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A la vérité, les consuls tiennent leurs pouvoirs direc tement du souverain; mais ces pouvoirs ne leur sont conférés que par simples commissions ou patentes qui ne s'adressent point directement à un souverain étranger, et sont simplement soumises à son exequatur. 167. Passons aux dispositions législatives qui existent sur la matière.

En France, un décret de la convention nationale, en date du 13 ventôse an II (3 mars 1794), « interdit à toute » autorité constituée, d'attenter en aucune manière à la les >> personne des envoyés des gouvernements étrangers; >> réclamations »> y est-il dit « qui pourraient s'élever contre >> eux seront portées au comité de salut public, qui seul » est compétent pour y faire droit. » Aujourd'hui, ces sortes de réclamations doivent être adressées au ministère des affaires étrangères 1.

Dans le projet de Code civil français, il se trouvait, après l'article 3, une disposition exceptionnelle ainsi conçue : « Les étrangers revêtus d'un caractère représen» tatif de leur nation, en qualité d'ambassadeurs, de mi»nistres, d'envoyés ou sous quelque autre dénomination » que ce soit, ne seront point traduits, ni en matière » civile, ni en matière criminelle, devant les tribunaux » de France. Il en sera de même des étrangers qui com» posent leur famille ou qui seront de leur suite. » Mais cet article fut retranché par le conseil d'état, parce que,

1 En général, les étrangers accrédités, de quelque manière que ce soit, auprès du gouvernement français, et ceux qui se trouvent occasionnellement sur le territoire du royaume, par suite de transactions politiques auxquelles le gouvernement a pris part, n'ont de rapports directs qu'avec le ministre des affaires étrangères; ils ne communiquent avec les autres ministres et les autorités secondaires que par son entremise. (Arrêté du 22 messidor an XIII, art. 1o.)

disait Portalis père, « ce qui regarde les ambassadeurs appartient au droit des gens : nous n'avons point à nous en occuper dans une loi qui n'est que de régime intérieur 1. » De là il suit que l'article 14 du Code ne dispose que pour les obligations contractées envers un Français par un particulier étranger.

Le principe consigné dans la disposition projetée n'est pas moins en usage en France, ainsi qu'il résulte des décisions citées dans les notes 2.

168. Quelques-uns des Codes étrangers renferment des dispositions textuelles sur la matière.

Le Code de procédure civile de Bavière, ch. 1, § 11, porte que : « tous ceux qui jouissent du droit des am»bassadeurs sont exempts de la juridiction ordinaire. »

Le Code général de Prusse, introduction, §§ 36, 37, 38 et 39, contient les dispositions suivantes : « 36. Les » ambassadeurs et résidents des puissances étrangères, de » même que les personnes qui sont à leur service, con» servent leurs franchises, conformément au droit des » gens et aux conventions existantes avec les diverses 37. Les vassaux regnicoles et les sujets qui,

» cours.

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1 Locré, Esprit du Code Napoléon, t. 1, p. 210. Répert., o Ministre public, sect. 5, § 4, art. 3.

* En vertu de l'article 10 de la convention conclue entre la France. et les États-Unis de l'Amérique septentrionale, le 8 vendémiaire an IX, dûment ratifiée, les deux gouvernements peuvent respectivement nommer des agents commerciaux résidant d'une nation chez l'autre ; ils peuvent excepter telle place qu'ils jugent à propos des lieux de résidence de ces agents.- Avant qu'aucun agent puisse exercer ses fonctions, il devra être accepté, dans les formes reçues, par le gouvernement où il est envoyé; et quand il a été accepté et pourvu de son exequatur, il jouit des droits et des prérogatives dont jouissent les agents semblables des nations les plus favorisées. (Loi du 15 frimaire an X.)

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› avec la permission du souverain, ont été accrédités par » une cour étrangère, demeurent soumis, quant à leurs » affaires privées, aux lois du pays. -38. Les ambassa» deurs accrédités par l'État auprès des cours étrangères, sont jugés d'après les lois de la juridiction du lieu où ils » avaient leur dernier domicile avant d'exercer les fonc>>tions d'ambassadeur. » Addition à ces deux paragra phes, établie par ordonnance royale du 24 sept. 17981: « La question de savoir, jusqu'à quel point les vassaux regnicoles et sujets accrédités par une cour étrangère, » avec la permission du souverain, demeurent soumis » aux lois du pays quant à leurs actes privés, dépend principalement des conditions qui ont été apposées à >> ladite permission. 39. Si ces ambassadeurs (ceux » dont il est question au paragraphe 38) sont des étran»gers, les dispositions du droit commun des États prus» siens leur sont applicables, lorsqu'ils sont cités devant » les tribunaux du royaume. »

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On lit dans le paragraphe 38 du Code civil d'Autriche: « Les ambassadeurs, les chargés d'affaires et les » personnes qui sont à leur service, jouissent des fran>> chises établies par le droit des gens et par les traités publics 2.

