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toute la législation qui y a rapport; cette réforme se composerait de deux parties: 1o l'établissement de mesures préventives tendant à écarter les motifs et les occasions des crimes et délits; ces mesures consisteraient dans l'extension donnée à l'instruction publique et religieuse, et dans les facilités offertes à toutes les classes de la population de gagner ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie; 2o les dispositions ayant pour but l'amendement moral des condamnés et les changements à apporter aux pénalités (suppres sion des peines autres que la reclusion avec travail obligé, depuis six mois jusqu'à perpétuité, et l'emprisonnement pendant la même durée, soit en commun, soit dans une cellule, les détenus pouvant être mis au pain et à l'eau). L'auteur explique qu'à cause de l'intime connexité qui existe entre la législation criminelle et la doctrine pénitentiaire, la réforme des prisons doit précéder les modifications de la législation, lesquelles, du reste, sont plus faciles à opérer que la réforme des prisons. Le second chapitre a pour objet l'origine et le développement de la doctrine pénitentiaire. Le prince Oscar examine l'état actuel des prisons dans les divers pays de l'Europe et aux Etats-Unis de l'Amérique. Dans le troisième chapitre, il compare le système d'Auburn avec celui de Philadel phie, sous le rapport: 1o du régime pénal; 2o de l'influence sur l'amendement moral et la santé des détenus; 3o de la difficulté de maintenir longtemps le règlement établi ; 4o des frais du logement, de la nourriture et de la garde des détenus; 5o de la possibilité de couvrir l'État de ses dépenses; 6o des conséquences de la détention sur l'avenir des libérés. Au chapitre 4, l'auteur traite de l'introduction, en Suède, de la doctrine pénitentiaire ; après avoir exposé ses vues sur l'administration et la discipline intérieure des prisons, ainsi que sur le mode et les frais de la construction des bâtiments, il termine par la conclusion suivante: il faut prendre comme point de départ et base des réformes le système de Philadelphie; ce système constitue le moyen le plus efficace et de répression et d'amendement du détenu. Mais comme l'expérience n'a pas encore démontré que ce système, appliqué à un individu pendant plus de six ans, ne porte pas préjudice à sa santé, il faut provisoirement ne l'employer qu'à l'égard des condamnés aux trois degrés inférieurs de l'échelle pénale (aux condamnés à la détention de six mois à six ans). Les condamnés à une plus longue détention seront soumis au système d'Auburn; les condam

nés à vie seront contraints à l'ordre le plus sévère et aux travaux les plus durs, mais non pas au silence absolu.-Trois planches lithographiées offrent le plan, la coupe et la disposition des ailes d'une prison pénitentiaire, ainsi que le plan d'une prison provinciale. — En terminant, et à l'exemple de M. Julius (page 10 et 11), nous appelons l'attention du lecteur sur les observations de l'auteur relatives au droit de grâce (p. 13 et suiv.), et à la question de savoir, si la conduite du condamné dans la maison pénitentiaire peut influer sur la commutation de la peine (p. 135 et suiv. ); enfin, à la nécessité d'une administration spéciale pour les prisons, dirigée par un chef unique.

FŒLIX.

3. Établissements et coutumes, assises et arrêts de l'Échiquier de Normandie au XIII° siècle (12071245), d'après le manuscrit français, F 2 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève; par M. A.-J. Marnier, avocat et bibliothécaire de l'ordre des avocats à la cour royale de Paris. Paris, 1839.

L'ardeur avec laquelle on cultive en France l'étude de l'ancien droit français, obtient la même approbation au delà du Rhin que sur les bords de la Seine. Les efforts réunis des Pardessus, Beugnot, Guérard, Giraud, Michelet, Laboulaye, Laferrière et d'autres ont révélé des sources cachées depuis des siècles, ou expliqué le développement historique du droit national français, ce mélange remarquable du droit germanique avec le droit romain, fondu en un système assez uniforme par l'église et la féodalité. L'époque n'est pas éloignée où une véritable histoire de ce droit pourra être entreprise, lorsque les documents historiques sur l'histoire du tiers-état auront paru, et que les publications importantes des assises de Jérusalem, des Olim, des cartulaires de France seront achevées. Ce qui nous manquait surtout jusqu'à présent, c'était la connaissance des sources dans lesquelles les coutumes avaient été puisées. On était réduit, à eet égard, à de simples conjectures. Il n'est donc pas étonnant que les opinions les plus diverses aient été mises en avant pour expliquer l'origine du droit coutumier en France. Une nouvelle lacune a été comblée, grâce au zèle investigateur de M. Marnier, bibliothécaire de l'ordre des avocats à Paris, qui nous a fait connaître les sources de l'ancien coutumier de Normandie; nous nous réservons

