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modifications de la législation criminelle d'Angleterre, trois époques principales l'époque où la loi pénale était dans sa plus grande rigueur ; - celle qui suivit les modifications résultant, soit des mesures votées à la demande d'une commission de la chambre des communes, soit des lois promulguées, en 1828, par George IV, pour amender et consolider le droit criminel; — enfin, l'état actuel de cette législation, après les changements notables qu'elle a subis en 1832, 33, 34, 35 et 37.

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Il est intéressant de voir comment était appliquée la peine de mort à chacune de ces trois époques. Pour cela, nous comparerons, comme l'a fait l'auteur du compte rendu, les chiffres des années 1818, 1828 et 1838.

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En 1818, il y avait eu 1254 condamnations à mort; il y en a eu 1165 en 1828 et 116 en 1838. - Du rapprochement de ces chiffres, deux choses paraissent ressortir 1° l'inefficacité des modifications faites à la législation pénale, antérieurement à 1828; 2o la grande influence de celles qui eurent lieu de 1828 à 1838. L'exactitude de cette dernière induction paraîtra surtout bien prouvée, si l'on remarque que sur les 116 condamnations capitales prononcées en 1838, 62 ont porté sur des crimes qui n'étaient déjà plus soumis à la peine de mort quand la sentence a été rendue, mais à l'égard desquels cette peine a dù néanmoins être prononcée, parce qu'elle était dans la loi à l'époque de leur perpétration'. En faisant abstraction de ces 62 condamnations, qui ne figureraient pas dans le chiffre de 1838, si les crimes qui y ont donné lieu eussent été jugés

1 Un semblable résultat n'aurait pas eu lieu en France où, en cas de concours de deux peines différentes, c'est la peine la plus douce qui doit être appliquée.

d'après la législation actuelle, on aura, pour l'année 1838, 54 condamnations à mort seulement1.

On peut aisément juger, par ce qui précède, de l'importance des changements que les actes de la première année du règne actuel ont apportés dans l'application de la peine de mort; mais, pour rendre ces changements plus apparents encore, il faut comparer le nombre des condamnations capitales prononcées en 1838, sous l'empire de la législation actuelle, avec celui des quatre années 1834-37. Or, 1834 a donné 480 condamnations; 1835523, 1836494 et 1837 438.- La moyenne des condamnations capitales pendant ces quatre années, a été, eu égard au nombre total des condamnations de toute espèce, dans la proportion de 1 sur 32, tandis que l'année 1838 n'a donné qu'une condamnation à mort sur 311. L'application de la peine de mort a donc été, en 1838, à peu près dix fois moins fréquente que durant chacune des quatre années antérieures 2.

Recherchons maintenant quelle est, aux trois époques dont nous avons parlé, la proportion des exécutions, par rapport aux condamnations à mort :

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'Le nombre des condamnations à mort, pour 1839, est de 56.

2

Pour 1839, la proportion des condamnés à mort, eu égard au nombre total des condamnés, est de 1 sur 318.

3 Nous continuons de retrancher du nombre des condamnations capitales rendues en 1838, les 62 condamnations qui, étant dues, ainsi que nous l'avons fait remarquer, à l'application de la legislation antérieure à 1838, figuraient à tort dans un chiffre que nous prenons comme représentant le résultat de l'application de la législation actuelle. Ces 62 condamnations n'ont, du reste, donné lieu à aucune exécution.

* 11 exécutions sur 56 condamnations, ou 20 sur 100, en 1839.

On voit qu'en 1828, les exécutions sont proportionnellement plus rares et l'intervention du pouvoir gracieux plus fréquente, d'environ 2 172 p. 100, qu'en 1818.

Les modifications apportées à la rigueur du droit criminel, dans l'intervalle de 1818 à 1828, avaient donc été insuffisantes, et l'on peut dire que le défaut d'harmonie entre la législation et l'état des mœurs et des idées, déjà si sensible en 1818, était encore plus grand dix ans après.

