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ture des droits qui naissent de ce contrat. Il porte que le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose. C'est l'art. 1719 dont l'objet est d'énumérer les obligations du bailleur et qui porte que le bailleur est obligé de faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.

Le preneur est donc bien certainement créancier de l'obligation imposée au bailleur de le faire jouir.

Si son droit consiste dans la jouissance, si l'obligation du bailleur est de le faire jouir, l'obligation est nécessairement corrélative au droit ; le droit est donc personnel.

Puisque ces articles imposent au bailleur l'obligation de faire jouir le preneur, c'est qu'il n'a pas par luimême le droit de jouir; autrement on ne permettrait pas à celui qui aurait reçu, de réclamer de celui qui aurait transmis. Comment d'ailleurs celui qui aurait cédé son droit, qui en serait dépouillé, pourrait-il encore en faire jouir le cessionnaire?

Enfin, une obligation corrélative se révèle dans une foule d'autres dispositions qui énumèrent les différentes conséquences de l'obligation de faire jouir; tels sont les art. 1720, 1724, 1726, 1769 et 1773.

Ce droit personnel, si expressément maintenu, serat-il donc anéanti par l'art. 1743 seul? Dans notre opinion, cet article, loin de détruire la personnalité, est un auxiliaire des dispositions qui la consacrent, en faisant passer, par la subrogation, les obligations du bailleur à son acquéreur. Au mérite de tout concilier, cette interprétation joint celui de n'imposer à cet article ni extension ni limitation la subrogation lui donne tout l'effet que comporte sa rédaction, et elle atteint le but en vue duquel il a été fait.

:

Ces avantages disparaissent dans l'autre système : le droit réel produit la confusion. Deux principes contradictoires se trouvent en présence; et, quelque parti qu'on prenne, il y a désordre, soit qu'on les maintienne l'un et l'autre, soit qu'on enseigne avec M. Troplong (no 12) que « les mots faire jouir de l'art. 1709 ont au»jourd'hui une signification beaucoup plus large, » et qu'on parvienne ainsi à modifier les dispositions qui proclament l'existence du droit personnel, à les assouplir assez pour qu'elles s'interprètent en faveur du droit réel. En outre, le système du droit réel fait donner à l'article 1743 un sens plus étendu que ne le comporte sa rédaction; il ne s'occupe que des acquéreurs, et cependant l'on voudrait qu'il accordât au preneur la revendication, même contre les tiers détenteurs qui ne seraient pas quéreurs.

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Sous tous les rapports, on aperçoit donc la nécessité morale du droit personnel, l'impossibilité du droit réel ; il est moralement impossible qu'ayant le choix entre deux systèmes, le législateur ait repoussé le plus simple, le plus naturel, celui qui concilie tout, pour donner la préférence à celui qui le met en contradiction avec lui-même.

Aussi le droit réel était si loin de sa pensée, que la trace ne s'en montre nulle part; et, à l'exception de l'article 1743, ses partisans ne peuvent citer aucun texte dont il ait inspiré la rédaction. Aucun de ses effets n'est

consacré.

Ainsi, 1o le preneur ne peut délaisser; M. Troplong le reconnaît;

2o Il ne supporte pas la diminution de jouissance résultant des détériorations; l'art. 1722 en rend le bailleur responsable;

3o Il ne supporte pas la perte des fruits, arrivée par cas fortuit (art. 1769 et suivants);

4o Il n'est pas tenu des dépenses d'entretien. L'article 1719, no 3, les met à la charge du bailleur ;

5o Enfin, l'art. 1743 lui-même ne lui donne pas le droit de suite contre les tiers.

Et ce serait ce droit dont l'existence est insaisissable, que le législateur aurait voulu mettre à la place du droit personnel dont la présence se fait sentir partout!

En effet, la personnalité expressément consacrée, comme nous l'avons vu par les art. 1709 et 1719 no 3, se montre partout dans ses conséquences; notamment elle oblige le bailleur:

1o A entretenir la chose louée (art. 1719, no 2);

2o A garantir les cas fortuits qui détruisent les fruits (art. 1769 et suivants);

3o A souffrir une diminution de prix pour défaut de jouissance partielle, occasionnée par des détériorations. Ce sont encore des effets de la personnalité :

1° Que le preneur ne puisse délaisser ;

2o Qu'il ait action seulement contre les acquéreurs, aux termes de l'art. 1743, et non contre les tiers détenteurs qui ne sont pas acquéreurs.