de parler de sa publication d'une ancienne coutume de la Picardie. En 1834, M. Daviel a publié des Recherches sur l'origine de la coutume de Normandie ( V. la Revue, t. 1, p. 699). Ces recherches avaient été provoquées par une lettre que le soussigné avait adressée au congrès scientifique de Caen. Malgré les investigations les plus minutieuses, M. Daviel ne put découvrir ni l'auteur ni les origines de cette coutume, un des monuments juridiques les plus anciens et les plus curieux de la France. Aujourd'hui nous connaissons le nom de son rédacteur; feu M. Klimrath nous l'a révélé en 1837 1. Robert li Norman composa, par l'ordre de saint Louis, ce livre qui probablement n'a été achevé qu'après la mort de ce grand roi. Quant aux sources de la coutume, elles viennent, comme nous l'avons dit, d'être mises au jour par M. Marnier. Elles sont du plus grand intérêt et se composent : 1o d'anciens établissements et coutumes, recueillies sans doute primitivement par une série de jurisconsultes praticiens, et réunies au XIIIe siècle en un seul corps d'ouvrage; 2o des assises de Normandie au XIII° siècle (p. 86), c'est-àdire des décisions émises dans les jours solennels, de 1234 à 1236 (p. 86-109); 3o enfin, des arrêts de l'Échiquier (c'est-à-dire du parlement primitif de la Normandie), depuis 1207 jusqu'à 1245 (pag. 109-201). Le texte de ces recueils est en vieux français; nous avons donc à la fois des monuments historiques de la langue et du droit. M. Marnier a tiré ce texte de plusieurs manuscrits qui se trouvent tant à la Bibliothèque royale (Ms. 10,390-2), qu'à celle de SainteGeneviève (Ms. F. 2). M. Marnier nous apprend qu'il existe aussi des textes latins de ces mêmes documents; ceux-ci sont même plus complets que les textes français, et ils ont servi à l'éditeur pour combler plusieurs lacunes importantes. Le savant Brussel avait eu connaissance de ces textes latins; il en a donné des extraits considérables dans son livre sur l'Usage des fiefs en France.

L'importance de cette publication a été sur-le-champ appréciée par M. Pardessus, auquel l'étude historique de l'ancien droit français doit, en grande partie, les progrès qu'elle a faits depuis vingtcinq ans (V. la lettre adressée par lui à M. Marnier et imprimée en tête de l'ouvrage, p. i-xvi).

Dans une introduction, M. Marnier rend compte des manuscrits

1 Mémoire sur les monuments inédits de l'histoire du droit français au moyen âge, p. 38 et suiv.

d'où il a tiré ces reliques de droit, du rapport qui existe entre elles et le vieux coutumier de Normandie, auquel elles ont évidemment donné naissance; enfin il indique quelques-unes des idées fondamentales du droit de cette province. On sait que de toutes les anciennes provinces françaises, si on excepte la Flandre, la Normandie est celle dont le droit se rapproche le plus du droit germanique. Un excellent vocabulaire ajouté à la fin du livre, facilite l'intelligence du texte qui ne laisse pas d'offrir des difficultés. Nous voyons par ces documents comment les principes du coutumier ont pris naissance, et comment, d'abord informes et imparfaits, ils ont été éclaircis et précisés par les soins des jurisconsultes. Le premier ouvrage, comparé au coutumier rédigé par Hugues le Normand, n'est que l'œuvre d'un routinier et d'un compilateur, tandis que le dernier est le fruit du travail méthodique d'un jurisconsulte profond.

