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nullité du mariage. Et c'est ainsi que la circulaire du 4 mars 1831 a pris naissance.

Toutefois on ne saurait pas contester que le refus de recevoir la femme d'origine étrangère équivaut, dans le fait, à une déclaration de nullité du mariage.

Deux-Siciles. Bien que le code français ait servi de modèle à celui publié dans ce royaume en 1819, celui-ci ne reproduit pas l'art. 170 mais seulement l'art. 171, qui forme dans le nouveau code le 180°. Cette reproduction prouve qu'il n'existe pas de défense de contracter mariage à l'étranger.

(La suite à un prochain numéro.)

FŒLIX.

LXV. Réflexions sur les principes de droit.
Par M. ÉDOUARd Taillandier, avocat.

Les faits divers dont s'occupe une science, et les lois particulières qui les régissent peuvent, au moyen de la méthode qui saisit leurs rapports, être ramenés à des faits communs, à des lois générales que dans les sciences morales on a appelés principes. Ce mot, comme beaucoup de termes de la langue, a plusieurs acceptions très-distinctes; en droit, c'est dans le sens que nous venons d'indiquer qu'il est employé le plus fréquemment; il signifie alors « les règles générales auxquelles le profes» seur ne sera ordinairement arrivé qu'en résumant en quelque sorte une foule de dispositions particulières » (de la loi). » (M. Blondeau, Introduction à l'étude du droit, p. L, no 3.) Il est synonyme des mots : règle, maxime, aphorisme. Regula... quasi causæ conjectio est, disait énergiquement Sabinus, cité par Paul (D. de

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regulis juris antiqui, l. 1.) « Les règles de droit, dit >> Toullier (Droit civil français, t. I, no 17), ne sont que >> des maximes générales formées par les jurisconsultes

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qui, après avoir observé ce qu'il y a dans les lois de >> commun à plusieurs cas particuliers, énoncent cette » conformité par une maxime qu'ils appellent une règle.. Ainsi, un principe est une formule qui exprime le résultat le plus général de plusieurs textes de lois divers et épars; dans sa rédaction il doit être l'expression la plus concise de ce qu'il y a de commun dans ces textes, sans que toutefois cette concision empêche d'en laisser entrevoir les caractères essentiels et distinctifs.

Ce peu de mots suffit pour empêcher de confondre ces principes avec d'autres auxquels ils touchent par certains côtés et de nombreux rapports de parenté : tels sont les principes de législation, c'est-à-dire les maximes qui servent à faire de bonnes lois, et les principes de jurisprudence, ou l'ensemble des règles qui dirigent le jurisconsulte dans l'art d'appliquer et d'interpréter les lois. Le lien intime de ces objets d'étude est évident; la connaissance des règles de jurisprudence sera surtout un préliminaire indispensable pour la confection des principes de droit avant de résumer une législation, il faut nécessairement en interpréter l'esprit. L'utilité de ces règles n'a jamais été contestée. En effet, elles ont l'immense avantage de tout résumé, de toute formule, celui de renfermer beaucoup de sens sous peu de paroles, de rappeler immédiatement à la mémoire des notions acquises lentement, et qui, si elles n'étaient pas ainsi groupées, échapperaient facilement à l'esprit le plus attentif. Elles sont encore fort utiles dans la discussion; ce sont des armes commodes et pour la défense et pour l'attaque.

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Le recueil de ces règles générales, on le comprend bien, ne peut pas être un ouvrage élémentaire; l'intelligence complète d'un résumé suppose l'intelligence de la science qu'il résume. Le principe, séparé de son commentaire et de ses applications les plus ordinaires, est une lettre morte pour le commençant. C'est ce qui a fait dire avec tant de justesse à Proudhon : « Un principe » n'est jamais mieux retenu et gravé dans la mémoire » que quand on en a fait saisir des applications plus ou >> moins nombreuses. » (Cours de droit français, t. I, préface, p. 1x '.) Si ces principes, sans développement,

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1 « On s'exposerait à prendre des idées fausses si l'on commençait par charger sa mémoire des principes renfermés dans les deux » derniers titres du Digeste, en les regardant comme des axiomes toujours susceptibles d'application. Il faut d'abord étudier les principes, mais en voyant en même temps leurs exceptions, et le » détail des circonstances dont le concours est nécessaire pour en » faire usage. Lorsqu'on est ainsi parvenu à saisir le vrai sens des principes, il est bon alors de les faire repasser sous ses yeux, et

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» de les recueillir comme des maximes importantes : c'est ce qui a » été exécuté en partie dans les deux titres du Digeste : de verbo» rum obligatione et de regulis juris. Mais ce recueil est bien plus complet dans les Pandectes de M. Pothier....... Un avocat peut ter» miner l'étude du droit romain par la méditation de cette partie » de l'ouvrage de M. Pothier; ce sera pour lui un résumé de ce qu'il aura vu d'essentiel dans le corps du droit.» (Camus, 3o lettre sur la profession d'avocat, édition de M. Dupin de 1832, t. 1, p. 306-307.)

