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geant le gouvernement autrichien (1795-1809); gouvernement provisoire français (novembre 1806-juillet 1807); gouvernement ducal (1807-1813); gouvernement provisoire russe (février 1813-juillet 1815); gouvernement provisoire polonais (juillet-novembre 1815); régime constitutionnel (1819-1830); province de l'empire (1832). Il y a des textes obligatoires en latin, en polonais, en allemand, en français, en russe; il y a des statuts et constitutions de l'ancienne Pologne, des édits prussiens, des patentes autrichiennes, des Codes français, des oukases et manifestes impériaux, des lois, décrets, ordonnances, règlements, arrêtés, instructions et circulaires ministérielles; enfin, cette mosaïque se conserve dans les Volumina legum, Edicten Sammlungen, - Patenten Sammlungen, Bulletin des lois du duché, Bulletin des lois du royaume, -Bulletin départemental, -Bulletin palatinal, - Bulletin goubernial; — dans des imprimés volants arsenal en désordre, riche en armes pour l'attaque, en armes pour la défense, d'où tout pouvait sortir hors la stabilité; tel est le résultat des vicissitudes que ce pays a éprouvées en moins d'un demi-siècle.

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Cela étant, quoi de plus naturel que le cri général après des réformes? Il y a malaise, souffrance: on s'en prend à l'effet sans remonter à la cause. C'est que les peuples savent connaître, mais ils ne savent pas choisir. Ils sentent le mal, mais ils sont impuissants à indiquer le remède. Des réformes! d'accord; mais sur quoi doivent-elles porter? Y aurait-il disette de lois? Nullement. Seraient-elles tellement mauvaises qu'il y a urgence à les abolir en masse? Pas davantage. La véritable cause, la seule cause du malaise est dans l'anarchie législative; elle est dans l'absence, non des lois, mais

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des moyens de les connaître; elle est dans l'obscurité, dans l'incertitude résultant de l'accumulation de tant de matériaux entassés pêle-mêle et subsistant dans leur crudité primitive; elle est dans l'inaccessibilité, la dispersion, parfois l'occultation des actes législatifs, là surtout où ils reposent inédits dans les cartons ministé riels; elle est, en un mot, dans la dictature des bureaux, la plus intolérable des dictatures.

Cambacérès disait que, si l'on pouvait brûler d'un coup tous les exemplaires du Bulletin des lois, on rendrait à la France un éminent service. Ce serait là un remède héroïque, qui substituerait un mal à un autre, l'inanition à la pléthore. Mieux avisé, Cambacérès provoqua une mesure plus salutaire; il ne voulut plus la destruction du Bulletin, mais sa réduction. Un décret impérial, du 7 janvier 1813, prescrivit, comme on sait, la formation d'un abrégé renfermant, par ordre des matières et dans leur correspondance avec les différentes branches des administrations, les dispositions réputées encore en vigueur et d'une application usuelle. L'idée est un peu vague, les contours incertains; mais au fond c'est un Svod. Un Svod, voilà le remède unique, infaillible à tous les maux qu'on vient de signaler. Et il ne s'agit plus d'une hypothèse controversable: la réalité, une imposante réalité est là pour donner à nos paroles l'éclat de l'évidence. Les mêmes bienfaits que le Svod a répandus sur la Russie, il les répandra partout. Partout il fera succéder la lumière aux ténèbres; cette législation occulte, inconnue, inabordable, sera mise à la portée de tout le monde; les incohérences, les contradictions, les superfétations disparaîtront comme par enchantement; administré, administrateur, cesseront, celui-là, de se fourvoyer, soit en fatiguant l'autorité de réclama

tions stériles, soit en laissant périmer ses droits faute de les faire valoir à propos; celui-ci, de faire tous les jours, sans le vouloir, sans le savoir, de l'arbitraire. Partout enfin, le Svod, pour nous servir de l'expression de Justinien, convertira l'abondance indigente en opulente exiguïté1.

Mais, objectera-t-on, il est possible de coordonner une législation dont les éléments existent, dont les sources sont connues, encore qu'elles soient disséminées dans plusieurs dizaines de milliers d'actes et de documents; quelque immense, quelque effrayante que soit cette tâche, on peut réussir, la législation est écrite. Mais, comment fixer, comment constituer une législation traditionnelle, coutumière, donner un corps à un être de raison, matérialiser ce qui est impalpable, insaisissable, la loi non écrite ?

