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qui, en même temps que leur destination répond à un besoin public, font l'ornement des cités et des empires. D'autre part, les peuples libres, et les Français en particulier, ont un penchant en quelque sorte invincible à formuler en lois ou en règlements les droits de la puissance publique. La législation suit ainsi le développement des travaux, et, en même temps qu'elle se développe, des auteurs se présentent nécessairement pour la recueillir méthodiquement, l'expliquer et la com

menter.

En 1829, lorsque M. le baron de Gérando publia la première édition de ses Institutes du droit administratif français, il existait des traités et des recueils estimables sur quelques branches des travaux publics. MM. Davenne, Daviel, Garnier et Isambert notamment avaient publié leurs livres sur la voirie et sur les eaux, et M. Ravinet son Code des ponts et chaussées'; mais aucun ouvrage n'avait embrassé l'ensemble des travaux publics. On paraissait croire généralement que ces travaux se bornaient à ceux des ponts et chaussées. M. de Gérando montra ce qu'il y avait d'incomplet dans cette vue; il divisa les travaux publics en quatre grandes branches travaux civils (travaux des ponts et chaussées, travaux des bâtiments civils), travaux militaires, travaux maritimes et travaux mixtes; il fit connaître

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'Depuis lors, presque tous ces auteurs ont publié de nouvelles éditions de leurs livres, ou des suppléments aux premiers volumes, mais sans sortir du cercle qu'ils s'étaient tracé tout d'abord. Certaines branches des travaux publics ont été aussi explorées par d'autres auteurs, par exemple par M. Proudhon, dans son traité du Domaine public, et par M. Delalleau, dans son traité de l'Expropriation pour cause d'utilité publique et dans son excellente monographie sur les servitudes militaires.

les règles communes à tous ces travaux et les règles particulières à chaque espèce.

Après cette importante rectification du maître de la science, quelques personnes se sont étonnées qu'en 1835 un homme d'études et de savoir sérieux, M. Cotelle, avocat aux conseils du roi et à la cour de cassation, ait intitulé Cours de droit administratif appliqué aux travaux publics un ouvrage qui résumait son enseignement à l'école royale des ponts et chaussées, et qui ne traitait que d'une partie de la matière. Peut-être étaitce attacher trop d'importance à un titre1; mais au temps où nous vivons, les hommes de science vraie doivent éviter avec le plus grand soin tout ce qui pourrait faire soupçonner qu'ils ont cherché à induire le public en erreur, à l'attirer par un titre pompeux et peu exact.

Dans son Dictionnaire des travaux publics, publié pareillement en 1835, M. le conseiller d'état Tarbé de Vaux-Clairs suivit la route tracée par M. de Gérando. Si la spécialité de ses études l'a porté à donner plus d'extension aux articles concernant les travaux civils et ceux des ponts et chaussées particulièrement, il n'a pas négligé les autres branches des travaux publics: et, dans les articles concernant les travaux maritimes et les travaux mixtes, on retrouve, à côté des documents de la science accessibles à tous, les précieux enseignements de son expérience.

Comme MM. de Gérando et Tarbé, M. Husson'a en

1 Ce même titre a été conservé dans la seconde édition que l'auteur vient de donner, après y avoir fait des changements et des additions considérables, mais au point de vue de l'administration des ponts et chaussées et des mines seulement.

2 Traité de la législation des travaux publics et de la voirie en

visagé la matière des travaux publics dans toute son étendue. Voici comment il a distribué son livre.

Il y a trois parties principales :

La première traite de l'organisation administrative et des attributions des fonctionnaires, cours et tribunaux administratifs; ce qui comprend depuis le roi, les ministres, le conseil d'état, jusqu'aux gardes champêtres et aux conseils municipaux. Cet exposé de la triple hiérarchie des organes de l'administration publique en France occupe 222 pages du premier volume.

