de Napoléon et la reconstitution de la Confédération germanique, tout changea encore une fois de face. Un nouvel élément fut associé aux anciens ; les princes confédérés restreignirent leur pouvoir ab

1 ll a été nommé plus tard ministre du roi de Westphalie, Jérôme Napoléon, et il figurait récemment parmi les conseillers du roi de Hanovre. Il est aujourd'hui président à la cour d'appel de Celle.

2 Il a été professeur et plus tard bourgmestre de Würzbourg, et il est aujourd'hui détenu dans une forteresse, par suite d'une condamnation pour délit politique.

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