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RAPPORT de M. Combarel de Leyval, déposé à la Chambre législative le 20 juillet 1849, relatif au colportage. (Extrait.)

« Le colportage, déjà si coupable comme l'objet de spéculations déshonnêtes, devient un danger général et immédiat sous le régime du suffrage universel.

‹ Qui de vous n'a été témoin du ravage fait dans l'esprit des populations des campagnes par la diffusion de ces petits écrits où l'on représente la soumission aux lois comme une faiblesse, la morale religieuse comme une tromperie, l'accomplissement des devoirs de famille comme une gêne qu'un bon gouvernement fera disparaître, le travail des champs comme un acte de servitude au profit des oisifs, l'ordre social enfin comme une insupportable tyrannie?

« La distribution de ces libelles est généralement l'œuvre du colportage. N'est-il pas urgent de prévenir d'aussi effroyables abus ? Comment y parvenir ?

« Le projet de loi proposait d'assimiler les colporteurs et distributeurs aux libraires, et de les astreindre à l'obtention du brevet prescrit par l'art. 11 de la loi du 22 octobre 1814. Cette disposition a été dans la commission l'objet d'une discussion appronfodie.

Quelle peut en être l'efficacité ?

<< Sans rechercher devant vous par quelles phases diverses a passé la jurisprudence, il suffira de vous faire remarquer que l'article 11 de la loi de 1814, qui prescrit aux libraires d'être pourvus de brevet, manque de sanction pénale, et se trouve dans la pratique, pour ainsi dire, tombée en désuétude.

« Fallait-il, à l'occasion de la répression des abus du colportage, remanier la législation sur la librairie ? Ce ne pouvait être l'œuvre d'une loi d'urgence.

Pour qui connaît l'esprit des campagnes, n'est-il pas permis de se préoccuper de l'ascendant que ne manquerait pas d'acquérir un colporteur bréveté du gouvernement? Que de mal pourrait être fait avant que la condamnation pût être prononcée en exécution de l'art. 12 de la loi du 28 octobre 1814! Il n'en faudrait pas moins l'attendre pour pouvoir demander au ministre le retrait du brevet. Ne risquerait-on pas d'attiédir le zèle et de ralentir le concours si nécessaire de l'autorité municipale ? Les maires sont en correspondance habituelle avec les préfets; c'est des préfets qu'ils attendent et reçoivent la solution des difficultés qu'ils ont à sur

monter.

Ne pourrait-on pas trouver dans cette disposition des autorités locales, le principe d'une attribution propre à atteindre le but ? Il y a dans la législation une analogie digne de remarque. Aux termes de l'art. 49 du décret du 5 février 1810 et de l'art. 3 du décret du 11 juillet 1812, ces dispositions concernant le brevet ne sont pas applicables aux libraires étalagistes. Ainsi placés en dehors de la législation sur la librairie, ils restent soumis aux règlements de police. Ils doivent être munis d'une permission révocable, délivrée par l'autorité locale. C'est ce qui se pratique à Paris par les soins du préfet de police. Que font les colporteurs quand ils assistent aux foires et marchés, si ce n'est ce que font exactement les libraires étalagistes à Paris? Ils exposent leur marchandise sur la place ou sur la voie publique. Pourquoi ne seraient-ils pas soumis aux mêmes règlements ? Pourquoi ce qui se fait à Paris sans dommage pour la liberté du commerce, ne se ferait-il pas dans les départements? Il y a plus : le colporteur ne se borne pas, comme l'étalagiste à exposer dans des lieux publics l'objet de son commerce, il va trouver le ci

toyen dans sa demeure; il le sollicite, le presse et l'entraîne à des achats que celuici n'eût point faits sur la place publique.

L'assimilation entre les libraires étalagistes et les colporteurs semble naturelle: ils doivent donc être soumis à des règles analogues qui pourraient, avec justice, être plus sévères à l'égard des colporteurs.

« Déterminée par ces considérations, votre commission propose de prescrire que les colporteurs devront être pourvus d'une autorisation révocable, qui sera donnée à Paris, par le préfet de police; dans les départements, par les préfets.

