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que la mort a surpris au milieu de sa carrière, et dont nous avons trois volumes qui ont eu promptement une réputation européenne, notamment le troisième, qui expose la matière si difficile de la procédure romaine. M. Walter, à Bonn, a commencé également un ouvrage dont le premier volume, contenant l'histoire du droit public des Romains, exposé avec autant d'érudition que de justesse et de clarté, remplit une lacune laissée par M. Zimmern. Le deuxième, publié en 1838, n'est qu'un abrégé de l'histoire du droit civil. Le dernier ouvrage consacré à l'histoire interne du droit romain, est celui de M. Tigerstrom, publié en 1838.

Mais ce n'est pas seulement par les manuels que l'étude de l'histoire du droit romain a fait des progrès. Plus de trois cents dissertations et traités particuliers sur les matières les plus diverses en ont éclairci les détails. Il serait trop long d'énumérer ici ces écrits, dont plusieurs ont des jurisconsultes du premier rang pour auteurs, tels que M. de Savigny (surtout dans le magasin de M. Hugo, dans le Journal pour la jurisprudence historique, Zeitschrift für geschichtliche Rechtswissenschaft, et dans les mémoires de l'académie de Berlin), MM. Cramer, Haubold, Dirksen et Bethman-Holweg.

Parmi les savants que l'Allemagne possède aujourd'hui, l'un de ceux qui ont le plus approfondi l'histoire du droit romain est sans contredit M. Huschke, professeur à Breslau. Il est seulement à regretter qu'une tendance trop prononcée vers le mysticisme lui fasse quelquefois adopter des opinions, sinon bizarres, du moins fort singulières. Quant à l'histoire du droit romain publiée en 1838, par le docteur Christiansen, à Kiel, c'est un ouvrage dépourvu d'intérêt et de sens. L'auteur a subordonné la science aux formules de la

philosophie de Hegel et présenté les faits sous couleur qui permet à peine de deviner la vérité historique1.

3. On a aussi cultivé l'histoire de la jurisprudence romaine chez les peuples modernes, plus connue en Allemagne sous le nom d'histoire littéraire du droit. M. de Savigny a achevé, en 1831, son Histoire du droit romain au moyen âge, et a donné, immédiatement après, une deuxième édition augmentée des trois premiers volumes. M. Hænel a publié, en 1834, un recueil sous le titre de Dissensiones dominorum, contenant des questions controversées entre les Glossateurs. L'Histoire du droit romain depuis Justinien, de M. Hugo, a eu deux éditions en 1822 et 1830*.

4. Aucune partie de la législation romaine n'a occupé à la fois tant de jurisconsultes allemands que la dogmatique de ce droit. On lui a consacré un grand nombre de traités généraux et particuliers. Mais le manuel de Mackeldey a éclipsé les autres ouvrages élémentaires; et, parmi les systèmes des pandectes ou du droit commun de l'Allemagne, les ouvrages de Thibaut, Wening-Ingenheim et Muhlenbruch sont regardés comme les meil leurs.

Ces quatre ouvrages sont écrits d'après la même méthode qui est devenue dominante en Allemagne, de

1 Nous signalerons ici son invention d'un animal pourvu d'une trompe, inconnu dans l'histoire naturelle, dont les Romains se seraient servi pour l'agriculture, en l'attelant, soit par la trompe, soit par la queue à la charrue! . l'ouvrage de M. Huschke, sur la législation de Servius Tullius. Heidelberg, 1837.

En 1839, l'auteur du présent article a publié un abrégé de l'histoire littéraire du droit romain dans sa Propédeutique du droit romain (Vorschule des ræmischen Rechts), Fribourg, 1839.

puis la fin du XVIIIe siècle. L'ordre légal, c'est-à-dire, l'ordre des matières adopté dans les Institutes ou dans les Pandectes de Justinien, a fait place à un ordre indépendant et rationnel; on a classé les diverses parties du droit civil d'après leur affinité, et la succession des chapitres et paragraphes est dictée par des principes purement logiques. Une partie dite générale (Allgemeiner Theil), renfermant les principes généraux du droit romain, précède les parties spéciales, savoir : L'exposé des droits réels,

La matière des obligations,

Celle des droits relatifs à l'état de famille,
Et les successions.

Nous trouvons cet ordre, qui est indiqué par MM. Hugo et Heise, dans les manuels de Mackeldey, Wening (dont l'ouvrage n'était primitivement que la rédaction du cours des pandectes de M. Heise), et de M. Mühlenbruch.

