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mission du gouvernement', entraîneront la nullité du mariage contracté en France par des Bavarois ou des Wurtembergeois qui n'auront pas obtenu, au préalable, cette permission.

11. Il résulte des différences qui existent entre les lois de la France et celles des autres pays de l'Europe, que le Français qui se marie en France avec un étranger s'expose à voir annuler ce mariage par des causes exprimées dans une loi dont il ignore les dispositions. C'est dans le but d'éviter aux regnicoles le préjudice dont ils sont ainsi menacés, que M. le garde des sceaux, ministre de la justice, a adressé, le 4 mars 1831, aux procureurs généraux près les cours royales, une circulaire ainsi conçue* :

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« Dans plusieurs états limitrophes ou voisins de la France, la loi défend aux regnicoles de se marier en » pays étranger sans l'autorisation du gouvernement, » sous peine de la nullité de leur mariage. Il résulte de » là que les habitants de ces pays, attirés en France par » l'activité de l'industrie ou par la richesse du sol, y ont » épousé des Françaises sans avoir obtenu cette autori»sation. S'ils veulent ensuite retourner dans leur pa>> trie, leurs femmes et leurs enfants s'en voient repous» sés comme illégitimes. Un tel état de choses impose au gouvernement français le devoir de recourir à » quelques précautions propres à assurer la validité de → ces mariages contractés de bonne foi par des femmes qui, après l'accomplissement de toutes les formalités - requises par les lois françaises, ont dû compter sur la

1 V. infrà, § 8, vis Bavière et Wurtemberg.

* Nous expliquerons par la suite, au § 7, Bade, les circonstances qui ont donné occasion à cette circulaire.

IV. 2 SÉRIE.

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protection de ces lois. Le moyen le plus efficace me paraît être d'exiger de tout étranger, non naturalisé, qui voudra désormais se marier en France, la justifi»>cation, par un certificat des autorités du lieu de sa > naissance ou de son dernier domicile dans sa patrie, qu'il est apte, d'après les lois qui la régissent, à con»tracter mariage avec la personne qu'il se propose

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d'épouser. En cas de contestation, les tribunaux » compétents seront appelés à statuer 1. »

12. Cette circulaire, on le conçoit, n'est qu'un conseil donné aux officiers de l'état civil, à l'effet de se garantir eux-mêmes, ainsi que leurs administrés français, contre toute responsabilité ou contre toute action en nullité du mariage.

L'intention qui a présidé à la rédaction de cette circulaire, ne saurait être l'objet d'une critique; mais les résultats sont loin d'avoir répondu au but que se proposait M. le garde des sceaux ; et sa circulaire, en suscitant de nombreuses difficultés, a été fréquemment un obstacle à des unions qui réunissaient d'ailleurs toutes les conditions légales Plusieurs fois les autorités étrangères ont refusé de délivrer les certificats dont il s'agit, en alléguant que les lois de leur pays ne les y autorisaient pas; d'ailleurs, quelle certitude peut résulter, relativement à une question de droit, du certificat d'une autorité étrangère qui exerce des fonctions analogues à

Cette circulaire a été imprimée dans le Sirey, 1836, 11, 34; dans Dalloz, 1839, III, 60; dans le Journal des notaires et des avocats, t. XLIX, p. 46; et dans le Mémorial du notariat et de l'enregistrement, t. X (1835), p. 220.-Elle a été précédée d'une or donnance du roi de Bavière, en date du 1er novembre 1830, rendue dans le même sens. V. ci-après, § 8, vo Bavière rhénane.

celles du maire en France? Dans quelques pays étrangers, cette circulaire a donné lieu à des représailles : l'officier de l'état civil y a exigé du Français qui voulait contracter mariage, un certificat analogue à celui que requiert la circulaire; et comme aucune autorité française ne se croit obligée ni autorisée à délivrer un semblable certificat, le futur époux français ne pouvait qu'avec les plus grands efforts convaincre les autorités étrangères qu'il possédait réellement les qualités et conditions nécessaires pour contracter mariage. Dans cet état de choses, il nous semblerait préférable de laisser tomber en désuétude la circulaire du 4 mars 1831, et d'abandonner, comme dans les autres cas où un Français se propose de contracter avec un étranger, à chacune des parties le soin de s'éclairer sur la capacité de l'autre.