L'article ne s'appliquant point aux vendeurs à domicile, le commerce de la librairie n'a point à s'en préoccuper. Quant à la possibilité de l'abus de l'attribution nouvelle confiée aux préfets, elle est peu à redouter dans un gouvernement qui s'exerce sous la surveillance d'une immense publicité, et sous l'autorité immédiate de l'assemblée nationale. »

CIRCULAIRE de M. le Ministre de l'intérieur à MM. les Préfets, relative au colportage des livres et imprimés.

<< Monsieur le Préfet,

Paris, le 6 septembre 1849.

Je vous disais, dans ma circulaire du 1er août dernier (1):

« L'autorité administrative supérieure se trouve investie, par l'article 6 de la loi ‹ du 27 juillet 1849 (2), d'un pouvoir en quelque sorte discrétionnaire, et qui doit « lui permettre de réprimer les abus du colportage.

« Vous aurez le droit d'interdire sur la voie publique le colportage des écrits ou « emblèmes de toute nature qui vous paraîtront contraires à l'ordre, à la morale, « à la religion. Vous ne délivrerez donc la permission de colporter des écrits qu'aux <«< individus bien famés; vous leur enjoindrez de ne distribuer ou de ne colporter ‹ aucun écrit ou emblème contraire aux principes essentiels sur lesquels notre so«ciété repose, et aux institutions qui la régissent. Vous retirerez donc les permis«<sions précédemment délivrées à quiconque ne se sera pas renfermé strictement « dans le cercle que vous lui aurez tracé.

« Ce serait ne pas comprendre le sens de la loi et le vœu du législateur que d'in«terdire seulement le colportage des écrits ou des emblèmes séditieux ou immo<< raux que les tribunaux auraient déjà condamnés pour en venir là, il n'était pas besoin de la loi nouvelle; le droit ordinaire suffisait. 'Vous reconnaîtrez que des « écrits dangereux peuvent échapper à l'action de la loi, au moyen de certains ar<tifices de rédaction, et cependant produire le plus pernicieux effet sur l'esprit des « habitants de la campagne, s'ils sont colportés à vil prix. Selon la loi, la faculté « de colporter ne s'exerce pas comme un droit, mais comme une concession. L'au<torité responsable et protectrice de la morale, ne peut accorder de telles conces«sions aux dépens de l'ordre et de la morale. »>

<< Dans la pratique, quelques préfets ont rencontré des difficultés et ont éprouvé des doutes qu'ils me demandent de résoudre.

(1) Nous ne croyons pas devoir rapporter cette circulaire qui n'a qu'un rapport fort indirect au but de cet ouvrage.

(2) Voyez cet article ci-dessus, page 236.

« Il s'agit de savoir, d'une part, comment on parviendra à n'accorder l'autorisation de colporter des écrits imprimés qu'à des hommes recommandables par leur moralité et dont les opinions ne seraient pas pour la société un sujet d'inquiétudes; de l'autre, par quelle voie on parviendra à prévenir ou à réprimer les abus du colportage, tels que, par exemple, la distribution ou la vente d'écrits qui attaqueraient ou tourneraient en dérision toutes les vérités, tous les principes que la République doit défendre ou faire respecter.

« En règle générale, l'autorisation donnée par un de MM. les préfets ne s'applique qu'au département qu'il administre. Tout colporteur qui se rend d'un département dans un autre doit obtenir de la préfecture nne nouvelle autorisation. S'il en était autrement, il pourrait arriver qu'au moyen d'une autorisation délivrée dans un département à une époque déjà ancienne et peut-être avec trop de laisser-aller, un individu s'attribuerait le droit d'exercer la profession de colporteur sur tout le territoire. En ce cas, le privilége réservé aux préfets par la loi du 27 juillet deviendrait tout à fait illusoire, puisque la décision d'un seul d'entre eux obligerait tous les autres. Comment, ensuite, s'exercerait le droit de retirer les autorisations? Le seul moyen de prévenir tout abus ou toute difficulté est donc qu'une autorisation ne puisse être valable que pour un département spécial.