Nous l'avons dit, c'est une antiphrase; la loi non

1 Si nous affirmions que les 76,000 actes législatifs enregistrés au Bulletin des lois de France, et que M. Isambert promet de porter au double, pour peu qu'on le laisse dépouiller les archives de la secrétairerie d'état et celles du conseil d'état, seraient réduits à moitié d'autant d'articles, on nous taxerait de témérité ;-et pourtant cette assertion n'est nullement hasardée. D'abord, les 36,000 oukases russes ont été resserrés en presque autant d'articles, bien que, sur le nombre, beaucoup en comptassent par plusieurs centaines. Pour parler plus matériellement, les 56 in-4o de la collection, se sont fondus en 15 in-8°, dont quelques-uns fort minces. D'ailleurs, la législation réglementaire française ne nous est pas à tel point étrangère, pour ignorer quelles brusques rénovations elle a subies et combien de milliers de prescriptions sont tombées par suite de leur nature transitoire. Pouvait-il en être autrement d'une législation saturée de principes politiques, émanation de ce foyer dévorant dans lequel tout, hommes et choses, se renouvellent avec une si effrayante vitesse ?

IV. 2 SERIE.

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écrite est écrite : elle l'est si bien qu'en Angleterre il fallait, du temps de Fortescue et de Blackstone, vingt ans pour étudier les dépôts qui la recèlent, et qu'aujourd'hui toute une vie d'homme n'y suffit plus, au point que les plus habiles se bornent à une seule spécialité. Elle l'est si bien qu'en Allemagne, il existe 128 collections' de sentences judiciaires et avis des facultés juridiques, monuments du droit non écrit, tellement volumineux qu'en Allemagne, dans cette Allemagne qui s'enorgueillit à juste titre de tant de jurisconsultes éminents, un praticien, dans le sens français du mot, est chose presque impossible.

En principe donc, la coordination du droit consuétudinaire est possible; en pratique, elle est faite. Icì, encore, la Russie a primé toutes les nations. Si le lecteur veut se référer à un de nos précédents articles, il y verra que, sous le rapport législatif, la Russie est divisée en cinq grandes circonscriptions territoriales. De ce nombre sont les provinces baltiques. Le problème, en tant qu'il s'agissait de coordonner la législation de cette grande fraction de l'empire, se présentait hérissé de plus d'une difficulté. Il y avait triple complication: diversité dans la nature des lois (loi écrite, loi non-écrite); morcellement dans la sphère de leur action (Esthonie; Réval; Livonie nobiliaire, Livonie municipale; Courlande nobiliaire, Courlande municipale; île d'OEsel); enfin, conflit entre la loi provinciale, maintenue lors de l'incorporation, et la loi commune de l'empire. L'opiniâtre persévérance de la chancellerie législative triompha de ces obstacles, et prouva au monde que le coordonnement de la législation non écrite n'est pas une entreprise chi

1 Maurenbrecher, 1, 14-20.

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mérique. Nous disons non écrite; car, sur les 14,000 articles dont se compose le Svod baltique, trois, quatre mille au plus dérivent de la loi statutaire.

L'expérience est faite, le chemin est frayé. La communauté d'origine et la similitude de position semblent, avant tout, convier l'Allemagne à y entrer d'un pas résolu. Là est le port; là est le salut. Il n'est pas dans la lutte entre Thibaut et Savigny, ouverte en 1814, pendante depuis un quart de siècle, et dont rien ne fait préjuger le dénoûment. Quel qu'il soit, il sera funeste; car c'est la lutte entre les deux principes. Les deux écoles sont aux prises; l'une ne veut rien faire, l'autre veut faire trop. L'Allemagne s'agite, se consume dans des efforts stériles, oublieuse que le dixième de talent, d'énergie qu'elle y déploie, suffirait pour sortir du chaos.

Voilà pourquoi nous avons dit : les coordinations sont toujours salutaires; voici pourquoi nous n'admettons pas de contingence, une seule exceptée, et nous la signalerons bientôt, qui ne trouvât une solution parfaite et définitive dans le système des coordina

tions.

Passons maintenant au second membre de la formule : voyons les antithèses. Les codifications, avons-nous dit, sont toujours conjecturales, rarement opportunes, parfois funestes.

Toujours conjecturales. C'est qu'en effet, elles portent en soi quelque chose de chanceux, d'aléatoire. Sur quoi l'école benthamiste, et c'est elle seulement que nous avons en vne, prétend-elle fonder ses créations? Sur les préceptes éternels, immuables de la raison. Au premier abord, quoi de plus vrai que cette énonciation ? quoi de plus solide que cette base? quel beau texte à

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