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sortes d'obligations naturelles qui nous restent après l'élimination que nous venons de faire. On peut signaler encore celles qui naissent des contrats ou actes nuls soit pour défaut de formes, soit pour cause d'incapacité; et enfin celles dont l'efficacité est annulée par quelque présomption juris et de jure.

Je commence par les dispositions contenues dans une donation nulle pour vice de forme. Toutes les sûretés survenues pour l'appuyer sont frappées de la même inefficacité, quand même ces sûretés seraient fournies par d'autres que le débiteur. On ne devrait pas même dire que la caution serait obligée, si elle avait connu la nullité, comme étant censée dès lors avoir renoncé à son recours. En effet, cette renonciation transporterait la qualité de donateur sur la tête de la caution; sa donation serait donc, comme celle du principal obligé, nulle pour défaut de formes.

Quand il s'agit d'un legs contenu dans un testament nul ou excédant la quotité disponible, l'héritier peut se considérer comme naturellement obligé à l'exécuter; s'il paye en connaissance de cause, il renonce à demander la nullité ou la réduction. Il renoncerait également en novant son obligation, en la faisant cautionner, ou en donnant toute autre sorte de sûreté. Cette ratification serait inattaquable, aussi bien que celle qu'il ferait de la donation de son auteur, bien ayons vu que celui-ci ne pouvait lui-même la confirmer que par un nouvel acte fait en la forme légale (13391340).

que nous

d'être une

Une obligation non prouvée ne cesse pas obligation civile. La loi ne refuse pas l'action; le créancier a toujours la ressource de la délation du serment. Si, indépendamment du serment, le débiteur re

connaissait sa dette d'une manière quelconque, l'obligation civile aurait toute son efficacité.

Quant aux contrats passés par des incapables, ils peuvent être ratifiés après la cessation de l'incapacité, et par conséquent les sûretés que donnerait en ce moment le débiteur, produiraient l'effet qu'elles produisent, quand elles sont attachées à une obligation civile. Mais quid des sûretés données dans le temps même de l'incapacité? Il ne s'agit pas de l'hypothèque ou du gage que donnerait l'incapable lui-même, contrats évidemment tout aussi nuls que le contrat principal. La question nait seulement dans les cas où un tiers consentirait une hypothèque, donnerait un gage, ou se porterait caution pour l'incapable. Sera-t-il tenu? L'art. 2012 décide positivement l'affirmative pour la caution des mineurs ou plutôt pour tous les cas où la nullité de l'obligation est purement personnelle à l'obligé. Or, aux termes de l'article 1225, la nullité des contrats faits par les incapables est justement dans ce cas. Cette disposition se justifie par cette considération, que les assureurs sont censés avoir voulu prendre sur eux les chances de la nullité; car il est bien entendu que leur engagement ne peut nuire à l'incapable. Cette interprétation ne pouvant s'appliquer qu'autant que les tiers intervenus ont eu connaissance de la nullité, ils doivent se faire décharger de leur engagement en prouvant le contraire; car ils seront fondés à dire qu'ils ne se sont obligés que parce qu'ils avaient compté sur un recours; leur engagement doit donc tomber dès qu'il manque de la condition sous laquelle il avait été contracté.

Dans le cas d'un contrat nul parce que les parties sont respectivement incapables, soit de se donner, soit de se vendre, il ne peut pas intervenir de cautionnement. On

ne peut pas dire qu'il y ait là pour les parties ellesmêmes les éléments d'une obligation naturelle, leur fait étant une contravention à la loi qui le prohibe dans un autre intérêt que le leur.

Nous avons dit que l'obligation pouvait subsister après le jugement qui prononce la libération, le serment décisoire qui l'affirme, ou la prescription qui la consacre; mais il est fort évident que les tiers intervenus pour la sûreté de cette obligation, ne sauraient être tenus d'aucune manière après la réalisation de ces événements. Que si, postérieurement et en connaissance de cause, le débiteur donne un gage, une hypothèque ou une caution, il est également clair que ces contrats devront avoir leur effet, puisque leur intervention prouve que le débiteur reconnaît sa dette malgré la présomption qui le libère.

Le devoir, dont on peut dire qu'un père est tenu, de doter sa fille ou de fournir des aliments à l'enfant naturel qu il n'a pas reconnu, n'est rien aux yeux du droit civil, si celui qu'il concerne ne contracte pas l'obligation d'y satisfaire. S'il s'y engage, il est dès ce moment tenu d'une obligation civile susceptible de tous les modes et de toutes les accessions que le droit reconnaît.