‹ Il peut arriver, il arrivera fréquemment, qu'un colporteur, demandant une autorisation, sera inconnu dans le département où il voudra vendre des livres, des journaux, des gravures, etc.

‹ Dans ce cas, si le colporteur est déjà porteur d'une autorisation délivrée par l'un de MM. vos collègues, si la nature des livres qu'il vend (livres de piété ou d'éducation, écrits inoffensifs, etc.) est telle qu'on puisse se faire une opinion favorable de sa moralité, vous pouvez apposer votre visa sur l'autorisation dont il est déjà porteur ou lui délivrer une autorisation limitée, vous réservant de prendre auprès de celui de MM. les préfets dans le département duquel il sera né ou aura été domicilié,les informations convenables et qui vous mettront à même de statuer d'une manière définitive.

« Lorsque l'un de MM. les préfets sera consulté au sujet d'un colporteur, il devra dans le plus bref délai, prendre et transmettre les informations nécessaires à son collègue copie de ces informations me sera toujours adressée, afin que je sois en mesure de centraliser tous les documents relatifs à ce service.

« J'insiste pour que les affaires de cette nature s'expédient sans le moindre retard; elles touchent à des intérêts sociaux et politiques qui ont droit à une sollicitude toute particulière, indépendamment des intérêts privés, toujours respectables, et auxquels il conviendra d'avoir égard, chaque fois que l'ordre moral ne pourra être compromis.

Le meilleur moyen qu'auront les colporteurs de justifier de leurs bonnes intentions et d'obtenir la concession qu'ils viendront réclamer, sera de produire à la préfecture un catalogue complet et sincère des livres et écrits qu'ils voudront colporter ou vendre sur la voie publique.

« Vous ne perdrez pas de vue les instructions que je vous ai données à ce sujet, par ma circulaire du 1er août dernier. Vous aurez toujours le droit de refuser ou de retirer l'autorisation d'exercer la profession de colporteur à tout individu qui se proposera de vendre des livres de nature à exercer une fâcheuse influence sur la moralité des populations, des écrits, en un mot, hostiles à l'ordre, à la religion, à l'autorité publique. Le caractère le plus commun des écrits que l'on s'efforce de ré

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COLPORTAGE, COLPORTEURS, COMITÉ CONSULTATIF.

pandre en ce moment, et auxquels on donne la forme la plus populaire, c'est de diviser la société en deux classes: les riches et les pauvres; de représenter les premiers comme des tyrans, les seconds comme des victimes, d'exciter l'envie et la haine des uns contre les autres, et de préparer ainsi dans notre société, qui a tant besoin d'unité et de fraternité, tous les éléments d'une guerre civile. User de condescendance pour de pareils écrits, ce serait favoriser cet odieux calcul, méconnaître le vœu de la loi, et manquer à votre mission essentiellement protectrice.

• On m'a demandé, Monsieur le préfet, quel parti il conviendrait de prendre à l'égard des colporteurs que la promulgation de la loi a surpris au milieu de leurs tournées habituelles, et qui, loin de leur pays, n'ont d'autres papiers que leurs passeports et leurs patentes.

S'ils peuvent être considérés, raison des écrits qu'ils colportent, comme les agents d'une propagande immorale, irréligieuse ou subversive de l'ordre social, vous leur expliquerez les principes dont l'exposé précède, et, en vertu des dispositions de la loi du 27 juillet, vous leur interdirez de continuer l'exercice de leur profession.

<< Dans le cas contraire, vous leur délivrerez des autorisations essentiellement provisoires, en leur assignant un délai aussi bref que possible pour qu'ils puissent se procurer les pièces établissant leur moralité. De votre côté, vous prendrez, ainsi qu'il est dit plus haut, toutes les informations convenables.

