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CHRONIQUE.

SUEDE. Le 10 juin, S. M. a fait connaître à la diète ses résolutions sur les projets de loi adoptés par elle; ces projets sont au nombre de 47; 20 seulement ont obtenu la sanction royale. Parmi ceux dont la sanction a été refusée, se trouve celui qui, à la campagne, appelle les filles au partage égal avec les fils (V. notre t. VII, p. 925), la suppression des tribunaux de seconde instance, appelés lagmansrett et kæmnærsrett ; celui d'une loi sur les réunions séditieuses et illicites; enfin, l'abrogation de la loi en vigueur sur le duel. Le 11 juin, l'ordre de la noblesse et celui de la bourgeoisie ont adopté une motion tendant à supplier le roi de présenter un projet de réforme de la représentation nationale, dans le cas où celui qui a été arrêté par la diète actuelle, ne serait pas adopté par la diète prochaine (V. plus haut, p. 526).

HANOVRE. La deuxième chambre a adopté une adresse au roi, dans laquelle il est respectueusement exposé que l'immense majorité du pays a vu avec peine les mesures prises, depuis 1837, pour annuler la constitution de 1833. Par ordonnance du 30 juin, le roi a prononcé la dissolution de la chambre.

Duché de Nassau. Un édit promulgué le 11 juin, abroge la lex Anastasiana (L. 22 et 23. C. mandati), ainsi que l'ancienne loi de l'empire qui défend, sous peine de confiscation, la cession, au profit d'un chrétien, d'une créance appartenant à un juif contre un chrétien.

SUISSE. Tessin. Le grand conseil a donné son adhésion au traité conclu entre l'Autriche et plusieurs états italiens pour la garantie de la propriété littéraire (V. plus haut, p. 175, o Toscane).

PRUSSE. Les états provinciaux du Rhin ont passé à l'ordre du jour sur la pétition relative à l'archevêque de Cologne. Dans la séance des mêmes états du 16 juin, le président a donné lecture d'une pétition présentée par des habitants de Cologne, tendant à obtenir la publication des débats des états, la libre faculté de discuter dans les feuilles publiques les opinions émises à la tribune et, en général, toutes les affaires intérieures du pays; enfin une loi pénale en matière de presse qui remplacerait la législation préventive anjourd'hui en vigueur. Une ordonnance royale du 28 décembre 1840. qui vient d'être publiée, déclare insaisissable la portion appartenant aux détenus dans le salaire dû pour leurs travaux exécutés dans la

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prison. Jusqu'ici et depuis son avénement, le roi Frédéric-GuilJaume IV n'avait pas sanctionné les arrêts de mort soumis à sa confirmation, et on pensait assez généralement que S. M. avait l'intention de supprimer la peine capitale; mais le roi a jugé que le temps d'une réforme de cette importance n'est pas encore venu: il vient de confirmer huit arrêts de mort rendus dans les diverses provinces. -Aux termes d'une ordonnance royale du 24 avril, qui vient d'être publiée, les exécutions capitales ordonnées par les cours criminelles de Berlin et de Postdam n'auront plus lieu dans ces deux villes, mais dans la forteresse de Spandau. Les ratifications du traité de commerce conclu avec la Porte et dans lequel les états composant l'union douanière se trouvent compris, ont été échangées à Constantinople, dans les derniers jours du mois de mai. Le recensement de la population du royaume, auquel il a été procédé la fin de 1840, donne pour résultat le chiffre total de 14,907,091 individus, dont 2,591,721 pour la Prusse rhénane; en 1837, le chiffre total s'élevait à 14,098,125; augmentation : 808,966. Le ministre de la justice a fait élaborer et publier un projet de tarif des frais en matière civile, destiné à remplacer celui de 1815.-La commission chargée de préparer un projet de loi sur la réforme des prisons et présidée par M. le docteur Julius, a terminé ses travaux; elle a présenté deux projets : l'un qui tend à l'adoption du système pennsylvanien, l'autre offrant un système mixte ; ni l'un ni l'autre de ces deux projets n'a reçu l'approbation du gouvernement; une nouvelle commission, dont M. Julius fait aussi partie, a reçu la mission de se rendre en Angleterre pour exami+ ner les prisons de ce pays.

Angleterre. La chambre des lords, dans la séance du 11 juin, a rejeté le bill tendant à autoriser l'élection des Israélites à des fonctions municipales ; dans la séance du 17 juin, elle a procédé à la troi. sième lecture du bill déjà adopté par la chambre des communes, et ayant pour but la diminution des cas où la peine de mort peut être prononcée.

FRANCE. La société de patronage des jeunes libérés pour le département de la Seine, a tenu sa séance publique annuelle le 27 juin, à l'Hôtel-de-Ville. Les résultats moraux sont très - satisfaisants, et prouvent que la partie la plus importante de la réforme pénitentiaire, c'est ce patronage qui s'exerce au moment de la libération.

