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Presque tous écrivent de ce style incohérent et bigarré que la presse quotidienne a adopté, et qui est à peine excusable dans des feuilles improvisées sous l'inspiration des passions politiques. Presque tous aussi, au lieu de faire des travaux de leurs maîtres un point de départ pour avancer la science, s'avisent de bouleverser les fondements de la science même et remettent en question jusqu'au vocabulaire, dont quelques parties sont encore défectueuses sans doute, mais qui, dans ses parties les plus essentielles, commence à se fixer. Le droit administratif, comme jadis la poésie française, a maintenant ses Ronsards, réglant tout, brouillant tout, et faisant un art à leur mode. Le bon sens français leur réserve sans doute le sort de leur illustre modèle, et nous verrons certainement tomber de leurs grands mots le faste pédantesque.

Les bons esprits comme M. Husson contribuent à cette chute. Son livre, fruit de consciencieuses recherches, a son caractère propre et son utilité spéciale et réelle à côté des œuvres des maîtres de la science, dont il se montre digne de continuer et de perfectionner les travaux.

BOULATIGNIER.

XX. Des droits d'enregistrement en matière de
notification et d'ordre.

Par M. MATHIEU,

Avocat à la cour royale de Paris.

De toutes les œuvres législatives auxquelles ont concouru si puissamment la volonté et le génie de Bonaparte, le Code de procédure civile est celle dont l'apparition a soulevé le plus de critiques.

A peine était-il promulgué que de toutes parts s'élevaient des plaintes énergiques contre ces formalités

minutieuses, ruinant le débiteur sous prétexte de le protéger. On avait espéré mieux d'une réforme accomplie sous l'influence d'idées qui, peu de temps auparavant, supprimaient comme inutiles les procureurs et l'instruction des procès. L'organisation judiciaire avait été simplifiée, beaucoup de procédures avaient disparu avec les lois nouvelles; et s'il était impossible de revenir à la simplicité des temps antiques, aux royales et pacifiques décisions du chêne de Vincennes, on pouvait du moins retrancher des lois de procédure cette multitude d'actes dont la nécessité n'est pas bien légitime aux yeux de tous, et qui a fait dire de Thémis, à un poëte moderne, que

La chicane au teint jaune, aux doigts longs et difformes, ⚫ Entoure son palais du dédale des formes 1. »

Sans doute ces licences poétiques prouvent bien peu contre ces formes, objet, en tout temps, des sarcasmes de la satire et de la comédie; mais ces reproches n'ont pas eu que des poëtes pour organes. Des esprits sérieux, des hommes initiés, par la pratique même, à l'intelligence des lois de procédure et de leur utilité, ont pensé que le moderne législateur avait suivi trop servilement les traditions du passé, les souvenirs de l'ancienne pratique judiciaire.

Et pour ne parler que de la saisie immobilière, comment ne pas reconnaître la vérité des critiques qui la poursuivent depuis la promulgation de la loi nouvelle ? Est-il, dans le plus grand nombre des cas, une mesure moins propre à conduire au but en vue duquel elle a été créée ?

IM. Casimir Delavigne.

C'est une ressource offerte aux créanciers contre le mauvais vouloir ou l'impuissance du débiteur; eh bien! un tel luxe de formalités la gêne et l'écrase, que le remède est pire que le mal. Car, lorsque les biens grevés d'hypothèques sont d'une faible valeur, si le créancier n'a pas eu soin de stipuler des garanties doubles ou triples de sa créance, il court risque, en s'adressant à cette mesure rigoureuse, de compromettre ses intérêts en ruinant son débiteur.

Et qu'on ne l'oublie pas, en France la propriété va se divisant chaque jour; chaque jour les grands domaines, les grandes exploitations agricoles disparaissent; la possession, à titre de propriétaire, de ce sol auquel le vasselage enchaînait ses aïeux, est le point de mire du peuple des campagnes; c'est là qu'il place les économies du passé, et, trop souvent, des espérances que l'avenir lui refuse; pour retenir cette propriété, à laquelle une force mystérieuse l'attache, il se jette dans les embarras et les dangers de l'emprunt ; et quand l'échéance arrive, l'expropriation le dévore. C'est donc sur le grand nombre et sur les faibles que pèse cette procédure destinée, en apparence, à protéger le débiteur contre les exigences et les rigueurs du créancier.