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1 Paalzov, Manuel des jurisconsultes prussiens (Handbuch für praktische Rechtsgelehrte, etc.), t. I, p. 18. V. aussi de Strombeck, Suppléments au Code général de Prusse (Ergänzungen, etc.), 3e édit., t. I, p. 96 et 97.

Winiwarter, à l'endroit cité, § 66. Le même, Manuel des lois et règlements concernant la justice et l'administration en Autriche ( Handbuch der Justitz und politischen Gesetze, etc.), t. 1, p. 1og et suiv. Le comte de Barth Barthenheim, de l'administration publique en Autriche (Das Ganze der æsterreichischen politischen Adminisiration), t. I, p. 104, SS 102 et suiv.

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En Angleterre, il existe une loi spéciale sur la matière, rendue à l'occasion d'une prise de corps exercée illégalement contre la personne de l'ambassadeur de Russie, Matueof. C'est le statut 7 de la reine Anne, chap. 12, de l'an 1709. La principale disposition de cette loi est ainsi conçue : «< Que tous ordres et procès qui, » en quelque temps que ce soit ci-après, seront faits ou poursuivis, par lesquels la personne d'un ambassadeur » ou d'aucun autre ministre public, de quelque prince » ou État étranger que ce soit, autorisé et reçu comme » tel par Sa Majesté et par ses héritiers, ou les servi»teurs des ambassadeurs ou d'autres ministres, puissent » être arrêtés ou emprisonnés, ou leurs biens meubles » et immeubles retenus, saisis et arrêtés, seront tenus » et jugés être entièrement nuls, et seront invalides à » toutes fins et égards quelconques'.

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Les anciens états-généraux des provinces des Pays-Bas avaient rendu, le 7 septembre 1679, un édit ainsi conçu : Que les personnes, domestiques et biens des ambassa » deurs et ministres étrangers qui arrivent, résident ou passent dans ce pays et y contractent des dettes, ne peu» vent, ni à leur arrivée, ni pendant leur séjour, ni au » moment de leur départ, être arrêtés, détenus et saisis » par suite des dettes contractées dans le pays, et que » les nationaux peuvent se régler en conséquence dans » leurs rapports avec les ambassadeurs étrangers et leurs domestiques 2. »

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La législation russe offre également des dispositions

1 Blackstone, liv. I, chap. 7. Répert., o Ministre public, sect. 5. $ 4. V. pour les détails de cette affaire, les causes célèbres du droit des gens, publiées par Martens.

1 * Bynkershock, ch. 9. Rolin, p. 56.

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conçues dans le même esprit. Aux termes des art. 1489, 2298 et 2024 no 2, du chap. X des lois civiles : «< toute » autorité saisie d'une réclamation quelconque élevée >> contre un individu attaché à une mission étrangère, >> doit la transmettre au ministère des affaires étrangères. » Aucun jugement ne peut être mis à exécution dans >> les hôtels occupés par les ambassadeurs et envoyés diplomatiques, autrement que par l'intermédiaire du » même ministre.- Les fonctionnaires attachés aux mis»sions étrangères en Russie, ainsi que les courriers des puissances étrangères, sont dispensés de l'obligation d'être munis d'un passeport délivré par un agent russe (Règlement des douanes, VI, 939), et de se soumettre » à la visite des douanes (Ibid., 937). Les membres du >> corps diplomatique peuvent introduire librement et >> en franchise tous les effets qu'eux et leur suite ont » avec eux, ainsi que tous ceux qui sont expédiés à leur » adresse pendant le cours d'une année de leur arrivée » en Russie (Ibid., 1021 et 1022)1. »

>>

(La suite à un prochain cahier.)

FŒLIX.

XXXII. Statistique criminelle de l'Angleterre,
pendant l'année 1838.

Par M. A. SALAMAN.

La statistique, ce procédé d'expérimentation dont notre siècle revendique l'honneur d'avoir, le premier, fait une application vraiment large et féconde, n'est pas toutefois une invention moderne. Recueillir, pour les étudier dans leur ensemble et leur reproduction, ces myriades de faits par lesquels se manifeste chaque

A F. la Revue, t. III, p. 871, 555 et 648.

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