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on les accepte avec respect et soumission. La chose jugée y est réellement une chose sacrée. C'est cette foi dans nos institutions toutes nationales, ce grand respect pour le pouvoir judiciaire, qui contrôle en beaucoup de points le pouvoir exécutif ou administratif, qui contribuent à expliquer la marche facile et régulière des rouages judiciaires et administratifs. Les applications qui en ont été faites jusqu'ici en prouvent, du reste, la bonté. En effet, depuis 1831, quatre conflits ont été élevés; un seul sérieux et véritable a été porté à la cour de cassation, qui n'a pas eu à le juger, le gouvernement ayant dans l'intervalle annulé l'ordonnance de la députation permanente du conseil provincial qui l'avait fait naître. Si donc en dix ans de temps si peu de conflits ont été soulevés, la jurisprudence de nos cours de justice, qui commence à se fixer, et la simplification et l'amélioration toujours croissante de nos lois, ne peuvent que les rendre plus rares encore pour l'a

venir 1.

Sous ce rapport, des questions épineuses peuvent encore s'élever aujourd'hui. En l'absence de la loi promise par la constitution et par M. le ministre de la justice, afin de régler le mode de juger les conflits, on se demandera par qui, quand, (devant quelle juridiction, à quel degré d'instance), et comment les conflits seront-ils élevés et portés devant la cour de cassation? Dans quel délai et d'après quelles formes la cour suprême prononcera-t-elle, et quelles sont les conséquences de son arrêt? Dans sa circulaire du 8 octobre 1838, no 363, M. le ministre de la justice répond vaguement à la plupart de ces questions de la manière suivante :

Pasinomie de 1839, p. 497

1

1° L'article 106 de la constitution, qui défère à la cour de cassation le jugement des conflits d'attributions n'a fait qu'abroger la disposition des lois antérieures, en vertu de laquelle le pouvoir exécutif était constitué juge de la compétence, en cas de conflit entre les juridictions administratives;

2o Le principe constitutionnel est organisé par l'article 20 de la loi du 4 août 1832, qui dispose que les conflits seront jugés par les chambres réunies;

3o Le jugement des conflits étant un véritable règlement de juges, on doit suivre pour le premier la même procédure que celle qui est établie pour le second, c'està-dire observer les dispositions du titre II, 1" partie, de l'ordonnance du mois d'août 1737, maintenue en vigueur par les art. 60 de l'arrêté-loi du 15 mars 1815 et 58 de la loi du 4 août 1832;

4° La cour de cassation étant appelée à déterminer la juridiction compétente, la signification du conflit doit avoir pour effet immédiat de suspendre l'exécution des décisions rendues par l'autorité dont la compétence est mise en question;

50 L'arrêté du 5 octobre 1822 étant illégal et inconstitutionnel, il faut, quant à la forme, observer les lois antérieures à cet arrêté.

La cour de cassation, par sa jurisprudence et sa manière de procéder, a approuvé ce système; nous nous bornons à reproduire quelques-uns des arguments par lesquels M. Tielemans le combat avec avantage. Suivant nous, le conflit d'attributions n'est pas un règlement

1M. le ministre de la justice a décidé ce dernier point dans deux occasions différentes. V. ci-dessus, l'arrêté de 1822.

? Dans le Répertoire administratif.

de juges; il existe entre eux cette différence radicale que l'un est d'intérêt public, et l'autre d'intérêt privé. Le gouvernement ne pourrait donc plus élever de con

flit que dans les causes où il sera lui-même partie? Mais ne résulte-t-il pas les plus graves inconvénients du droit, essentiellement d'ordre public, qu'on veut réserver à tout le monde, non-seulement d'évoquer des conflits pour des affaires pendantes devant les tribunaux, mais encore pour celles dont l'administration est seule saisie, et ainsi entraver la marche de tous les pou

voirs ?