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On emploie quelquefois le mot principe dans le sens d'éléments; on dit principes, notions élémentaires. Les éléments ne sont que la partie la plus simple, la plus facile d'une science, accompagnée d'explications, d'exemples peu nombreux et bien choisis; tous les points compliqués, ardus, transcendants de la science en sont sévèrement écartés. Les résumés, au contraire, contiennent la science entière avec toutes ses difficultés, sous une forme brève, et comme réduite à sa plus simple expression.

sont obscurs pour celui qui n'est pas initié à la science, ils sont le plus haut degré de la clarté pour ceux qui la possèdent, car ils présentent sur une matière ce qu'il y a de caractéristique et de fondamental, dégagé de tout élément étranger, de tout détail parasite qui empêcherait d'en saisir l'unité, l'ensemble, l'économie. Il en est de même de la formule algébrique; les opérations de l'algèbre ne sont obscures que pour le vulgaire, et sont de toute clarté pour les mathématiciens; car ce sont les rapports généraux des nombres dégagés des formes concrètes qui les défiguraient en les spécialisant. On n'a donc une complète intelligence d'une matière que lorsqu'on l'a formulée en principe, ramenée à une idée abstraite et élevée à sa plus haute généralité.

L'ensemble des règles, des principes extraits d'un corps de lois devait donc être la substance de ces lois, le résumé fidèle et impartial de l'opinion des auteurs sur leurs dispositions; malheureusement il n'en est pas ainsi. En effet, l'idéal que nous venons de tracer est loin d'être atteint, et bien des défauts peuvent vicier les principes. Ils sont justes quand ils reproduisent exactement la pensée du législateur; s'ils la défigurent, ils sont erronés.

On dit généralement en droit qu'il ne faut pas, comme dans les sciences mathématiques, appliquer rigoureusement les principes, ni se fier à toutes leurs conséquences; c'est faire indirectement la critique et la condamnation de ces principes, car s'ils étaient justes, leurs conséquences le seraient. Il est impossible de soutenir que des conclusions tirées légitimement de prémisses irréprochables puissent être erronées, c'est évidemment par irréflexion qu'on a paru quelquefois tomber dans cette erreur, et qu'on a dit qu'un principe vrai pou

vait amener à des conséquences, à des résultats faux.

En effet, et c'est là une notion élémentaire de la logique, les résultats d'une doctrine sont contenus virtuellement et en germe dans le sein de cette doctrine; les conséquences n'ajoutent rien au principe; elles ne font que le développer, le présenter sous une forme moins générale et moins abstraite. Aussi le vice qui était inaperçu et comme enfoui dans la formule, apparaît-il en caractères saillants dans la série des déductions, et le meilleur moyen d'éprouver la valeur d'une opinion, de connaître toutes les vérités qu'elle contient, comme toutes les erreurs où elle peut conduire, est d'opérer sur elle avec l'instrument du syllogisme. Voilà donc, dans ce cas, le rôle de la logique, rôle d'interprète, de truchement; elle ne crée rien, n'invente rien; elle se borne à développer ce qui était enveloppé, à éclaircir et dégager par l'analyse les éléments complexes renfermés dans la synthèse de la formule. Or, on ne pourra jamais tirer d'une chose que ce qui y est; du bon ne sortira pas le mauvais; s'il découle du bon et du mauvais d'une chose, c'est que cette chose est un mélange de bon et de mauvais; si le principe est juste, il donnera des conséquences justes; s'il donne quelques conséquences fausses, c'est qu'il est vicieux en quelque point. Pénétrez dans le sein de la formule, extirpez-en l'élément impur, vous serez sûr alors que les résultats auxquels vous arriverez seront justes et concordants.

Il ne suffit donc pas de s'arrêter devant les conséquences erronées et de les condamner; mais, pour remonter à la source du mal, il faut attaquer les principes, et dire qu'en droit ils ne sont pas rédigés d'une manière rigoureuse, qu'ils ne reproduisent pas exactement les

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