En 1838, au contraire, l'élévation considérable de la proportion des exécutions, témoigne de la justesse et de l'opportunité des changements faits à la loi pénale, durant les dix années qui ont précédé. Le condamné qui, d'après l'état de choses de 1828, avait, après la sentence prononcée, dix-neuf chances contre une de conserver la vie sauve, par le bénéfice d'une grâce ou d'une commutation, n'a plus maintenant que huit chances d'échapper au dernier supplice. C'est qu'en devenant plus rares, les condamnations capitales ont été mieux appliquées. Le bras de la justice a frappé dans un cercle moins étendu; mais ses coups ont porté plus juste, et le criminel a dû redouter davantage de le voir se lever sur sa tête. Ainsi, loin que la répression s'énerve en se dépouillant d'une rigueur exagérée, elle y gagne du respect et de l'autorité morale auprès des popula

tions.

1

On comprend, toutefois, que les rapports que nous avons énoncés ci-dessus ne sont vrais qu'eu égard au nombre total des condamnations et des exécutions, sans distinction des crimes auxquels elles s'appliquent. Pour arriver à une appréciation plus exacte, il faut retran

14 chances seulement en 1839.

cher du nombre des condamnations capitales rendues en 1828, toutes celles qui se rapportent à des crimes peu graves aujourd'hui affranchis de la peine de mort, et considérer séparément les chiffres relatifs aux douze crimes à l'égard desquels cette peine est encore appliquée. L'on trouve alors qu'en 1828, ces douze espèces de crimes ont donné lieu à 380 condamnations, dont 35 ont été exécutées ; c'est : une exécution sur onze condamnations. De la faible différence qui existe entre cette proportion et celle de l'année 1838 (une exécution sur neuf condamnations), l'on peut conclure qu'un sage discernement présidait à l'usage du droit de grâce et de commutation, dès l'époque de 1828, alors que la rigueur exorbitante de la loi pénale rendait l'exercice de ce droit si fréquemment nécessaire.

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Enfin, si, pour plus de précision encore, on restreint la comparaison aux deux espèces de crimes auxquelles seules s'appliquent les six exécutions de 1838, le meurtre et la tentative de meurtre lorsque la vie des personnes a été mise en danger, l'on voit qu'en 1828, sur quarante condamnés à mort pour meurtre ou tentative de ce crime, vingt-trois, ou plus de moitié, ont été exécutés, tandis qu'en 1838, le cinquième seulement des condamnés pour les mêmes crimes a subi la peine capitale (six sur vingt-huit). En présence de ces derniers chiffres, on serait en droit de dire que le pouvoir chargé de l'exécution des peines et investi du droit de les remettre, n'apporte plus aujourd'hui, à la répression du meurtre, la même rigueur qu'il y a dix ans, bien que la peine écrite dans la loi soit restée la même, et, peut-on ajouter, bien que les juges aient plutôt augmenté que diminué la sévérité de leurs sentences; en effet, les tableaux de 1838 donnent un condamné à mort sur

trois accusés de meurtre ou tentative de meurtre, au lieu qu'en 1828 il n'y avait eu, pour les mêmes crimes, qu'un condamné à mort sur quatre accusés.

Notre intention n'est point d'attribuer à l'induction qui précède une autorité trop absolue. Dans une opération portant sur des nombres aussi faibles que ceux qui représentent les condamnations capitales et les exécutions, l'influence des causes accidentelles peut être très-sensible. Toutefois, cette induction prend de la consistance, si l'on considère que dans les dix années qui ont suivi 1828, la proportion des exécutions est constamment restée au-dessous du rapport de un sur deux que cette année avait donné. Il est d'ailleurs remarquable que cette infériorité du nombre proportionnel des exécutions, devient plus grande à mesure que l'on s'éloigne de 1828 vers 1838. Pour les cinq années 1829, 30, 31, 32 et 33, la moyenne est de : : une exécution sur quatre condamnations à mort pour meurtre ou tentative de meurtre; elle n'est plus que de une exécution sur cinq condamnations, pour les cinq années suivantes: 1834, 35, 36, 37 et 38 1.

Il nous reste à ajouter, pour faire sentir combien ce résultat de six exécutions seulement dans l'année 1838 est remarquable, que sur les vingt-cinq dernières années, il est arrivé cinq fois que le nombre des exécutions s'est élevé au-dessus de 100, savoir:

1 1839 donne un peu moins de : une exécution sur deux condamnations (onze sur vingt-quatre); presque la même proportion qu'en 1828. La proportion des condamnations au nombre des accusés de meurtre ou tentative de meurtre est restée ce qu'elle était en 1838, un sur trois.

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