Page images
PDF
EPUB

ne puisse être répété. La loi 42 ne regarde cette obligation comme naturelle que pour arriver à cette conséquence, que la caution intervenue ne pouvait pas se décharger de son obligation. Dans l'autre loi, Paul suppose que le pupille qui a emprunté dix sans l'autorisation de son tuteur, reçoit de celui qui lui a prêté un legs, fait à condition qu'il payera les dix empruntés.

Le jurisconsulte décide que le payement fait par le pupille remplira deux objets différents : l'acquittement d'une dette naturelle dont le montant viendra augmenter le patrimoine du défunt, et l'exécution d'une condition qui donne le droit de demander le legs. Dans la loi 44, ff de solut., Marcien s'explique dans le même sens. Au titre de la novation, L. 1, in fine, nous trouvons encore comme exemple d'obligation naturelle l'obligation contractée par le pupille. La même idée est exprimée par la loi 95, § 4, ff de solut. Après avoir énuméré les modes d'extinction de l'obligation principale, Papinien termine par cette conséquence : que la caution du pupille sera déchargée par les mêmes causes. Le même Papinien, dans la loi 25, § 1, ff quandò dies leg. ced., dit que le pupille qui a emprunté ne doit rien, nihil debet; mais il indique ensuite qu'il est obligé naturellement.

Ces décisions sont-elles inconciliables, et faut-il reconnaître que les jurisconsultes romains étaient divisés d'opinions sur un point aussi capital? C'est ce qu'il s'agit d'examiner. J'ai déjà noté que la décision de Nératius, qui donne la répétition au pupille qui a payé une dette contractée sans autorisation, n'est nulle part contredite. D'un autre côté, aucun texte ne refuse à l'obligation du pupille la possibilité d'être cautionnée, d'être novée, d'être considérée, après payement volontaire, comme augmentant le patrimoine du créancier.

Maintenant, la décision de Nératius s'appuie sur ce qu'il n'y a point d'obligation naturelle; celles de Paul et de Marcien se fondent sur l'existence de cette obligation. Il me semble qu'il n'y a que confusion dans les termes, confusion qui s'explique parce que la langue latine n'avait qu'un mot pour exprimer deux idées que les jurisconsultes n'ont cependant pas confondues. Entend-on par obligation naturelle celle qui, sauf l'action que le droit civil lui refuse, jouit de tous les autres effets que produit l'obligation civile, qui les produit sans l'intervention d'un consentement nouveau? Nératius a raison, l'obligation du pupille n'appartient point à cette classe. Considère-t-on, au contraire, comme obligation naturelle tout fait propre à engager la conscience d'un homme de bien? A ce point de vue, le pupille qui a agi avec discernement est naturellement obligé. Mais le mot obligation perd ici évidemment toute sa force, puisque le fait qu'il dénomme n'est appelé à produire aucune espèce de contrainte. Est-ce à dire que les décisions données sur le fondement de l'existence de cette obligation soient mauvaises ? non; car s'il est vrai que personne n'est forcé d'acquitter ces obligations, il n'est pas moins certain que chacun est libre de le faire. Si on le fait, le droit civil ne peut que sanctionner cette exécution; ce n'est qu'une renonciation à la faculté que la loi laissait de payer ou de ne pas payer; c'est cette renonciation qui oblige. Mais l'obligation, dans le sens propre du mot, n'existait pas avant elle. Cette explication ressort, du reste, assez clairement de ce que dit Papinien dans une loi déjà citée (L. 25, § 1, D. Q. d. l. cedat). Je donne, par mon testament, à Titius, ce que me doit Seius. Celui-ci est un pupille qui s'est engagé envers moi sans autorisation, et qui ne s'est point enrichi de

l'emprunt qu'il m'a fait. Titius a-t-il le droit de réclamer quelque chose? non; car je lui ai légué une créance qui n'en est pas une, puisqu'il n'y a aucun moyen de contrainte contre le pupille.

Si cependant celui-ci payait..., le legs devrait alors avoir son effet, et Papinien dit : qu'on l'interprète alors comme si le testateur avait écrit: Titio dato quod pupillus solverit; ce qui revient à dire que le legs est fait sous la condition s'il plaît à Seius de payer. Fixée en ces termes, la position de Seius n'est certainement pas celle d'un homme obligé.

