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que judicieux, M. Mayer, professeur de droit romain à Tubingue'.

En résumé, aucune nation ne possède autant de traités spéciaux sur des matières de droit romain que l'Alle magne.

On peut conclure de ce qui précède, qu'à aucune époque le droit romain n'a été cultivé dans ce pays avec la supériorité que l'on doit reconnaître chez les jurisconsultes allemands du XIXe siècle, dont les principaux titres de gloire appartiennent aux vingt dernières

années.

II. Du droit germanique.

Le droit romain pur n'est pas en usage dans l'Allemagne. Cette législation y existe concurremment avec le droit canon, avec les anciennes lois de l'Empire qui sont restées en vigueur, enfin avec les coutumes provinciales et locales. L'ensemble de ces divers éléments législatifs forme ce que les jurisconsultes appellent le droit commun allemand, ou bien le droit germanique dans le sens étendu du terme. Dans un sens restreint, les mots « droit germanique » désignent cette partie du droit commun qui résulte des anciennes lois de l'Empire et des

coutumes.

Dans une grande partie de l'Allemagne, la législation est identique avec celle qui a existé autrefois dans les provinces belges ou dans les pays de droit coutumier en France. Même en Prusse et en Bavière, où il existe des Codes, on peut distinguer les deux éléments que la codification n'a fait que rapprocher pour les unir. Le pays de Bade, le duché de Berg et la rive gauche du Rhin seuls sont régis par la législation française.

1 Le premier volume en a paru récemment.

L'étude du droit germanique, en Allemagne, n'est entrée dans une voie de prospérité, que bien longtemps après la naissance des Universités. C'est dans les premières années du siècle dernier que ce droit a commencé à être enseigné. Il a été alors considéré comme un accessoire du droit romain, tendant à modifier l'application de ce dernier; aussi ne l'a-t-on guère étudié que dans ses rapports avec le droit romain, ce qui a empêché nos jurisconsultes de pénétrer son esprit.

C'est le professeur Runde, à Gættingue, mort en 1807, qui a écrit le premier manuel de droit germanique; et ce livre a eu huit éditions, la première en 1791, la dernière en 1829. Toutefois l'ardeur avec laquelle on s'occupa du droit romain au commencement de ce siècle, a nui d'abord à l'étude du droit germanique. Si elle brille aujourd'hui d'un vif éclat, elle le doit à l'école historique, qui en 1815 fit un appel au sentiment na-tional. Déjà un des chefs de cette école, M. Eichhorn, avait entrepris (en 1808 et 1812) une histoire du droit germanique (Deutsche Staats-und Rechtsgeschichte ); mais on n'eut pendant longtemps que les deux premiers volumes de cet ouvrage, et lorsque les deux derniers furent publiés (c'est-à-dire en 1819 et 1823), il avait paru trois éditions des deux autres. C'est depuis cette époque qu'un grand nombre de professeurs, surtout parmi les plus jeunes, s'est adonné avec ardeur à l'étude de cette branche du droit. Les sources du droit germanique ont été explorées et publiées; son histoire a été écrite, et des manuels remarquables ont été composés, ainsi que plusieurs traités dont l'Allemagne peut s'enorgueillir.

M. Eichhorn a déjà été désigné comme le chef de la nouvelle école des Germanistes (c'est ainsi qu'on les

nomme). A côté de lui brille M. Mittermaier qui (comme nous l'avons dit il y a neuf ans1) a su donner à cette étude des proportions plus vastes et un intérêt vraiment européen, en interrogeant l'histoire du droit des autres nations chez lesquelles se retrouvent des institutions germaniques. M. Mittermaier n'a pas seulement consulté les législations des peuples du Nord, mais il a jeté une vive lumière sur le droit national de l'Allemagne, en le comparant à l'ancien droit français, belge et anglais. Cette méthode comparative l'a mis à même d'expliquer une foule d'institutions, dont le caractère original s'est effacé en Allemagne, tandis qu'il s'est conservé en d'autres pays.

