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nous n'avons rien voulu entreprendre contre la loi, et que ce n'est pas par un zèle inconsidéré, mais avec la conviction de notre droit la plus entière que nous avons agi. Contents de garder intacts, comme nous les entendions, les principes de la liberté de l'Eglise, nous ne nous sommes pas plaints qu'on voulût sauvegarder, d'un autre côté, les intérêts de l'autorité et de la loi, comme on les comprenait (1). Ce dissentiment n'a pu être pour nous un sujet d'affliction. S'il montrait les entraves anciennes toujours existantes, il montrait en même temps le désir qu'on avait de les briser bientôt, et de mettre enfin notre droit public ecclésiastique en harmonie avec notre droit public constitutionnel. On y voyait aussi que le besoin que nous éprouvions de nous réunir était compris et qu'on était prêt à le satisfaire. Cette disposition favorable des esprits, en ce qui touche la liberté de l'Eglise, et, au milieu de quelques nuages non encore complètement dissipés, cette intelligence plus grande des droits, des besoins, de l'influence salutaire de l'Eglise, tout cela nous apportait des consolations et des espérances. >

Le décret du 16 septembre 1849 et le rapport qui le précède étaient un anachronisme qui n'a eu d'autre résultat que de prouver l'impuissance et le mauvais vouloir du ministre qui en a pris la responsabilité. On devait donc croire qu'un tel acte, qui n'a dans les fastes judiciaires aucun précédent, ne se renouvellerait pas. Il en est cependant autrement, et nous consignons ici, non point comme un acte législatif qui ait une valeur quelconque, mais comme un document historique qui fera connaître plus tard la folie et l'inconséquence de notre siècle, le décret et le rapport du 22 mai 1850. Il serait beaucoup plus sage et plus prudent à un gouvernement, sinon de rapporter formellement le malencontreux article 4 de la loi de germinal an X, du moins de le laisser tomber en désuétude comme une de ces vieilleries historiques des temps passés et qui n'ont plus rien de commun avec nos institutions modernes. Ce ne serait pas être trop exigeant que de demander à nos gouvernants qu'ils aient au moins la logique du sens commun. On ne voit pas, en effet, à ne considérer que la dignité même du gouvernement, ce qu'il gagne à accorder spontanément des permissions qu'on ne lui demande pas et à déclarer avec pompe qu'il autorise ce qu'il n'a ni le droit ni la possibilité d'empêcher.

RAPPORT de M. le Ministre des cultes au Président de la République relatif à la tenue des conciles provinciaux et des synodes diocésains.

« Monsieur le Président,

<< Plusieurs prélats ont manifesté le désir, qu'ils avaient souvent et inutilement

(1) Il nous semble évident que le ministre les comprenait mal.

exprimé sous les précédents régimes, de se réunir en conciles métropolitains pour s'occuper de diverses questions qui, dans l'ordre spirituel, touchent à l'exercice du culte et à la discipline intérieure du clergé.

Ce désir trouve une justification naturelle dans la nouvelle situation de la France. Après les commotions qu'a éprouvées l'ordre social, après la consécration des droits et des devoirs nouveaux écrits dans la Constitution, on comprend que les Archevêques aient senti le besoin d'appeler à eux leurs suffragants, afin d'arrêter en commun les mesures que pouvaient exiger la bonne direction de leur clergé et les soins de leur administration spirituelle.

L'autorité publique ne pouvait que s'associer à cette pensée : elle devait voir sans ombrage des assemblées qui sont une des institutions du culte catholique, et qui, au fond, n'ont rien de conforme à l'esprit libéral de notre Constitution (1). Un entier assentiment a donc été donné.

« Mais, en prenant l'intérim de l'administration des cultes, j'ai dû me demander si, au point de vue des formes conservatrices de notre droit public, cet assentiment ne devait pas être plus explicitement exprimé (2).

« A cet égard (3), il m'a semblé que l'art. 4 de la loi du 18 germinal an X, en statuant qu'aucun concile national ou métropolitain, aucun synode diocésain, au<cune assemblée délibérante n'aura lieu sans la permission expresse du gouverne«ment, » exigeait que les réunions dont il s'agit, pour avoir un caractère suffisant de légalité, fussent l'objet d'une autorisation formulée dans un décret du Président de la République.