(La suite à un prochain numéro.)

FERRY.

XLIX. Des mariages contractés en pays étranger.
Législation comparée.

Par M. FŒLIX (Suite. V. plus haut, p. 433.)

LÉGISLATIONS ÉTRANGÈRES.

17. Les législations étrangères, en matière de mariage, se divisent en deux classes: celles qui ont adopté le Code civil français, soit comme texte, soit comme mo

dèle, et celles qui ont une source entièrement différente. Dans la première classe se trouvent la Belgique, la rive gauche du Rhin, le duché de Berg, le royaume des Pays-Bas, le grand-duché de Bade, le royaume des Deux-Siciles et l'île de Haïti; la seconde classe se compose des autres pays de l'Europe.

Avant d'arriver au tableau comparatif de ces diverses législations, nous ferons plusieurs observations sur quelques-unes d'entre elles.

18. La Belgique et la rive gauche du Rhin faisaient partie intégrante de la France au moment de la promulgation du Code civil. Plus tard, en 1810, ce Code obtint force de loi dans les pays composant aujourd'hui le royaume des Pays-Bas : ce même Code fut promulgué dans le duché de Berg. Ces divers pays conservent, jusqu'à ce jour, cette même loi, à l'exception du royaume des Pays-Bas, qui a obtenu un nouveau Code civil, exécutoire à partir du 1o octobre 1838. En ce qui concerne le mariage, ce Code diffère peu de celui de la France'.

19. Le Code civil de la république d'Haïti est calqué sur celui de la France: il a été promulgué le 27 mars

1825.

20. Le Code civil français a été adopté comme loi dans le grand-duché de Bade, en 1809. Cependant le titre du mariage a subi plusieurs modifications, partie au moment de la promulgation du Code, partie dans les années postérieures. Un décret grand-ducal, en date du 15 juillet 1807, composé de 72 articles ou paragraphes, avait réglé d'une manière uniforme tout ce qui concerne le mariage et le divorce. Parmi les additions faites au Code lors de sa promulgation dans le grand

1. la Revue étrangère et française, t. V, p. 639 et go5.

duché, on trouve la disposition suivante placée à la suite de l'art. 311: « Le règlement matrimonial de 1807 » est maintenu dans toutes ses dispositions qui peuvent » se concilier avec celles du présent Code. Il conservera » d'ailleurs sa force légale en tout ce qui concerne la » police administrative. » Une ordonnance interprétative, en date du 29 octobre 1810, a déclaré que la police administrative embrasse tout ce qui regarde « la >> conclusion du mariage, et, par suite, les prohibitions » du mariage. » De là résulte que le règlement de 1807 fait encore la loi de la matière en ce qui concerne les prohibitions du mariage et les formalités relatives à sa célébration : pour tout le reste, les dispositions du Code civil sont applicables. La différence la plus importanle entre le réglement de 1807 et la législation française, c'est qu'en Bade le ministre du culte est en même temps officier de l'état civil, et qu'il unit les époux à la fois au nom de la loi civile et par la bénédiction sacramentale.

21. Le Code des Deux-Siciles de 1819 est calqué sur le Code français; mais il en diffère, sous plusieurs rapports, dans la matière du mariage. Il fait marcher de front les lois civiles et les lois ecclésiastiques. D'une part (art. 67), le mariage ne peut être célébré légalement qu'en face de l'église, suivant les formes prescrites par le concile de Trente. D'autre part, le mariage doit, outre les publications faites à l'église, être précédé d'une publication affichée à la maison commune du lieu du domicile de chacun des futurs époux ( art 68); les parties présenteront au maire de la commune du domicile de la future épouse leurs actes de naissance ou les actes de notoriété dûment homologués qui les remplacent, ainsi que l'acte du consentement des ascendants ou du conseil de

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