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gislateur d'introduire dans les lois à porter, mais celles qui sont expressément contraires à son texte. Il est de l'essence des lois de subsister en présence des déclarations de principes; elles ne disparaissent que devant une abrogation explicite ou devant un système général qui s'oppose invinciblement à leur exécution 1.

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En conséquence, il résulte des principes que nous avons exposés jusqu'ici, de la jurisprudence et des auteurs belges, de l'ensemble et du rapprochement des art. 7, 25, 26, 29, 30, 63, 64, 67, 90, 92, 93, 94, 100, 103, 105, 106, 107 et 138 de la constitution, du rapport de la section centrale sur le chap. 3 du livre 3 de la constitution, des lois communale et provinciale de 1836, de la loi organique de l'ordre judiciaire du 4 août 1832, que le pouvoir constituant en 1831 a voulu tracer la démarcation des différents pouvoirs, restituer au pouvoir judiciaire ses véritables attributions, et faire cesser les divers empiétements successivement introduits au profit du pouvoir administratif, entre autres en matière de grande voirie et de travaux publics, par des lois, décrets et arrêtés émis à partir du consulat; qu'il a voulu, hors les cas où il a jugé le contraire absolument indispensable, faire disparaître ces anomalies en législation qui transformaient sans nécessité un administrateur en juge, au mépris des règles qui

veulent :

(a) Que le juge qui prononce soit inamovible, indé

1 V. l'arrêt de la cour des pairs de France, rendu dans l'affaire de l'école libre, érigée par MM. Lacordaire et Montalembert; les arrêts de la cour de cassation de France, des 18 sept. 1830, 22 avril 1831; ceux de la cour de Bruxelles, des 28 janvier, 19 février et 1er mars 1832; Jur. de Belg., 1832, p. 131; la constitution annotée de MM. Plaisant et Van Mons.

pendant, au-dessus de toute responsabilité, ne relevant que de Dieu et de la loi ;

(b) Que toute question soit portée devant un juge étranger à l'affaire, qui n'en ait point connu jusque-là, et dont ni l'intérêt ni l'amour-propre ne soient engagés dans l'issue qu'elle peut offrire... que personne ne soit juge et partie dans sa propre cause;

(c) Que le juge puise sa décision dans l'interprétation rigoureuse de la loi, quelles qu'en puissent être les conséquences, soit pour l'État, soit pour le public.

Enfin, nous disons que le vœu du pouvoir constituant a été de maintenir le principe de la séparation et de l'indépendance des pouvoirs judiciaire et administratif, établi par la Constituante dans la loi des 16 et 24 août 1790, et laisser entièrement le pouvoir exécutif ou administratif entre les mains du gouvernement, sous la responsabilité ministérielle et le contrôle des chambres législatives 1.

Résumons-nous par des règles fixes.

(La suite à un prochain cahier.)

BRITZ.

1 Paroles à peu près textuelles de deux arrêts mémorables de la cour de cassation, en date des 29 mars 1833 et 25 juin 1840 (Bulletin de la cour, I, 68, et 1840, 333), confirmatifs des arrêts des cours d'appel de Bruxelles et de Liége, des 11 janvier 1831 et 3 juillet 1839; Jur. de Belg., 1833, 152; Recueil de Liége, 1839, 405. V. l'arrêt de la même cour, du 10 août 1840 (Bull., 1840, p. 503), qui déclare spécialement que les tribunaux de police municipale n'ont plus d'existence légale en Belgique, et qui abroge l'art. 166 du Code d'inst. crim.

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XXIV. Loi belge sur le duel.

Par M. César West.

Nous n'entendons pas rechercher si une société au sein de laquelle le sentiment de la morale a très-peu d'autorité, fait sagement de se priver d'une coutume qui a quelquefois suppléé à l'insuffisance des lois, et à laquelle une tolérance de tous les siècles a valu une sorte de légitimité; cette recherche nous eût forcés de faire un parallèle peut-être affligeant entre quelques catastrophes amenées par les duels et le spectacle des abus de pou voir frisant l'insolence, des outrages prudemment calculés, des diffamations savantes, de toutes les turpitudes civilisées qui, naguère à l'étroit entre la loi pénale et le duel, ont aujourd'hui beaucoup trop de marge et s'étalent, avec l'impertinence de la poltronnerie, derrière la certitude de l'impunité.

