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Du reste, rien n'empêche les juges français de prononcer les nullités et amendes établies par le Code comme garantie de l'observation des règles et solennités prescrites, que le mariage ait été contracté en France ou à l'étranger. Il existe seulement cette différence que, dans ce dernier cas, il y a impossibilité d'appliquer l'amende contre l'officier de l'état civil qui n'est pas soumis à la juridiction française; mais cette circonstance ne saurait pas entraîner de plein droit une modification de la loi, et transformer la disposition qui prononce une amende contre l'officier de l'état civil, en une disposition qui déclare nul le mariage entre les parties. Peut-être lors d'une révision du Code et lorsqu'il s'agira de nova lege condenda, le législateur trouvera convenable d'introduire cette modification; mais en attendant il est certain que les rédacteurs du Code n'ont pas établi la peine de nullité du mariage dans le cas où l'officier de l'état civil qui y a procédé ne réside pas en France et ne peut pas être atteint des pénalités établies aux articles 192 et 193 du Code; et par suite, les juges ne peuvent pas prononcer cette nullité. La doctrine contraire aurait pour conséquence d'établir en principe que l'auteur d'une contravention, par le fait duquel son complice échappe à la punition, pourrait, outre la peine légale comminée contre lui-même, être frappé par le juge d'une peine extraordinaire non prononcée par la loi !

Néanmoins, la doctrine que nous repoussons a été sanctionnée par l'arrêt de la cour de cassation du 6 mars 1837 et par celui de la cour royale d'Angers du 12 janvier 1838. Nous rapporterons infrà, no 7, en examinant les questions de détail, le texte du premier de ces arrêts, dont le second n'est que la reproduction.

5. Un second argument en faveur de la prétendue nullité des mariages contractés à l'étranger, pour inobservation d'une règle ou formalité quelconque établie par le Code, consiste à dire : le texte de l'article 170 déclare valable le mariage contracté à l'étranger « pourvu que certaines publications aient eu lieu en France, et » que le Français n'ait point contrevenu aux disposi» tions contenues au chapitre Ier. » Évidemment, les mots pourvu que... indiquent une condition irritante : donc, l'article 170 déclare non valables ou nuls les mariages qui seraient faits sans ces publications et sans l'observation de toutes les dispositions contenues au chapitre Ier 1.

Nous répondons avec feu Merlin', que les termes cités de l'article 170 sont évidemment synonymes de ceux-ci : « Il est des cas où le défaut de publications ou d'actes >> respectueux peut influer sur l'annulation du mariage » pour cause de clandestinité ;... » ou, comme s'exprime l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, du 28 juillet 1828, rapporté par Merlin: Que « les conditions que cet ar>> ticle impose au moyen des mots pourvu que, sont » aussi relatives et s'appliquent aussi à la contraven» tion aux dispositions que renferme le chapitre I", » sous lequel se trouvent, non-seulement des disposi»tions dont l'inobservation entraîne la nullité absolue >> et irréparable du mariage, mais aussi des dispositions » dont l'inobservation peut non-seulement se réparer

1 Arrêts de la cour royale de Paris, des 10 décembre 1827, 30 mai et 4 juillet 1839, déjà cités.

2 Répert., Bans de mariage, no 2. Questions de droit, vo Publication de mariage, § 2. V. aussi les observations de M. Sirey, à la suite de l'arrêt de la cour de cassation du 9 mars 1831.

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» mais vient même à disparaître par le seul laps de temps; que, par conséquent, on ne peut induire du » contenu littéral de l'article 170, que toute contraven» tion indistinctement à l'une des dispositions du cha» pitre Ier emporte nécessairement et per se, une nullité » absolue.... » En un mot, nous dirons que le texte de l'article 170, entendu sainement et sans préoccupation, n'indique autre chose, sinon que les dispositions du Code relatives aux mariages contractés en France sont également applicables aux mariages contractés par les Français à l'étranger'. Nous ajouterons que l'argument à contrario sensu n'est qu'une source d'erreurs2, et nous rappellerons qu'en thèse générale, les nullités ne peuvent être créées par induction.

6. Si du texte nous passons à l'esprit de la loi, nous voyons qu'il n'y avait, pour les auteurs du Code, aucun motif de s'écarter, dans l'article concernant les mariages contractés à l'étranger, des dispositions du même titre relatives aux mariages en général, et d'établir une distinction entre le mariage du regnicole dans le royaume et entre le mariage d'un Français en pays étranger.