Parmi les colporteurs, il en est qui font leur commerce, non-seulement par eux-mêmes, mais encore au moyen d'enfants qu'ils dirigent sur les divers points du pays qu'ils traversent et qui les rejoignent à un rendez-vous déterminé à l'avance. « Lorsque ces colporteurs se seront ainsi adjoints leurs propres enfants, leurs très-proches parents, leurs pupilles, il conviendra d'user de tolérance, et de considérer ces jeunes gens comme des commis employés par un commerçant ou un industriel. Dans ce cas, ces commis colporteurs, dont les noms et l'âge seront mentionnés dans le brevet d'autorisation, devront être nantis de la copie dûment certifiée de l'autorisation délivrée au colporteur qui les emploiera; le colporteur demeurera toujours légalement responsable des faits et actes de ses jeunes auxiliaires.

Dans tous les cas, Monsieur le préfet, les colporteurs devront justifier, à toute réquisition des magistrats et fonctionnaires publics, et spécialement des juges de paix, des maires, adjoints, commissaires de police, agents de police municipale et gendarmes, 1o de l'autorisation dont ils sont nantis; 2o du catalogue des écrits et livres qu'ils colportent. Ils ne pourront s'opposer à ce que leurs déclarations soient contrôlées et à ce qu'on visite scrupuleusement leurs ballots et marchandises. Vous recommanderez aux maires, commissaires de police et à la gendarmerie d'exercer la plus active surveillance.

<< Veuillez, Monsieur le préfet, vous conformer à mon instruction et me faire connaître, par un rapport spécial, quels fruits la loi du 27 juillet 1849 a déjà produits dans votre département, sous le rapport du colportage.

« Agréez, etc.

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On désigne, sous la dénomination de comité consultatif, un conseil composé de trois avocats, institué par le préfet, pour donner son

avis sur les affaires contentieuses qui intéressent les communes et les établissements publics.

§ 1. COMITÉ CONSULTATIF. Fabriques.

La consultation de trois jurisconsultes est spécialement exigée par l'arrêté du gouvernement du 21 frimaire an XII (voyez ci-après cet arrêté), lorsqu'il s'agit de transiger sur des droits litigieux. Cet arrêté ne concerne que les communes ; mais, remarque Le Besnier, l'article 2045 du Code civil oblige les établissements publics aux mêmes formalités que les communes pour les transactions, et d'ailleurs l'article 60 dù décret du 30 décembre 1809, veut que les biens des fabriques soient administrés comme ceux des communes, d'où il suit que la disposition de l'arrêté du gouvernement est applicable aux fabriques, ce qui a aussi été prescrit par une circulaire ministérielle.

Le cas de transaction est le seul pour lequel l'avis du comité consultatif soit expressément exigé; mais il en est bien d'autres où le conseil de préfecture ait à prononcer sur les intérêts des fabriques, et alors, ajoute Le Besnier, par une sage prévoyance, les préfets sont dans le louable usage de suppléer au silence de la loi, en s'éclairant de cet avis. (Voyez TRANSACTION.)

ARRETE du 21 frimaire an XII (13 décembre 1803), relatif aux formalités à observer pour les transactions entre les communes et les particuliers, sur les droits de propriété (1).

<ARTICLE 1er. Dans tous les procès nés ou à naître, qui auraient lieu entre des communes ou des particuliers sur des droits de propriété, les communes ne pourront transiger qu'après une délibération du conseil municipal, prise sur la consultation de trois jurisconsultes désignés par le préfet du département, et sur l'autorisation de ce même préfet, donnée d'après l'avis du conseil de préfecture.

ART. 2. Cette transaction, pour être définitivement valable,devra être homologuée par un arrêté du gouvernement, rendu dans la forme prescrite par les règlements d'administration publique.▸

§ II. COMITÉ CONSULTATIF des établissements de bienfaisance.

L'arrêté réglementaire du 7 messidor an IX, relatif aux rentes et domaines nationaux affectés aux hospices, trace, dans les articles

(1) Cet arrêté, dit une note du recueil des Circulaires relatives aux affaires ecclésiastiques, dans lequel il n'est nullement question des fabriques, les intéresse pourtant d'une manière directe, puisque les biens des fabriques sont administrés dans la même forme que les biens communaux, et qu'il n'est intervenu d'ailleurs aucun acte spécial pour régler comment il doit être procédé dans les cas de transaction entre les fabriques et les particuliers.

TOM. II.

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