Je reprends les divers cas que je viens de parcourir pour rechercher si les dispositions des art. 1166 et 1167 y peuvent recevoir leur application. Nous avons dit que l'héritier peut se croire naturellement obligé, soit à exécuter une donation ou un testament nuls pour défaut de formes, soit à acquitter des libéralités qui dépassent la quotité disponible. Quand il est seul intéressé, on ne peut qu'applaudir à cette générosité; mais si d'autres intérêts sont en jeu, il est nécessaire d'en tenir compte; si cet héritier a des créanciers qu'il ne peut satisfaire,

ceux-ci ne pourraient-ils pas réclamer? Remarquons qu'il ne s'agit pas ici d'une obligation qui ait sa source dans le propre consentement du débiteur, et dont lui seul pourrait se dire appréciateur souverain. C'est la volonté de son auteur qui s'est manifestée sans se conformer aux prescriptions de la loi, ou dépassant les limites qui lui étaient assignées; les intéressés peuvent dire, la loi à la main, qu'il n'y a rien d'obligatoire dans de semblables faits, et dès lors intenter, au nom de leur débiteur, l'action en nullité que celui-ci n'exercerait pas.

Ils le peuvent, quand même leur débiteur aurait exécuté. Seulement, comme ils agiront alors en vertu de l'art. 1167, ils devront prouver que la renonciation faite par lui l'a été en fraude de leurs droits, et, par exemple, établir non-seulement le préjudice mais encore le consilium. Cette observation est importante, elle protége contre l'action révocatoire les testaments sur la validité desquels il ne peut s'élever que des doutes; car, dans ce cas, le débiteur a pu croire n'acquitter qu'une obligation civile, et par conséquent n'a renoncé à rien.

Nous ne pensons pas non plus que l'opinion de l'incapable, qui se croit tenu de certaines obligations qu'il a contractées, empêche ses créanciers de demander la nullité de ces engagements. L'exécution donnée dans le temps d'incapacité, n'arrêterait pas non plus leur action, puisqu'elle est viciée par la même nullité; mais l'exécution ou ratification faite par ces incapables après la cessation de leur incapacité, ne pourrait aucunement être attaquée par les créanciers. Par cette ratification, les débiteurs ont montré qu'ils se considéraient comme tenus naturellement, et ils sont les seuls juges vraiment compétents de cette obligation. En acquittant ces obligations, ils font donc un véritable payement. Comment les créan

ciers pourraient-ils l'attaquer, à moins qu'ils ne fussent placés dans le cas prévu par le Code de commerce? Et s'ils ne peuvent attaquer le payement, comment pourraient-ils critiquer les autres actes confirmatifs?

La vente entre époux, la donation entre incapables, ne faisant pas naître d'obligation naturelle, pas de doute que les créanciers ne puissent en demander la nullité au nom de leurs débiteurs, ou en faire révoquer l'exécution en vertu de l'art. 1167.

Enfin, quoiqu'une dette prescrite, mais que le débiteur saurait n'avoir pas payée, puisse être considérée comme une obligation naturelle, l'art. 2225 autorise formellement les créanciers à opposer la prescription, bien que leur débiteur y renonce. La loi voit avec faveur ce moyen de libération; il n'est pas seulement une protection pour les débiteurs, il est aussi une peine contre les créanciers négligents: n'est-il pas naturel que les créanciers qui n'ont pas cette faute à se reprocher, puissent s'en prévaloir contre lui? Puisque tous luttent de damno vitando, il est plus juste que le dommage tombe sur celui qui, demeurant si longtemps sans manifester son droit, a montré qu'il en était peu soucieux.

Mais ces motifs ne s'appliquent pas au payement que ferait le débiteur, sans se prévaloir d'un jugement rendu en sa faveur ou d'un serment prêté. De nouveaux titres peuvent faire découvrir le mal fondé du jugement ou la fausseté du serment. Le créancier qui obtient de la loyauté de son débiteur un payement qu'il ne pourrait pas exiger de lui, n'a fait que recevoir l'exécution d'une obligation civile, que la chose jugée, le serment prêté n'avaient point éteinte, mais dont ils avaient seulement rendu la preuve impossible. La preuve est maintenant dans l'exécution faite par le débiteur. Les créanciers ne

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