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du chiffre des accusés, par l'inégalité des catégories auxquelles ils appartiennent. Celle des enfants de 12 ans et au-dessous étant de beaucoup supérieure en nombre à celle des individus ágés de plus de 60 ans, l'on comprend très-bien que ceux-ci aient pu, avec un degré de perversité beaucoup plus grand, ne pas fournir un plus grand nombre d'accusés que n'en ont donné les premiers.

En ce qui concerne le sexe, il faut tenir compte des différences que mettent, entre les hommes et les femmes, la constitution physique, l'éducation, les habitudes, etc., etc.

Sur chaque point, en un mot, le statisticien doit faire une étude scrupuleuse de tous les éléments qui ont pu, directement ou indirectement, influer sur les quantités qu'il veut combiner.

Là se termineront nos observations sur l'administration de la justice criminelle de l'Angleterre. Toutefois, nous ne pouvons nous empêcher d'ajouter un mot au sujet de quelques lacunes qui déparent l'excellent travail de l'administration anglaise. On doit regretter de ne trouver, dans ce compte rendu, aucuns renseignements sur l'état civil, la profession, l'origine urbaine ou rurale des accusés, sur les récidives, les motifs apparents des crimes, le nombre d'accusés que comprend chaque accusation, etc. 1. Sur tout cela, nos comptes rendus annuels de l'administration de la justice crimi

1 Nous ne parlons pas des suicides, bien qu'ils soient compris dans les comptes rendus français. Ce n'est qu'indirectement que ces faits rentrent dans l'objet de la statistique criminelle, et ils peuvent très-convenablement trouver leur place dans des recueils d'un tutre genre.

nelle en France, présentent des tableaux précieux et par l'intérêt scientifique des documents qu'ils renferment, et par la haute portée pratique des déductions que d'habiles publicistes en ont tirées. Pourquoi nos voisins négligeraient-ils des points aussi importants; et pourquoi, depuis son premier compte rendu développé, celui de 1834, l'Angleterre ne donne-t-elle, chaque année, qu'un travail exactement calqué sur ce premier modèle?

Tous les ans, en effet, nous retrouvons, dans ce compte, les mêmes tableaux et les mêmes colonnes, en même nombre et distribués de la même manière, et pas un document de plus en 1839 qu'en 1834. Nous comprendrions cette immobilité, si l'on pouvait dire que du premier coup, l'on a trouvé le cadre le mieux ordonné et le plus complet à la fois; mais, sous ces deux rapports, il reste encore à faire. La comparaison du compte anglais avec le nôtre en fournit le preuve, en même temps qu'elle met sur la voie des modifications et des additions que ce compte réclame; car, on peut le dire sans se montrer partial, c'est le témoignage que les étrangers eux-mêmes en ont rendu, le travail de l'administration française sur la statistique criminelle est un monument de vastes recherches et d'intelligente exécution, qui peut être proposé pour modèle aux autres gouvernements, et auquel déjà la plupart des états nos voisins ont fait de nombreux emprunts.

Le compte rendu anglais ne tardera sans doute pas à s'enrichir des développements qui doivent le rendre plus complet et plus utile. Trop d'intelligence et de soins ont précédé jusqu'à présent à la confection de ce travail pour que nous ne soyons pas en droit d'espérer pour u avenir prochain cette importante amélioration.

A. SALAMAN.

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Par un Jurisconsulte russe (Suite. V. plus haut, p. 499).

APHORISME 3. Les codifications ne sont justifiables que comme œuvres de haute politique.

Commentaire. Comme œuvre de science législative, une codification est malaisée à justifier; mais elle se justifie d'elle-même alors qu'elle arrive comme complément d'une crise sociale, comme consolidation d'un nouvel ordre de choses, comme dernier mot d'une révolution qui finit. On ne fait pas les codes de propos délibéré, à loisir, comme on fait un livre ou un poëme : on est forcé de les faire. Lorsque des vicissitudes de toute nature ont éprouvé les peuples et ébranlé les convictions, lorsque le sol est profondément remué, lorsqu'un grand événement politique a modifié jusqu'aux conditions d'existence d'un peuple et fait passer la société d'une forme ancienne à une forme nouvelle, le code est fait il ne lui manque que la sanction. C'est donc à tort qu'on prétendrait nier toute codification, qu'on prétendrait la qualifier d'entreprise téméraire, propre seulement à jeter une grave perturbation dans le développement naturel du droit national. Du point de vue politique la question change d'aspect. Il ne s'agit plus de demander si un code peut être un livre bien fait, mais s'il n'est pas une œuvre nécessaire, une conséquence inévitable d'une grande crise nationale.