« Cette partie de notre travail, dit l'auteur, outre son utilité pour les praticiens, nous a semblé fort propre à faciliter aux économistes, aux jeunes gens, et même aux étrangers, la connaissance de cette organisation spéciale et l'étude d'une partie administrative, qui, dans l'état de la civilisation européenne, a une égale importance chez toutes les nations qui nous entourent. »

Quant à nous, l'opportunité de ces prolégomènes nous paraît fort contestable. Les raisons alléguées par M. Husson pouvaient l'être par tout auteur d'un traité sur une branche quelconque du droit administratif. Déjà M. Cotelle a surchargé son ouvrage de matières étrangères à la législation sur les travaux publics, sous prétexte qu'il s'adressait plus spécialement à de jeunes ingénieurs, à qui les notions générales de législation n'étaient pas familières et qui n'avaient pas d'ouvrages de droit dans leur bibliothèque. Un pareil système est évidemment contraire aux règles d'une bonne composition. Il ne nous paraîtrait justifiable que si les prin

France; par M. Armand Husson, sous-chef du bureau des ponts et chaussées à la préfecture du département de la Seine. 2 vol. in-8°. Paris, Hachette.

cipes généraux du droit administratif n'avaient pas encore été exposés d'une manière satisfaisante dans des ouvrages connus et à la portée de tous les lecteurs. Mais, grâce à Dieu, il n'en est pas ainsi; les efforts tentés depuis vingt ans par les maîtres de la science ont porté leurs fruits; nous possédons aujourd'hui plusieurs livres où ces notions générales sont présentées avec exactitude, méthode et netteté. Pourquoi les auteurs de monographies ne s'en référeraient-ils pas à ces livres, en consacrant à la matière spéciale qui fait le sujet de leur travail tout l'espace dont ils peuvent disposer? Ils s'épargneraient ainsi le regret, qu'on les voit tous exprimer, d'être forcés d'abréger et parfois de supprimer entièrement des développements utiles que l'on devrait trouver dans les monographies.

Selon nous donc, M. Husson aurait dû se borner, dans ses prolegomènes, à faire connaître avec quelques détails ceux des organes de l'administration publique qui concourent spécialement à l'exécution des travaux publics. Du reste cette partie de son travail a été faite avec le soin le plus consciencieux.

La deuxième partie, qui termine le volume, traite des matières générales, telles que la comptabilité des dépenses, l'expropriation pour cause d'utilité publique, les acquisitions, échanges et aliénations, les servitudes d'utilité générale et les droits d'usage, les torts et dommages qui peuvent être causés aux propriétés, et les règles générales des marchés des travaux publics.

La troisième partie, qui occupe tout le second volume, traite des règles spéciales aux diverses branches de travaux publics. Elle se divise en sept sections, savoir 1° grande voirie (routes, ponts, chemirs de fer, fleuves, rivières et canaux); 2° desséchement des ma

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rais; 3° mines, minières et carrières; 4° travaux d'architecture civile; 5° servitudes et travaux militaires'; 6o travaux de la marine royale; 7° voirie communale (voirie urbaine, chemins vicinaux et chemins ruraux).

Le contenu du livre de M. Husson étant ainsi indiqué, nous devons faire connaître le mode d'exécution qu'il a suivi.

Après s'être approprié chaque matière par une étude opiniâtre de la législation ancienne et moderne, de la statistique, de la jurisprudence administrative et judiciaire, des pratiques intérieures de l'administration et des procédés techniques, M. Husson a présenté le résumé de ses études d'une manière rapide et nette, où la dissertation tient peu de place et où les textes ne sont rapportés qu'autant que cela est nécessaire, soit pour l'intelligence d'une difficulté, soit pour épargner au lecteur des recherches dans les archives de l'administration ou dans des livres qui ne sont pas d'un usage habituel. Des renvois, placés au bas des pages, indiquent les lois, règlements, arrêts, décisions et instructions où l'auteur a puisé ses doctrines et son exposé, et permettent ainsi de les contrôler: à la fin de l'ouvrage on trouve une bibliographie des livres qui ont été cités par M. Husson ou auxquels le lecteur peut avoir besoin de recourir.

Le style est suffisamment animé, sans cesser d'être didactique, et le vocabulaire administratif, tel qu'il a été formé par les maîtres de la science, est constamment respecté. Parmi les jeunes écrivains de droit administratif, il en est très-peu qui possèdent ce double mérite.

'Il est traité, dans un chapitre de cette section, des travaux mixtes auxquels il nous aurait semblé préférable de consacrer une section spéciale.

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