Il est au moins douteux que cet arrêté de 1822 soit abrogé dans la disposition qui permet aux gouverneurs d'élever des conflits. Si ce droit est inhérent au pouvoir exécutif, s'il lui a toujours été attribué, il doit aussi pouvoir désigner les agents chargés de les élever en son nom. Aussi le conflit ne peut être sujet de leur part à aucune déchéance, opposition ou fin de non recevoir, hors celle de la chose jugée au fond.

Il y a de grandes différences entre l'exception d'incompétence et le conflit; la principale consiste en ce que les parties en cause doivent élever l'exception d'incompétence devant le tribunal même qui est saisi du fond, et ce tribunal seul a le droit de le juger.

Nous avons dû ouvrir ce long exposé par quelques idées générales sur le principe de la division des pouvoirs. Passant de l'idée au fait, nous avons indiqué rapidement la législation française en vigueur en Belgique, de 1795 à 1815, successivement modifiée dans le sens des révolutions subies par la grande nation, et se résumant, en dernier lieu, dans une gigantesque centralisation.

Nous avons signalé ensuite l'ère de redressement et de simplification qui a semblé s'ouvrir, dans les Pays-Bas, après les événements de 1815, mais qui a encore tourné à la centralisation et à l'arbitraire royal, sous l'empire des idées gouvernementales toutes prussiennes de Guillaume d'Orange-Nassau.

Les errements historiques tracés, nous avons abordé le système de la constitution belge, née de la révolution des quatre journées, et nous l'avons exposé, nous l'espérons, avec quelque clarté. Nous avons voulu nettement séparer, par des principes et par des exemples, les attributions de la justice des attributions de l'administration; nous avons distingué ensuite les diverses juridictions spéciales établies par la législation belge des pouvoirs judiciaire et administratif proprement dits, et nous avons terminé notre exposé par les dispositions légales sur les conflits qui peuvent encore surgir entre ces différents pouvoirs ou autorités.

BRITZ.

LI. Code. Svod.

Par un jurisconsulte russe (Suite et fin. V. plus haut, p. 499 et 583).

Cela étant, qu'est-ce qu un Code à priori? Une production d'esprit, une composition scientifique, en un mot, un livre. Aujourd'hui qui n'en fait pas ! Le coordonnateur, lui aussi, fait un livre. -Pour tout ce qui est système, cadre, division, il y a parité de position : un Code ne peut réclamer aucune prééminence sur le Svod. S'agit-il du fond? même analogie : l'un construit avec des matériaux indigènes; l'autre les fait venir de l'étranger. L'un fouille, l'autre butine voilà toute la

:

נו

différence, et c'est si vrai que le codificateur le plus fougueux hésitera à proposer une loi qui ne se présente déjà scellée de l'expérience d'un peuple.

Mais sortons des généralités. Au vague des conjectures substituons les faits.

Il y a plus de deux cents ans que fut posé le problème d'une coordination rationnelle. Il le fut par le premier penseur de son siècle.

A son avis il n'exigeait rien moins qu'une intelligence puissante (mighty powers). A son avis l'œuvre qui devait en être le produit serait, au plus haut degré, ardue, utile, glorieuse (the most arduous, the most glorious, the most useful). Qui en a donné la solution? Est-ce l'antiquité? Non. La compilation de Justinien n'est pas un Svod.-C'est une pièce de marqueterie faite de ciseaux. C'est de la suture, ce n'est pas une

à

coups refonte.

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Des temps modernes, sont-ce les peuples les plus avancés en civilisation, ceux où la science du droit compte ses adeptes les plus illustres? Pas davantage. Il a été réservé à la Russie, à la Russie seule1 de le résoudre et de le résoudre sur le plus vaste échelle dont les annales des codifications aient gardé le souvenir, alors qu'il se présentait hérissé de difficultés inconnues aux autres états, à savoir, le concours de la loi écrite avec le droit coutumier d'un côté, le conflit de la loi commune avec la loi provinciale de l'autre.

1 Les codifications citées plus haut ne portent que sur la législation civile et pénale. On sait que le svod embrasse en outre la législation politique, organique, administrative, militaire, financière; bref, cet ensemble immense qu'on est convenu de qualifier de législation réglementaire.

Г

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