Il résulte de la discussion de l'article 170 au conseil d'état3 que cet article n'a d'autre but que d'assurer : 1o la comparution des parties devant un officier chargé de constater l'état civil dans le lieu de la résidence de l'une des parties, et, surtout, 2o l'observation des dispositions fondamentales consignées dans le chapitre Ier. En particulier (et c'est une observation sur laquelle nous

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* Merlin, Répert., vo Argument à contrario sensu. Aussi la cour de cassation, dans les arrêts rendus sur l'application de l'article 170, n'a jamais fait valoir l'argument indiqué ci-dessus.

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reviendrons ci-après), l'omission des publications en France n'a pas été regardée comme annulant le mariage; la formalité des publications a été établie uniquement pour empêcher les contraventions aux dispositions du chapitre Ier

Les législateurs de tous les pays ont admis une différence entre les conditions prescrites pour contracter mariage: les unes sont regardées comme essentielles, les autres sont seulement des précautions salutaires ; l'omission des premières entraîne la nullité du mariage, celle des autres n'a pas le même effet. Le Code civil a établi un système complet à ce sujet. Y a-t-il des raisons résultant de l'esprit de la loi qui puissent autoriser le juge à s'écarter du système du Code, lorsqu'il s'agit d'un mariage contracté à l'étranger ? Telle est la question à examiner.

Nous n'avons pu trouver aucune raison en faveur de l'affirmative. Aussi aucun des arrêts qui ont prononcé la nullité des mariages contractés à l'étranger (hors le cas du défaut de publicité où nous partageons la même opinion) n'a allégué un motif déduit de l'esprit de la loi; tous se sont bornés à l'un ou l'autre des deux arguments que nous croyons avoir réfutés en parlant du texte de l'article 170. En conséquence, nous soutenons que l'esprit de la loi n'autorise point la distinction qu'on a prétendu établir que les mariages contractés par les Français à l'étranger, suivant les formes usitées dans le pays, sont régis par les mêmes dispositions du Code civil qui régissent les mariages célébrés en France, et que ces mariages ne peuvent être déclarés nuls hors les cas où la nullité a été établie par les dispositions du Code.

7. Ainsi, le mariage contracté à l'étranger entre ur beau-frère et une belle-sœur français, avant la loi qu

autorise ces unions, ou sans les dispenses prescrites par cette loi, est nul et sans effet 1.

D'un autre côté, le mariage contracté par un Français en pays étranger, sans avoir été précédé, en France, des publications prescrites, n'est pas uul dans tous les cas2; il peut être attaqué dans les termes de l'article 191, comme n'ayant pas été contracté publiquement'; le texte de cet article, en se dispensant de prononcer expressément la nullité pour contravention aux articles 63, 166 et 167*, laisse au juge toute latitude d'examiner les faits et de déclarer, en conséquence, qu'il y a eu ou non publicité, et de prononcer, par suite, la validité ou la nullité du mariage. Nous avons vu, au no 6, que, dans la discussion du Code au conseil d'état, l'omission des publications en France n'a pas été regardée comme emportant la nullité du mariage : cette formalité n'a été prescrite qu'à l'effet d'empêcher les contraven

V. l'arrêt de la cour de cassation, du 8 novembre 1824, cité plus haut, et la Gazette des tribunaux, des 4 et 11 août 1839.

Toullier, t. I, no 578. Merlin, Répert., o Mariage, sect. 6, § 2, deuxième question sur l'article 191. Arrêt de la cour de cassation (rejet), du 10 mars 1841. Gazette des tribunaux, du 16 avril 1841.

* Ainsi jugé également en Belgique, par arrêt de cassation du 28 juin 1830, et par arrêts de la cour d'appel de Brux., des 28 juil. 1828 et 27 juin 1831. Table générale de la jurisprudence belge, o Mariage, nos 8, 9 et 10.-V. dans le même sens, deux arrêts de la cour d'appel de Cologne, du 20 juin 1821 et du 3 février 1824. Archives des provinces rhénanes de la Prusse, t. III, p. 99; t. VI, p. 161.

V. ci-après, la disposition finale de la circulaire de M. le garde des sceaux, en date du 4 mars 1831.

* M. Duranton, t. II, no 238. La cour de cassation s'est prononcée dans le même sens par l'arrêt déjà cité, du 9 mars 1831. L'arrêt de la cour royale de Montpellier, du 15 janvier 1839, paraît avoir, en partie, adopté la même doctrine.

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