Il y aurait eu aussi à mettre en balance les douteux profits d'une plainte en police correctionnelle avec l'efficacité plus humble d'un tribunal privé, qui, appréciant à huis clos des griefs que la publicité irrite, obtenait une réconciliation plus souvent qu'il ne permettait un combat ; et peut-être ici aurions-nous été conduits à reconnaître à ce tribunal une supériorité de résultats fåcheuse pour le triomphe des vrais principes.

Quelques faits odieux, nés de l'ignorance ou de la passion, ne prouvent pas grand'chose contre le duel : car, partout où l'homme se mêle, les passions surgissent et les abus viennent à la suite. La justice de la terre faillit trop souvent elle-même pour ne pas savoir que lorsqu'il s'agit d'apprécier les choses humaines, il est bien moins question de rechercher un vrai absolu, mais idéal, que de s'accommoder à ce qui est relativement opportun, conve

nable aux mœurs et d'une pratique facile. Les meilleures institutions ont quelquefois produit le mal, faute de venir en leur temps : les plus mauvaises ont pu sembler bonnes, quand elles en écartaient de pires.

La méchanceté ou la sottise de quelques-uns ne vaut donc pas comme argument contre le duel ; et si personne ne conteste que la justice faite par soi-même ne constitue un désordre dans la société, il n'est pas démontré à tous que ce ne soit pas, à tout prendre, un mal préférable à de plus grandes misères et à de plus grands scandales.

Mais là n'est pas la question. La société qui a établi et souffert le duel, a le droit de lui substituer l'action plus régulière des lois, de le proscrire, du moment où elle se juge dans les conditions voulues pour que cette proscription ne soit pas plus nuisible qu'utile. Mais, dans ce cas, il faut que la société ou le pouvoir qui parle en son nom ait le courage de ses doctrines; qu'il déclare avec franchise et fermeté que ce qui était permis hier ne le sera plus demain. Il y a devoir rigoureux pour tout législateur d'énoncer clairement sa défense, afin de ne laisser ni doutes dans la volonté de ceux qui doivent obéir à la loi, ni hésitation dans l'esprit de ceux qui l'interprètent. Dans tous les cas, n'y a-t-il pas une raison de dignité qui conseille d'agir ainsi, plutôt que de s'ingénier à faire sortir d'un vieux texte un sens que les plus sages n'avaient pu d'abord y apercevoir.

Nous n'avons jamais compris où était, en 1837, le péril ou la difficulté de faire une loi spéciale contre le duel, puisque, dès 1830, un projet sur cette matière avait été jugé nécessaire et préparé? Eh! quel grand profit a-t-on donc trouvé à faire revenir la cour de cassation sur une jurisprudence de plus d'un quart de siècle, et à porter ainsi une atteinte grave au prestige d'infaillibi

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lité dont il est si désirable de voir la cour suprême con¬ stamment entourée? Certes, il n'est pas bon que les grands corps de l'État se trompent, mais il est plus fâcheux encore qu'ils avouent s'être trompés en des circonstances où ni le loisir d'examen ni les avis contradictoires ne leur ont manqué. C'est pour cela, sans doute, que M. le procureur général Dupin s'élevait si rudement, en 1833, à la chambre des députés, contre la proposition de réhabiliter et d'indemniser les condamnés politide la restauration, et faisait valoir, avec une vivacité peut-être exagérée, l'autorité de la chose jugée, quoique la proposition eût rencontré, en France, de bien vives sympathies.

ques

A ce point de vue, et aussi dans l'intérêt d'une répression efficace du duel, l'arrêt du 15 décembre 1837, qui ajoute un triomphe de plus aux triomphes oratoires de M. Dupin, restera non-seulement comme un échec regrettable pour le respect dû à la justice du pays, mais aussi comme une demi-mesure qui, loin de préparer les voies à la législature, reculera l'instant où une loi spéciale bien conçue atteindra le duel dans ses causes.

Dans un état voisin qui a reçu le Code pénal de 1810, et où les tribunaux avaient toujours suivi les errements de la jurisprudence française, le procureur général près la cour de cassation avait pris l'initiative et soutenu, dès 1835, le système de M. Dupin, et la cour suprême de Bruxelles avait accueilli ce système par son arrêt du 15 février 1835. Mais l'opinion publique, par l'organe des plus hautes notabilités, avait censuré cette solution : le ministre de la justice lui-même avait exprimé, au sein de la chambre des représentants, il est vrai, quelques jours avant l'arrêt, une opinion contraire à celle de la cour de cassation. Les tribunaux prononcèrent l'acquit

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