:

En résumé, l'engagement du pupille non autorisé ne donne pas action contre lui. Le payement qui en serait fait par erreur serait répété, le débiteur du pupille ne pourrait lui en opposer la compensation. D'un autre côté, cet engagement pourrait être la base d'une constitution ou d'une novation de la part du pupille devenu pubère ; il pourrait être le sujet d'un gage et d'un cautionne

ment.

Nous avons supposé dans toute cette discussion, que le pupille ne s'était pas enrichi par suite de son emprunt. C'est qu'en effet, depuis le rescrit d'Antonin le Pieux, l'obligation du pupille, quatenus locupletior factus est, est devenue une véritable obligation civile, puisqu'elle a été munie de l'action. Ulpien indique de la manière la plus explicite l'introduction de ce droit nouveau V. l. 5, pr. et § 1 D. de auct. tut.

Si nous nous reportions à une époque antérieure à cette constitution, c'est alors que nous trouverions les vrais éléments de l'obligation naturelle dans l'emprunt qui enrichit le pupille: déni de l'action d'une part, compensation et exception à la répétition de l'autre. Ce changement dans la législation romaine ne peut-il pas servir encore

à expliquer le peu d'harmonie qui existe entre les jurisconsultes pour caractériser l'obligation du pupille?

II. · De l'interdit et du fou.

Il y a moins de difficultés sur les effets de l'obligation contractée par le prodigue auquel le préteur a interdit l'administration de ses biens. Cet état le met dans une incapacité absolue de s'engager valablement ; et comme cette incapacité est créée par le décret du préteur luimême, on conçoit bien que celui-ci ne devait attribuer aucun effet à l'engagement formé au mépris de cette interdiction. Aux termes de la loi 6, ff de verb. obl., l'obligation est tellement nulle, qu'elle n'est pas même susceptible d'être cautionnée. Ulpien l'assimile à celle du fou, dont les conventions sont considérées comme non avenues; par cette raison simple qu'elles sont dénuées de la condition essentielle de tout engagement, la volonté intelligente. Fidejussorem accipere non potest quia.... nec negotium quidem ullum gestum intelligitur ( L. 70, S4, de fidej.). Mais le furieux, comme l'interdit et le pupille, peuvent être tenus non ex conventione sed ex re, ainsi que cela est expliqué dans la loi 46, de oblig. et act., et dans ce cas, rien ne s'oppose à l'intervention de toutes les accessions qui peuvent garantir une obligation civile.

III. De l'esclave.

L'esclave, n'étant pas personne civile, ne peut contracter un engagement susceptible d'être reconnu par le droit civil. Quels biens offrirait-il à la poursuite des créanciers, lui qui n'a pas de patrimoine ? Cependant, eet esclave pouvait arriver un jour à la liberté, et même, avant d'être affranchi, il pouvait acquérir, sinon un patrimoine, du moins un pécule. En vue de ces deux

faits, le droit prétorien vint, en cette matière, modifier notablement les prohibitions absolues du droit civil. Il créa l'action de peculio contre le maître, et reconnaissant une obligation naturelle dans l'engagement contracté par l'esclave, il autorise la rétention du payement fait après l'affranchissement; la compensation peut également en être demandée, l'admission de ces effets. principaux entraînant à fortiori l'admission des accessions dont toute obligation naturelle peut être entourée (L. 13, ff de cond. indeb.).

IV. - Engagements entre personnes ex eádem familid.

La constitution de la société romaine est la cause de l'incapacité de l'esclave. C'est sur la constitution de la famille qu'est fondée l'incapacité mutuelle de contracter qui existe entre l'esclave et le maître, le père de famille et les fils non émancipés, et entre deux frères soumis à la même puissance. Toutes ces personnes n'ayant aux yeux du droit civil qu'un seul et même patrimoine, ne peuvent pas plus agir les unes contre les autres, qu'on ne peut avoir d'action contre soi-même. Cependant, le lien qui existe entre ces personnes peut se rompre, et la fiction faisant place à la réalité, elles pourront désormais contracter ensemble et s'obliger civilement l'une envers l'autre.

Mais l'événement qui change les relations des personnes pour l'avenir, ne peut effacer le caractère de leurs relations passées. La convention dont la date se rapportait à cette dernière époque ne pouvait donc valoir aux yeux du droit civil. Le droit prétorien ne montrait pas la même rigueur; il protégeait l'exécution de ces engagements comme il maintenait celle des pactes. Les lois 38 et 64 de cond. ind. s'expliquent catégoriquement à cet

« PreviousContinue »