D'autres jurisconsultes se sont fait un nom dans cette branche de la science du droit. Nous citerons M. Spangenberg, mort à Celle ( en 4831 ); M. Hasse, mort à Bonn la même année (tous les deux avaient aussi acquis de la célébrité comme interprètes du droit romain); M. Weisse, mort à Leipsic. Parmi les vivants, nous distinguerons MM. Falck à Kiel, Gaupp à Breslau, Homeyer à Berlin, Philipps à Munich, Ortloff à Jena, Türk à Rostock, Weiske à Leipsic, Michaélis et Reyscher à Tubingue, Deiters et Maurenbrecher à Bonn, Las peyres, Dick et Wilda à Halle, Feuerbach à Erlangen, Zopfl à Heidelberg, de Low à Zürich, Beseler à Bâle, Albrecht (un des sept professeurs de Goettingue destitués par le roi de Hanovre) et Kraut encore en fonctions à cette université.

L'étude du droit germanique présente de bien plus grandes difficultés à surmonter que celle du droit romain. Il n'a pas l'unité et la précision que nous admirons

1 Dans la Thémis, T. X, p. 394.

dans le droit romain. Ses sources sont disséminées : elles appartiennent à des époques d'une civilisation très-différente et sont parfois presque inintelligibles. Longtemps on a manqué de bonnes éditions de ces sources; c'est une lacune qui commence seulement à se remplir de nos jours.

Ce n'est que par la méthode comparative qu'on parvient à se faire une idée exacte des institutions germaniques. Il faut donc mettre à contribution d'immenses bibliothèques. Il ne suffit pas, en effet, de comparer les coutumes et les législations des diverses provinces : on doit encore étudier leur histoire, et avoir recours à de nombreux documents pratiques. C'est dans cet esprit que l'on étudie aujourd'hui le droit germanique; son étude est donc essentiellement historique et se rattache surtout à l'histoire du moyen âge.

Voici les principaux résultats des efforts réunis des jurisconsultes et historiens allemands de nos jours, qui se sont occupés du droit germanique :

1° On a fait des éditions critiques des sources anciennes de ce droit. Déjà, en 1824, M. Walter, à Bonn, a fait paraître en trois volumes in 8° un Corpus juris germanici antiqui, contenant les lois primitives des nations germaniques connues sous le nom de leges barbarorum, les Capitulaires, toutes les collections de formules, enfin d'autres monuments législatifs du haut moyen âge, dont le plus récent est du dixième siècle.

Dernièrement M. Pertz à Hanovre, rédacteur en chef des Monumenta Germaniæ historica, a publié dans le troisième volume de cette collection (1835) une superbe édition des Capitulaires, qui éclipse même sous un certain rapport celle de Baluze et Chiniac, et dans le quatrième (1837) les actes législatifs de toute espèce

émanés des Empereurs et Rois de la Germanie depuis Henri I jusqu'à Henri VII (mort en 1313) de la maison de Luxembourg. Il prépare maitenant une édition critique des leges barbarorum, pour laquelle tous les manuscrits connus ont été comparés.

Les deux plus célèbres sources générales du droit germanique au XIIIe et au XIV siècle, le miroir de Saxe et le miroir de Souabe, ont été publiées avec grand soin, l'une par M. Homeyer en 1827 pour la première fois, en 1835 pour la deuxième; l'autre par M. de Lassberg (en 1839). Plusieurs autres ouvrages du même genre ont été imprimés par les soins de MM. Ortloff, Gaupp, etc. Un travail fort curieux, savoir, une coutume composée pour la ville et le pays Freysingen en Bavière, en 1328, par un jurisconsulte nommé Ruprecht de Freysingen, vient d'être publié d'une manière supérieure par M. de Maurer, conseiller d'État à Munich, qui a fait partie de la régence du royaume de Grèce pendant la minorité du roi Othon.

de

La loi salique, qui doit surtout intéresser la France, d'où elle tire son origine, a été publiée avec grand soin deux fois, par M. Laspeyres et par M. Feuerbach. On a surtout discuté l'ancienneté de ses deux rédactions différentes.

MM. Gaupp et Türck ont fait de belles recherches sur la plupart des lois barbares, recherches qui ont jeté une vive lumière sur l'origine, le caractère et le contenu de ces législations. Et pour que l'Allemagne ne soit pas privée d'une source étrangère fort importante, M. Kausler, archiviste du royaume à Stuttgard, a entrepris la publication des Assises de Jérusalem, publication qu'il a souvent été question de faire en France. Le premier volume de cet ouvrage, qui ap

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