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Ce système a été cependant ardemment combattu par plusieurs orateurs. M. Garcia de la Vega voulait tripler le chiffre de la compétence au lieu de le doubler. Il combattait le projet de la commission comme irrationnel; il donnait la préférence au projet primitif, parce qu'il était plus conforme à l'esprit de nos lois et de la loi de 1790. Le projet primitif, disait-il, s'harmonise avec l'article 17 du Code de procédure civile, qui statue que les jugements des juges de paix, jusqu'à concurrence de 300 fr., sont exécutoires par provision et sans caution. En donnant aux juges de paix le droit de prononcer en dernier ressort, jusqu'à 150 fr., on évite les frais, en établissant cette compétence jusqu'au point où la preuve testimoniale est admise, sans commencement de preuve par écrit, c'est-à-dire qu'on harmonise l'article 1r avec l'article 1341 du Code civil.

Le système de M. Garcia de la Vega a été combattu par le ministre de la justice, qui, tout en convenant que l'harmonie dans les lois présente des avantages, disait que le but d'une loi de compétence étant une bonne et prompte justice, il importe de ne pas trop augmenter la compétence des juges de paix et surtout de ne pas dénaturer l'institution, en ôtant à ces magistrats leur caractère de conciliateurs. M. le ministre de l'intérieur, qui a été rapporteur, ajoutait que la loi française du 25 mai 1838 a consacré le principe en question, sur l'avis unanime de la cour de cassation de France.

N'oublions pas d'ajouter que M. de Garcia a fait déterminer législativement que les actions mobilières, jusqu'à la concurrence de la somme désignée, lors même qu'elles ne seraient pas personnelles, seront de la compétence du juge de paix. Le texte primitif portait: mobilières et personnelles. La nouvelle rédaction, adop

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tée aussi pour les tribunaux de première instance, porte: mobilières ou personnelles. C'est ainsi qu'a été atteint le but principal de la loi.

Quant aux dispositions dont l'expérience a établi la nécessité pour empêcher qu'on n'élude les dispositions relatives à la compétence, il suffit de lire la loi, et surtout les articles 8, 9 § dernier, 10, 15, 16. 17, 18, 22, pour en prendre connaissance. Un mot cependant sur l'article 15 qui consacre un principe nouveau, mais applicable seulement aux objets mobiliers. «Si la valeur de l'objet mobilier est indéterminée, » le demandeur devra la déterminer par ses conclusions, » à peine de voir rayer la cause du rôle et d'être con» damné aux dépens. » (Art. 15.) On dirait qu'il y avait là un principe exorbitant, puisqu'il dépendrait du demandeur de déterminer la compétence. Le principe est nouveau, a dit M. le ministre de l'intérieur; mais la commission l'a jugé d'une utilité incontestable, précisément en ce qu'il dépendra du demandeur de soustraire le procès au double degré de juridiction. En effet, si la demande est trop peu élevée, le défendeur doit être fort aise d'éviter un procès en donnant moins que l'objet ne vaut réellement; si au contraire elle est exagérée, nous rentrons dans la loi de 1790. M. Raikem disait : Il s'agit d'une innovation, il est bon de la restreindre au cas où elle peut être utile. C'est bien pour les actions mobilières, parce que le défendeur peut se libérer en payant le montant de l'évaluation; aussi ce principe a-t-il été restreint aux objets mobiliers.

Nous ne finirons pas sans faire remarquer deux points de droit importants, consacrés d'abord par la jurisprudence et qui ont pris positivement place dans les articles 7 et 9 de la loi, malgré l'opposition de ceux qui

prétendaient qu'il fallait se borner à changer le chiffre de la compétence, et non pas réviser sur d'autres points la législation des justices de paix. Cette nouvelle innovation est utile et ne change en rien le caractère primitif de la loi du 25 mars 1841.

Un représentant a proposé un amendement tendant à fixer dans la loi même deux principes consacrés par la jurisprudence. Le premier est relatif à l'appel des actions possessoires, et le second à l'action en réintėgrande.

On était en désaccord sur l'article 10, tit. 3, de la loi du 24 août 1790. Des arrêts et des auteurs, entre autres Henrion de Pansey, avaient établi qu'il n'y avait pas lieu à appel d'une action possessoire, quand le demandeur réclamait, à titre de dommages-intérêts, une somme inférieure à 50 fr. En Belgique, la cour de Bruxelles avait jugé le contraire, le 2 février 1829, suivant en cela la doctrine de Merlin, Rép., t. 7, et l'autorité de la cour de cassation de France qui, après avoir varié sur cette question, a, par un arrêt rendu le 25 mai 1822, sections réunies, et sur les conclusions de M. Mourre, procureur général, décidé que « la compétence n'est pas déterminée par la fixation des dommages-intérêts résultant du trouble, mais par la va» leur de l'objet de l'action; » les arrêts n'étant pas réglementaires, il importait de faire passer cette décision dans notre législation '.