L'étude des législations étrangères, par les jurisconsultes français, sera le meilleur moyen de prévenir les incertitudes et les inconvénients en cette matière; et, si l'officier de l'état civil ne se trouve pas suffisamment éclairé par les explications du futur époux étranger celui-ci devra faire assigner ce fonctionnaire devant le tribunal, qui statuera selon les circonstances de chaque espèce.

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13. Quelques fonctionnaires français ont cru pouvoir écarter les difficultés que l'exécution de la circulaire a fait naître, en donnant à cette instruction ministérielle une interprétation que nous ne saurions approuver. Voici ce que porte une lettre de M. le procureur du roi près le tribunal de la Seine, à un maire du département, en date du 7 juillet 1835 : « S'il y avait impossibilité

1 V. le Journal des notaires et des avocats, t. XLIX, p. 47; le Mémorial du notariat et de l'enregistrement, t. X, p. 222.

» d'obtenir le certificat d'aptitude prescrit par les in»structions, parce que l'autorité du lieu de la naissance » ou du dernier domicile du futur époux en pays étran» ger refuserait de délivrer une attestation de cette na» ture, on pourrait y suppléer par un acte de notoriété » sous la forme indiquée dans l'article 70 du Code civil. » Cet acte devrait être soumis à l'homologation prévue par l'article 72, s'il contenait en même temps l'attesta>>tion de l'impossibilité où la future se trouverait de se » procurer son acte de naissance. »

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Évidemment, c'est appliquer à une question de droit une disposition de loi qui n'a été conçue que pour constater un fait. En effet, la question de la capacité d'un étranger de contracter mariage est une question de droit qui ne saurait se résoudre que par la connaissance des lois du lieu de son domicile. L'acte de notoriété dont parle l'article 70 n'a pour objet que de constater le fait de la naissance du futur époux ; il n'y a donc aucune analogie entre les deux cas. Sans doute il existe un moyen facile de suppléer au certificat d'aptitude prescrit par la circulaire ministérielle du 4 mars 1831; c'est la production des lois du pays étranger ou une attestation de jurisconsultes versés dans la connaissance de ces lois. Mais la nature des choses s'oppose à ce que le certificat d'aptitude soit remplacé par la déclaration de sept individus pris indistinctement dans toutes les classes des citoyens et étrangers à l'étude des lois. C'est cependant par des déclarations de cette dernière catégorie que s'exécute, dans la pratique, la lettre de M. le procureur du roi. Dès lors l'étranger a la facilité de s'affranchir de toutes les prohibitions, de tous les empêchements que la loi de son pays oppose au mariage par lui projeté, pourvu

qu'il trouve en France sept individus qui, dans l'ignorance des lois, ne croient pas mal agir en répétant devant un juge de paix le récit que l'étranger leur a fait de sa position; et c'est là ce qui arrive tous les jours 1. Je me bornerai à citer quelques-unes des espèces dont j'ai eu les pièces entre les mains. Dans un acte de notoriété, reçu le 2 mars 1841 à la justice de paix du 3o arrondissement, sept habitants de Paris, appartenant à la classe des artisans, ont déclaré que Frédéric Bauer, ouvrier tailleur, né à Neuchâtel en Suisse, et Élisabeth-Frédérique Schott, née à Usingen, duché de Nassau, sont dans l'impossibilité de représenter leurs actes de nais. sance, les actes de consentement des père et mère, les actes de décès des aïeuls et aïeules, enfin le certificat d'aptitude exigé par M. le garde des sceaux, « attendu que les autorités locales de leur pays refusent de déli» vrer aux nationaux les actes nécessaires pour contrac» ter mariage en pays étranger, afin d'éviter l'émigra» tion. » Par jugement du 20 mars 1841, le tribunal, 1 chambre, prononçant en chambre de conseil, a homologué ledit acte, pour être exécuté suivant sa forme et teneur, et tenir lieu auxdits Jean-Frédéric Bauer et Élisabeth - Frédérique Schott, d'actes de naissance, d'actes de consentement des père et mère, et de certificat d'aptitude, à l'effet seulement de pouvoir contracter mariage. Déjà, en 1835, Henri Geyer de Schwarzbourg, en Saxe, avait obtenu un jugement dans le même sens : il en existe un autre de 1840, au profit d'un jeune Bavarois, et un autre, de 1841, au profit du

'Il est avéré qu'il s'est établi, à Paris, des entreprises qui procurent aux étrangers voulant contracter mariage, des témoins à l'effet de passer les actes de notoriété dont il s'agit.

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