En possession de ces documents, il faudrait maintenant se livrer à des comparaisons de détail entre les deux ouvrages et en déduire le système de l'ancien droit normand, afin de donner aux historiens et aux jurisconsultes un tableau de l'état de la législation normande au XIIIe siècle, époque la plus remarquable du moyen âge.

Ce travail offre des difficultés et ne pourra être exécuté d'une manière satisfaisante, que lorsque M. Marnier aura rempli la promesse exprimée à la fin de sa publication, et qui est de publier aussi les textes latins des sources qu'il a mises au jour. On comprendra dès lors bien plus facilement beaucoup de dispositions souvent peu intelligibles; on saura si le texte latin est (comme nous le pensons) le texte primitif, et, par suite, si la coutume tirée de ces sources par le jurisconsulte normand Hugues a été rédigé en latin ou en vieux français, on peut-être (comme nous sommes disposés à le croire) dans les deux langues à la fois. Enfin, M. Marnier voudra bien aussi donner au public les autres arrêts de l'Échiquier de Normandie portés entre 1246 et 1300, dont il a fait mention.

A l'aide de ces sources et de celles qu'a publiées le célèbre Houard et que publie aujourd'hui M. Floquet (dans son intéressante Histoire du parlement de Normandie), nous serons à même de composer une histoire complète du droit de cette province. Un grand nombre d'historiens de ce pays et d'antiquaires vraiment distingués dont il

1 Nous regrettons que l'éditeur n'ait pas donné une description exacte de ces manuscrits, et cherché à en déterminer l'âge précis.

peut être fier, ont répandu et répandent encore tous les jours la plus vive lumière sur son histoire politique, celle de ses villes, de son commerce et de sa gloire littéraire. Lorsque sa législation se trouvera également éclairée par le flambeau de l'histoire, l'état ancien de ce pays célèbre sera connu sous toutes ses faces. L'Allemagne1 applaudit aux efforts réunis des amis des études historiques, qui contribuent à compléter cette connaissance. La Normandie, peuplée par une nation qui se rattache à l'Allemague par le lien d'une origine commune, intéresse les Allemands aussi vivement qu'elle peut intéresser les Français. L. A. WARNKŒNIG.

4. Ouvrages publiés en France.

Manuel criminel des juges de paix ; par M. Duverger. 2o éd. Paris, Videcoq. Prix: 7 fr. 50 c.

Commentaire sur l'ordonnance du commerce, du mois de mars 1673; suivi de « l'Art des lettres de change,» par Dupuy de la Serra, avec des notes de M. Bécane. 2o édit. Paris, Joubert.

Explication de la loi du 2 juin 1841, sur les ventes judiciaires de biens immeubles; par M. Longchampt. Paris, chez l'auteur, rue de Savoie, n. 5. Prix: 1 fr. 50 c.

I

Commentaire de la même loi; par M. Paignon. T. I. Paris, Cotillon. Prix des deux volumes: 6 fr.

Réflexions sur l'utilité et les inconvénients que présente la réorganisation d'un corps d'auditeurs près les tribunaux de première instance; par M. Maniez. Dɔuai, imprimerie de Deregnaucourt.

Cours de droit commercial; par M. Pardessus. T. IV. Paris, Nève. Prix des 6 vol.: 50 fr.

Code militaire français. 4o livr. Pied de paix; par M. Sainte-Chapelle. Paris, rue Saint-Honoré, 370. Prix : 3 fr.

Guide des conseils de guerre et de justice à bord des bâtiments de l'État. Toulon, Laurent (anonyme). In-16. Prix : 4 fr. 50 c. Traité du contrat de louage et de dépôt appliqué aux voituriers, entrepreneurs de messageries, de roulages publics, maîtres de bateaux, etc.; par M. Van Huffel. Paris, rue Guénégaud, 17.

1 L'auteur de la présente annonce en a publié une en langue allemande, dans le Journal critique de la science du droit et de la législation dans les pays étrangers à l'Allemagne, publié à Heidelberg, par MM. Mittermaier et Zachariæ, t. XII, P. 224 à 238.

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