« C'est le but, Monsieur le Président, du projet que j'ai l'honneur de mettre sous vos yeux.

Le temps n'est sans doute pas éloigné où le gouvernement pourra, dans cet esprit de vraie liberté qui est au fond de ses sentiments comme dans les principes de la Constitution, soumettre à un examen sérieux l'ensemble de notre législation religieuse et reviser, en particulier, les dispositions de la loi organique du 18 germinal an X. Aujourd'hui il se borne à en assurer l'exécution.

<< Si vous me faites l'honneur, Monsieur le Président, d'approuver le présent rapport, je vous prierai de vouloir bien signer le projet de décret ci-joint.

Le Ministre de l'agriculture et du commerce, chargé par intérim du portefeuille de l'instruction publique et des cultes, « V. LANJUINAIS. >

Paris, le 16 septembre 1849.

(1) Donc, aurait dû conclure le ministre, la tenue des conciles n'a pas besoin d'autorisation préalable, puisqu'elle est conforme à l'esprit libéral de notre Constitution.

(2) M. le ministre aurait dû se demander, au contraire, s'il n'était pas juste et convenable de mettre notre droit public en harmonie avec la Constitution.

(3) A cet égard, il eût dû sembler à M. le ministre que l'art. 4 de la loi du 18 germinal an X, étant contraire à l'esprit comme à la lettre de notre Constitution, il devait présenter à la signature du Président de la République un décret qui annulât formellement cet article 4. Le temps, qui n'était pas éloigné, de réviser les dispositions de la loi organique du 18 germinal an X, n'est point encore arrivé. On voulait, au contraire, en assurer l'exécution.

DECRET du 16 septembre 1849, relatif à la tenue des conciles métropolitains et des synodes diocésains.

« AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

« Le Président de la République,

Vu les art. 1 et 6 du Concordat du 26 messidor an IX;

« Vu l'art. 4 de la loi organique du 18 germinal an X;

« Sur le rapport du ministre de l'agriculture et du commerce, chargé par intérim du portefeuille de l'instruction publique et des cultes, et après en avoir délibéré en conseil des ministres,

« Décrète :

ART. 1er. Sont et demeurent autorisés, pendant l'année 1849, les conciles métropolitains et les synodes diocésains que les archevêques et évêques jugeront utile de tenir en leur métropole ou diocèse pour le règlement des affaires, qui, dans l'ordre spirituel, touchent à l'exercice du culte et à la discipline intérieure du clergé.

ART. 2. Le ministre de l'instruction publique et des cultes est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à l'Elysée, le 16 septembre 1849.

« Le Ministre de l'agriculture et du commerce, chargé par intérim du portefeuille de l'instruction publique et des cultes,

‹ V. LANJUÍNAIS. »

RAPPORT au Président de la République sur le même sujet.

« Monsieur le Président,

«Par un décret du 16 septembre dernier, rendu sur la proposition de M. Lanjuinais, chargé par intérim du ministère de l'instruction publique et des cultes, vous avez autorisé dans l'année 1849 la tenue des conciles métropolitains et des synodes diocésains pour les affaires touchant à l'exercice du culte et à la discipline du clergé. « Ces assemblées ont eu lieu à Paris, à Soissons, à Avignon, à Rennes, et les résultats qu'elles ont produits, dans l'intérêt général des affaires de l'Eglise, ont inspiré à plusieurs membres de l'épiscopat le désir de les continuer (1) en 1850 dans quelques-unes des provinces ecclésiastiques où elles n'ont point encore été tenues.

« Un gouvernement libéral et éclairé ne peut que s'associer de nouveau à cette pensée et l'approuver, avec la ferme confiance qu'elle portera d'heureux fruits (2).

(1) Le ministre a voulu dire sans doute d'en tenir de nouvelles.

(2) Un gouvernement vraiment libéral et vraiment éclairé, qui serait convaincu que la tenue des conciles porte d'heureux fruits, prendrait des mesures pour que rien ne s'y opposât à l'avenir, c'est-à-dire qu'au lieu de faire des décrets ridicules et inutiles, il abrogerait l'article 4 de la loi de germinal an X. Mais on veut, en autorisant la tenue des conciles, se réserver le droit, dans des temps plus heureux, de pouvoir la défendre. Cette arrière-pensée n'est ni libérale, ni même éclairée.