Un fait nouveau et important à mentionner, c'est que la néces

sité d'abréger la durée des détentions, depuis qu'on a soumis, à Paris, les jeunes détenus à l'emprisonnement individuel, vient de donner une grande et utile extension à un système de mises en liberté provisoire, au moyen duquel, au bout d'un an, l'enfant qui n'a pas démérité, peut être remis à la société de patronage, chargée de son placement en apprentissage. Dans le cas de mauvaise conduite, l'enfant est réintégré à la maison des jeunes détenus. M. le ministre de l'intérieur, pour favoriser les mises en liberté provisoire, vient d'allouer à la société de patronage 60 centimes par jour, pour chaque enfant de cette catégorie. Ce système de mises en liberté provisoire, en écartant les détentions à long terme, va probablement aussi écarter en grande partie les objections des adversaires de l'emprisonnement individuel appliqué à ces jeunes detenus, puisque ces objections s'adressaient aux détentions de plus de deux ans. Mais aussi, d'un autre côté, la maison des jeunes de tenus de Paris ne pourra fournir aux partisans du cellulage continu l'autorité d'un précédent. D'ailleurs, ce cellulage des enfants à la maison de la Roquette est environné de circonstances atténuantes, nécessaires à l'égard d'enfants la plupart acquittés, et détenus seulement pour être élevés; et ce régime ne saurait être celui d'une maison de force et de correction : il n'y a rien à conclure de l'un à l'autre.

En dehors de Paris, tous les établissements qui s'élèvent en France pour les jeunes détenus, sont des pénitenciers mixtes, c'est-à-dire, semi-agricoles, semi-industriels : tels sont les pénitenciers de Bordeaux et de Marseille. Le digne fondateur de ce dernier établissement, M. l'abbé Fissiaux, vient de publier une brochure où il développe les raisons qui l'ont déterminé, dit-il, à entrer dans la pensée de M. Ch. Lucas, qui est aussi la sienne, sur les avantages de mélanger les travaux agricoles et industriels, dans les établissements destinés aux jeunes détenus. La colonie de Mettray paraît aussi poursuivre le cours de ses succès.

Le ministre de l'intérieur, M. Duchâtel, vient de prendre une mesure excellente et féconde : le règlement du 22 mai 1841, concernant le service des communautés religieuses de femmes, dans nos maisons centrales affectées aux femmes condamnées; l'instruction qui le précède et l'explique, annonce que la France se prépare sans bruit à imprimer à la réforme de ses prisons un caractère moral et religieux, et à chercher dans cette voie la véritable solution péni tentiaire.

LVI. Le créancier peut-il exercer, en vertu de l'article 1166 du Code civil, l'action en réclamation d'état qui appartient à son débiteur?

Par M. L.-J. KONIGSWARTER, docteur en droit.

« Si la loi doit protéger l'enfant qui veut recouvrer son état, elle doit également veiller à ce que les héritiers ne soient pas troublés dans la jouissance de leurs biens. La famille est aussi une propriété sacrée, et l'on ne peut y être admis que quand on a un titre légitime ou une possession équivalente à ce titre. »

Telles sont les paroles de l'exposé des motifs, réflétant cette haute sagesse que les auteurs du Code civil ont montrée dans le premier livre de ce monument législatif; car, l'expérience le démontre, c'est la partie de notre droit civil qui a toujours donné le moins lieu aux procès.

Mais la prudence du législateur a été plus loin; prévoyant le cas où il n'y aura ni titre légitime, ni possession constante, elle veut défendre les droits de l'enfant, qui, par suite d'un crime ou de la force des circonstances, a été privé de ces deux titres, et qui réclame sa place dans la famille à laquelle il appartient; elle veut empêcher que l'enfant ne devienne la victime de la faute plus ou moins grave de ses parents qui ont négligé de le faire inscrire sur les registres de l'Etat civil et ont refusé de lui donner leur nom et de pourvoir à son existence; c'est pour cela que l'art. 323, s'écartant du droit romain, aussi bien que de l'ancien droit français, décide « qu'à défaut de titre et de possession constante, ou si l'enfant a été inscrit, soit sous de faux noms, soit comme né de père et mère inconnus, la preuve de la filiation peut IV. 2 SERIE.

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se faire par témoins. « Mais, comme effrayé des conséquences que peut avoir en pareil cas la preuve testimoniale, le législateur se hâte de la circonscrire dans d'étroites limites et d'attribuer aux parties intéressées tout moyen d'établir la preuve contraire; il va jusqu'à faire fléchir ici la règle : Pater est quem nuptiæ demonstrant, base de la filiation légitime (art. 323, al. 2, 324, 325).

La loi est donc bien circonspecte quand elle attribue à un individu la faculté de se faire réintégrer dans sa famille par une voie judiciaire : car la famille est une propriété sacrée, a dit l'orateur du gouvernement. Or, cette propriété, dont dépend le respect, l'honneur et l'union d'une famille, serait-elle à la merci d'un créancier, qui n'y verrait qu'un moyen, tout comme un autre, d'obtenir son payement?

Certes les considérations morales que nous venons d'indiquer ne prouveraient rien contre la dura lex, sed scripta dont le créancier s'armerait, en se fondant sur l'article 1161 du Code civil qui donne aux créanciers le droit d'exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. Il s'agit donc de savoir, si l'action en réclamation d'état se trouve exclue de la règle, et si elle est une de celles qui sont exclusivement attachées à la personne du débiteur?

Les principaux auteurs ont traité cette question en passant, quoiqu'elle soit de la plus haute importance, mais en concluant qu'il ne saurait être refusé au créancier d'exercer une action concernant l'état civil de son débiteur.

Toullier (Des effets des obligations, n° 372) s'exprime comme il suit : «Les créanciers peuvent exercer à leurs risques et périls toutes les reprises légales ou conven

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