Quand les éléments constitutifs de la société sont profondément altérés, le droit, expression de l'état social, réclame une réforme analogue, prompte, générale. Un fait qui éclate avec tant de violence est un

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fait qui domine. Il dispose de nous malgré nous l'homme d'état ne le nie pas, il le règle. Codifier alors c'est résumer la situation du pays : c'est prêter une force nouvelle à la portion des lois anciennes, restée intacte et debout comme l'ancre de la société ; c'est faire passer dans les lois ce que les doctrines régnantes ont introduit dans les mœurs et transformé en actes; c'est sanctionner par le droit les faits accomplis, c'est lier par une transition sans secousse le présent au passé; c'est opérer une grande, une solennelle transaction entre des intérêts opposés; c'est, en un mot, orienter la société en déterminant le point où elle est arrivée et la direction qu'elle est désormais appelée à suivre.

APHORISME 4. Les codifications réforment; les coordinations réforment et perfectionnent.

Commentaire. Le principal reproche que les aprioristes adressent aux coordonnateurs, c'est d'être infatués du statu quo, de proscrire tout progrès, de vouloir stéréotyper, immobiliser la société.

Telle n'est pas, sainement comprise, la mission de l'école pragmatique. Jamais elle n'a prétendu se condamner à l'immobilité. Émanation de l'école historique, tout en s'éclairant du flambeau de la philosophie, elle respecte trop la puissance de ce rénovateur inexorable, sans trêve ni relâche, le temps, pour tenter de lui opposer d'infranchissables barrières. Que le codificateur, interprète des principes éternels et immuables de la raison, de la justice, de la vérité, nourrisse des illusions de ce genre, croie à la pérennité de son œuvre d'accord. Mais le pragmatiste remaniant des matériaux que le temps a accumulés, opérant sur des éléments nés du travail séculaire de la vie nationale, le pragmatiste

ne connaît pas d'illusion; son œuvre, et il le sait, est une œuvre transitoire, éphémère, destinée à périr.

Alors que. tout marche, la législation ne peut rester stationnaire. Expression de l'état social, révélation de ses besoins, reflet de la vie nationale, elle doit suivre. le mouvement, les altérations de ces divers éléments; elle doit se modifier avec eux. Mais comment? du hasard, ou avec pleine connaissance de cause, par voie de codes divinatoires ou au moyen de réformes successives, graduelles, de lois détachées et spéciales: telle est la question. Nous l'avouons avec sincérité : Si nous connaissions une raison, une seule, plausible du moins, à l'appui du premier système, nous aurions hâte de la proclamer. Mais plus nous avancions dans cette étude, plus nous approfondissions le sujet, plus vive, plus énergique surgissait la conviction opposée. Bornonsnous à indiquer les raisons les plus saillantes.

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Et d'abord constatons l'absolue nécessité d'un Svod, préliminaire indispensable de toute tentative de réforme quelque peu réfléchie. Pour savoir où on va, encore faut-il savoir d'où on vient et où on est. Procéder autrement, c'est procéder en aveugle or, et ceci est évident pour quiconque a mis la main aux affaires du pays, partout où les lois sont disséminées, incohérentes et contradictoires, l'action du législateur, provoquée par une de ces lois fragmentaires, est nécessairement incomplète et perturbatrice. Hors d'état de préciser nettement, catégoriquement, les lois et dispositions qu'il rapporte ou abroge, il cherche son salut dans cette clause finale qui maintient ce qui n'est pas contraire, banalité sacramentelle qui laisse tout en souffrance, remet tout en question et engendre une confusion toujours croissante.

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