On voit, par ces rapports et par ces décrets, que les conciles métropolitains ne sont autorisés, chaque fois, que pour une année seulement, et que quand les évêques veulent en tenir de nouveaux, ils sont obligés de demander une nouvelle autorisation.

« J'ai donc l'honneur de soumettre à votre approbation, Monsieur le Président, un projet de décret qui proroge pour l'année 1850 le décret du 16 septembre 1849. Veuillez agréer l'hommage de mon profond respect, etc. »

DECRET du 22 mai 1850 relatif à la tenue des conciles provinciaux.

« Le Président de la République,

Sur le rapport du ministre de l'instruction publique et des cultes ;

Vu les articles 1 et 6 du Concordat du 26 messidor an IX;

Vu l'article 4 de la loi organique du 18 germinal an X;

< Vu le décret du 16 septembre 1849, qui autorise les archevêques et évêques à tenir des conciles métropolitains et des synodes diocésains pendant l'année 1849, ‹ Décrète :

‹ ART. 1er. Le décret du 16 septembre 1849, relatif à la tenue des conciles métropolitains et des synodes diocésains, est prorogé pour l'année 1850.

« ART. 2. Le ministre de l'instruction publique et des cultes est chargé, etc. ‹ Fait au palais de l'Elysée-National, le 22 mai 1850.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

« Le Ministre de l'instruction publique et des cultes,
« DE PARIEU. >>

DÉCRET IMPERIAL du 8 janvier 1853, qui autorise les archevêques et évêques à tenir des conciles métropolitains pendant l'année 1853.

« NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, empereur des Français à tous présents et à venir, salut,

< Sur le rapport de notre ministre, etc.,

Vu les articles 1 et 6 du concordat du 26 messidor an IX;

<< Vu l'article 4 de la loi organique du 18 germinal an X;

Vu les décrets des 17 septembre 1849, 22 mai 1850 et 5 septembre 1851, qui ont autorisé les archevêques et évêques à tenir des conciles provinciaux et des synodes diocésains,

« Avons décrété et décrétons ce qui suit :

« ART. 1er. Sont autorisés, pendant l'année 1853 les conciles métropolitains et les synodes diocésains, que les archevêques et évêques jugeront utile de tenir en leur métropole ou diocèse, pour le règlement des affaires qui, dans l'ordre spirituel, touchent à l'exercice du culte et à la discipline intérieure du clergé.

« Notre ministre secrétaire d'Etat au département de l'instruction publique et des cultes (M. Fortoul) est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois. »

CONCORDAT.

Dans notre Cours de droit canon, nous avons donné in extenso toutes les pièces qui ont rapport aux concordats de 1801 et 1817, nous ne pouvons qu'y renvoyer. Nous nous contenterons de placer ici le texte de ces deux pièces importantes.

§ I. CONCORDAT de 1801.

Nous avons déjà fait remarquer, sous le mot ARTICLES ORGANIQUES, qu'il ne fallait pas confondre, comme on le fait communément, le concordat du 26 messidor an IX (15 juillet 1801) avec la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802).

CONVENTION entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII, passée à Paris le 26 messidor an IX (15 juillet 1801), échangée le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801), et promulguée le 18 germinal an X (8 avril 1802).

« Le premier Consul de la république française et Sa Sainteté le Souverain-Pontife Pie VII, ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs,

Le premier Consul: les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'Etat ; Crétet, conseiller d'Etat, et Bernier, docteur en théologie, curé de Saint-Laud d'Angers, munis de pleins pouvoirs ;

‹ Sa Sainteté : Son Eminence Mgr Hercule Consalvi, cardinal de la sainte Eglise romaine, diacre de Sainte-Agathe ad Suburram, son secrétaire d'Etat; Joseph Spina, archevêque de Corinthe, prélat domestique de Sa Sainteté, pareillement munis de pleins pouvoirs en bonne et due forme;

«Lesquels, après l'échange des pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté la convention suivante :

CONVENTION entre le gouvernement français et Sa Sainteté Pie vll.

« Le gouvernement de la république française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des citoyens français. « Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la république.

«En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit :

« ARTICLE 1er. La religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France; son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.

ART. 2. Il sera fait par le Saint-Siége, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français.

« ART. 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs siéges.

<< D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice commandé par le bien de l'Eglise (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu, par

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