Quelle funeste influence doit exercer une loi pareille sur le crédit public, et surtout sur le crédit particulier! La petite propriété a besoin d'une protection incessante pour s'élever à la conquête des droits politiques; eh bien! le crédit s'éloigne d'elle parce que sa valeur est mensongère et grevée, par l'appréhension de la saisie immobilière, d'une prime énorme au profit du fisc et des officiers ministériels.

La critique, toutefois, n'a pas été complétement stérile; ses plaintes ont porté coup. Un projet de loi,

précédé de nombreuses et vaines promesses, a été présenté à la chambre des pairs et discuté pendant la dernière session. Dans celle-ci il a été soumis à la chambre des députés et voté par elle. La chambre des pairs en est de nouveau saisie. La source des abus sera-t-elle tarie par la loi nouvelle ? les modifications introduites dans la procédure ne sont-elles pas d'impuissants palliatifs ? toute loi sur les ventes d'immeubles ne devrait-elle pas concourir avec une refonte du système hypothécaire ? Questions immenses, difficiles, que cet article n'a la prétention de discuter ni de résoudre.

Notre but, plus humble, se rattache cependant à ces matières; nous voulons appeler l'attention sur une partie du Code de procédure qui touche de près aux ventes d'immeubles, amiables ou forcées, la procédure d'ordre et les notifications qui presque toujours en sont un préliminaire indispensable.

Ce n'est pas même sur l'ensemble des formalités dont se compose cette procédure que notre critique a le dessein de s'exercer. Il n'en est pas, en effet, de plus simple et dont les rouages soient moins embarrassés.

Et cependant, surtout quand il s'agit d'une vente volontaire ou d'une saisie réelle convertie en vente sur publications, les notifications et l'ordre qui les suit deviennent, et pour le débiteur et pour ses créanciers, le complément de la ruine.

Les frais de poursuite et le droit énorme de 6 p. cent perçu pour la mutation, ont déjà diminué considérablement le capital que représentait la propriété. La distribution du prix entre les créanciers achève de le déVorer il disparaît dans le gouffre du fisc.

Parlons d'abord des notifications.

En province, même quand l'immeuble à vendre est

de mince valeur, il est souvent nécessaire de le morceler, de le fractionner à l'infini; car, sans cette division, les petits capitaux n'oseraient et ne pourraient prétendre à l'acquisition de la terre, les adjudicataires manqueraient et la vente avec eux.

Lorsqu'il s'agit de biens ruraux, de terres ou de vignes, la vente en détail de chaque parcelle est inévitable, on le comprend sans peine. Chaque riverain désire compléter et agrandir sa propriété par l'acquisition de celle voisine. Il y a là, pour lui, un intérêt de convenance qui augmente et double parfois, grâce à la concurrence, la valeur réelle de la chose. Tandis que, si les biens dont se compose une exploitation étaient vendus en bloc, chacun de ces désirs particuliers serait condamné à l'inaction: tous reculeraient devant une entreprise qui, à côté de certaines convenances de détail, présenterait, en masse, des inconvénients et des embarras. Il faut donc recourir aux ventes en détail : l'intérêt bien entendu des créanciers et du débiteur l'exige; c'est d'ailleurs ce que chaque jour voit réaliser.

Ge fractionnement, qui convie aux enchères un concours plus nombreux de rivalités intéressées, amène-t-il les résultats qu'on a dû en espérer ? Son effet, au contraire, n'est-il pas entièrement neutralisé par les droits énormes perçus, au nom de la régie de l'enregistrement, sur les exploits de notification?

Supposez des immeubles ruraux, dont le prix s'élève à 10,000 fr.; et peu d'exploitations soumises aux rigueurs de la saisie réelle ou de la vente par suite de conversion dépassent ce chiffre. Vingt adjudicataires ont acheté par portions inégales la totalité des biens vendus, grevés de quinze hypothèques inscrites. Les acquéreurs font transcrire, et puis, pour libérer la propriété des

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