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V. sur les variations de la cour de cassation de France : arrêts du 24 messidor an XI; 20 thermidor; 23 fructidor an XII; 20 ventose an XIII; 25 août 1806; 28 octobre 1813; 6 octobre 1807; 3 avril, 13 novembre 1811; 1er juillet 1812; 24 mai 1813; 16 juin 18:8; et enfin l'arrêt du 25 mai 1822.-Voyez, sur la doctrine, Henrion, Favard de Langlade, Merlin, Carré, Bioche et Goujet.

Le second point de l'amendement adopté est relatif à l'action en réintégrande. Le code de procédure ne ren ferme aucune disposition spécialement relative à cette action; l'ordonnance de 1667 en a une qui est formelle, et l'article 2060 no 2 du Code civil reconnaît nominativement l'existence de cette action. Voilà tout pour les textes. Toullier, tom. 11, n° 123 et suivants, soutient que celui qui n'a ni possession annale, ni possession animo domini, ne peut exercer l'action en réintégrande. Bien que la jurisprudence fût précise, il était important de proclamer, dans un texte positif, le principe spoliatus ante omnia restituendus, et de décider, comme la jurisprudence, comme la loi du 25 mai 1838, que l'action en réintégrande doit être fondée sur des faits commis dans l'année, mais cependant sans exiger la possession annale1. Ainsi maintenant plus de doutes relativement à ces deux points 2.

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1 V. cour de cassation du 28 décembre 1826; 11 juin 1828, etc.; voyez Henrion de Pansey, Compétence des juges de paix; Merlin, Rép. vo réintégrande; Berriat, Pr. civ.; et Garnier, Act. possessoire.

2 Suivant l'auteur de l'article, il n'est plus douteux en France, depuis la loi du 25 mai 1838, ni en Belgique, depuis celle du 25 mars 1841, que la maxime spoliatus ante omnia restituendus est érigée en règle législative; c'est-à-dire que la réintégrande peut être exercée par le possesseur expulsé, bien que sa possession ne fût point annale (Comp. C. de pr., art. 23). Cette assertion est inexacte, au moins en partie; car la loi française de 1838 ne distingue en aucune façon à cet égard entre la réintégrande et les autres actions possessoires (V. art. 6 de la loi). Aussi la question est-elle encore indécise en France, non-seulement en doctrine, mais encore en jurisprudence, malgré l'autorité de la cour de cassation. Bien des personnes ne croient pas encore à la puissance législative attribuée au brocard spoliatus, etc. ; et, à vrai dire, il n'est pas facile de concevoir un trouble quelconque apporté à la possession, sans qu'il y ait

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L'étude de la législation française a suggéré à M. Metz l'idée d'ajouter à l'article 7 une disposition de la loi du 25 mai 1838, qui place dans la compétence des justices de paix, les actions relatives à l'élagage des arbres et » haies, et au curage des fossés ou canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines, lorsque les droits de propriété ou de servitude ne sont » pas contestés. » Cet amendement, fondé sur l'importance que présente l'entretien des cours d'eau, de manière à fournir la quantité d'eau nécessaire, fondé aussi sur le besoin d'obtenir, en cas de trouble, une justice expéditive, a été adopté malgré l'opposition de M. le ministre de la justice.

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Nous négligeons à dessein quelques dispositions de détail qui n'ont qu'un intérêt purement pratique. Quelque opinion qu'on ait du mérite et de la valeur de la nouvelle loi, on doit reconnaître que la discussion a été lumineuse, savante, utile. Les études juridiques sont profondes en Belgique ; la plupart des hommes qui sont maintenant aux affaires, sont les disciples de quelques savants professeurs allemands qui, sous le régime hollandais, donnèrent une si vive impulsion à l'étude du droit philosophique, historique et positif. Tout cela doit nous faire espérer, dans un avenir prochain, une révision profonde, radicale de notre législation civile et

en même temps une spoliation au moins partielle exercée contre le possesseur.-Quant à la loi belge de 1841 (V. art. 9), elle ne dit sur ce point rien de plus que la loi française dont elle est, en cette partie, la fidèle reproduction. L'innovation législative dont il s'agit résulte-t-elle suffisamment de la discussion de la loi dans les chambres belges? c'est ce que nous ne saurions décider, n'ayant point cette discussion sous les yeux. (Note des rédacteurs de la Revue.)

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