Thibaut a admis d'autres divisions. Sa partie générale contenait, jusqu'à la septième édition, presque tous les principes généraux sur les obligations, et la partie spéciale était rédigée d'après l'ordre des Institutes. Pour empêcher ses élèves de se servir des cahiers dictés par lui, qu'un sieur Braun avait fait imprimer à Stuttgard en 1831, et par d'autres motifs encore, d'autres motifs encore, l'auteur a changé son système dans sa huitième édition, publiée en 1834. La partie générale y est abrégée, et la matière des obligations est placée entre les droits de famille et les droits réels; ces derniers sont suivis des successions. Un troisième volume, contenant un abrégé de la procédure civile, avait été déjà entièrement retranché dans la septième édition. Nous doutons fort que le manuel de Thibaut ait beaucoup gagné à ce changement.

Tous ces ouvrages ont un grand défaut que leurs auteurs ne laissent pas de sentir, sans néanmoins y porter remède : c'est l'arbitraire de la classification des chapitres et des paragraphes. Ce reproche s'adresse surtout à Wening et à Thibaut. En choisissant pour leurs divisions des points de vue purement logiques, ils ont souvent altéré le vrai caractère du droit romain. Ils ont réuni des matières tout à fait hétérogènes, et détruit la cohésion naturelle qui unissait dans les sources des chapitres qui, d'après la manière de voir des anciens, doivent se suivre. Il manque (pour nous servir d'un mot que les philosophes emploient si souvent), à tous ces manuels du droit romain, l'objectivité nécessaire. Presque tout est subjectif, c'est-à-dire, subordonné au point de vue choisi par l'auteur, point de vue souvent étranger aux idées des anciens. Ces messieurs se sont laissés guider par la philosophie spéculative, et ont cru donner à la théorie du droit positif un caractère hautement scientifique (Wissenschaftlichkeit); dans l'opinion de l'auteur de cet article, ils n'ont souvent fait autre chose que déranger l'ordre naturel des matières. Sans doute l'ordre légal des Pandectes de Justinien n'est pas assez rationnel pour être conservé aujourd'hui ; mais, tout en suivant un autre ordre, on doit tâcher de ne pas détruire la liaison intime des matières. On peut adopter deux classifications rationnelles en droit romain; soit en suivant l'ordre des Institutes de Justinien, ou plutôt de Gajus, et en remplissant les lacunes que le premier a laissées; soit en divisant le tout en six livres, comme l'a fait M. Mühlenbruch, et, après lui, l'auteur de cet article1.

1 Dans son excellent ouvrage intitulé: Commentarii juris romani privati, T. 1—III. Leodii, 1825, 1828, 1829.

(Note des directeurs de la Revue.)

Mais la partie générale doit être aussi abrégée que possible; et, dans les détails de chaque livre, l'ordre doit être simplifié et se rapprocher autant que possible des divisions que les anciens ont préférées. Enfin on doit tout à fait abandonner cette tendance si dangereuse et si fausse à généraliser des règles de droit que les Romains n'ont admises que dans quelques matières.

Quelques manuels plus récents sont déjà écrits dans l'esprit qui a guidé l'auteur dans la rédaction de ses manuels latins. Le système du droit, proposé par M. Blume, est une amélioration notable de celui de Heise; MM. Marezoll, Puchta, Kierulf, de Vangerow 1, ont en grande partie abandonné l'ancienne route.

On est encore revenu d'une aberration dans laquelle M. Mackeldey était tombé en voulant améliorer son manuel, si recommandable sous d'autres rapports. On a restreint les développements donnés par cet auteur à son livre, dont la prolixité est telle, qu'il n'est plus susceptible d'être appliqué dans un cours d'Institutes. En effet, que peut dire le professeur oralement, qui ne soit aussi bien dit dans le livre ? Et à quoi sert, pour des élèves qui commencent, l'indication de tous les écrits publiés de nos jours sur chaque matière? L'auteur y a souvent mentionné des ouvrages qui ne méritent pas d'être connus et qui ne seront jamais lus. Mais il est à craindre qu'on ne tombe dans un défaut tout à fait opposé. En voulant éviter la prolixité, M. Lang et surtout M. Marezoll 1837) sont devenus trop sommaires, de même que M. Puchta (1838) dans

son système des Pandectes.

Il y aurait encore d'autres remarques à faire sur les

'11 vient d'être nommé successeur de M. Thibaut, à Heidelberg.

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