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nuelle. D'un autre côté, la guerre au dehors et au dedans, les lois d'exception dont la plupart étaient encore en vigueur, tout concourait à aigrir les esprits. Le parti contre-révolutionnaire devenait tous les jours plus fort: il avait dominé dans plusieurs sessions électorales; et déjà on avait proposé, dans un comité secret des membres des conseils, de dissoudre le directoire.

Enfin, le 18 fructidor (4 septembre 1799) arriva; la scission entre les deux grands pouvoirs de l'Etat avait éclaté; les conseils extraordinairement convoqués s'étaient déclarés en permanence : trois des directeurs prirent enfin une mesure décisive; ils opérèrent un coup d'Etat, et ordonnèrent des proscriptions et des déportations deux membres du directoire, soupçonnés de favoriser le parti royaliste, cinquante-deux membres des conseils, et un grand nombre d'autres individus furent transportès à la Guiane.

Cependant on vit bientôt que cette mesure, loin d'apporter le calme, n'avait fait, au contraire, qu'accroître les mécontentemens. Des mesures extraordinaires n'amenèrent que le changement de quelques individus dans le directoire, sans le faire changer de principes ni de conduite, et les ressorts de la machine politique continuèrent à se froisser jusqu'à ce que la suite des événemens eut amené un nouvel ordre de choses.

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Ce fut le 18 brumaire, que le général Bonaparte, encore tout couvert de la poussière des camps, vint à la face de la France attenter aux droits les plus chers des nations. Le corps législatif est transféré à Saint-Cloud; les cinq cents prêtent, au milieu de l'agitation, un vain serment à la constitution. Bonaparte paraît dans l'assemblée; il veut parler; sa voix est étouffée : le tumulte augmente; des grenadiers occupent les portes, et les baïonnettes viennent décider du nouveau mode de gouvernement.

Les débris de l'assemblée se réunissent sous la présidence d'un frère du général, Lucien : la séance est reprise; le directoire est supprimé et remplacé par une commission consulaire composée de deux ex-directeurs et de Bonaparte lui-même. Un mois après fut publiée la constitution de l'an 8, qui créa le gouvernement consulaire.

DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

DÉCRÉTÉE PAR LES COMMISSIONS LÉGISLATIves des deux CONSEILS ET PAR LES CONSULS.

22 frimaire an 8 ( 13 décembre 1799).

TITRE PREMIER.

De l'Exercice des droits de cité.

ART. 1. La république française est une et indivisible. Son territoire européen est distribué en départemens et arrondissemens communaux.

2. Tout homme né et résidant en France, qui, âgé de vingt-un ans accomplis, s'est fait inscrire sur le registre civique de son arrondissement communal, et qui a demeuré depuis pendant un an sur le territoire de la république, est citoyen français.

3. Un étranger devient citoyen français, lorsqu'après avoir atteint l'âge de vingt-un ans accomplis, et avoir déclaré l'intention de se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécutives.

4. La qualité de citoyen français se perd,

Par la naturalisation en pays étranger; par l'acceptation de fonctions ou de pensions offertes par un gouvernement étranger; par l'affiliation à toute corporation étrangère qui supposerait des distinctions de naissance; par la condamnation à des peines afflictives ou infamantes.

5. L'exercice des droits de citoyen français est suspendu par l'état de débiteur failli, ou d'héritier immédiat, détenteur à titre gratuit de la succession totale ou partielle d'un failli; par l'état de domestique à gages, attaché au service de la personne ou du ménage; par l'état d'interdiction judiciaire, d'accusation ou de contumace.

6. Pour exercer les droits de cité dans un arrondissement communal, il faut y avoir acquis domicile par une année de résidence, et ne l'avoir pas perdu par une année d'absence.

TOME 1.

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7. Les citoyens de chaque arrondissement communal désiguent par leurs suffrages ceux d'entre eux qu'ils croient les plus propres à gérer les affaires publiques. Il en résulte une liste de confiance, contenant un nombre de noms égal au dixième du nombre des citoyens ayant droit d'y coopérer. C'est dans cette première liste communale que doivent être pris les fonctionnaires publics de l'arrondissement.

8. Les citoyens compris dans les listes communales d'un département, désignent également un dixième d'entre eux. Il en résulte une seconde liste dite départementale, dans laquelle doivent être pris les fonctionnaires publics du dépar

tement.

9. Les citoyens portés dans la liste départementale, désignent pareillement un dixième d'entre eux : il en résulte une troisième liste qui comprend les citoyens de ce département éligibles aux fonctions publiques nationales.

10. Les citoyens ayant droit de coopérer à la formation de l'une des listes mentionnées aux trois articles précédens, sont appelés tous les trois ans à pourvoir au remplacement des inscrits décédés ou absens, pour tout autre cause que l'exercice d'une fonction publique.

11. Ils peuvent, en même temps retirer de la liste les inscrits qu'ils ne jugent pas à propos d'y maintenir, et les remplacer par d'autres citoyens dans lesquels ils ont une plus grande confiance.

12. Nul n'est retiré d'une liste, que par les votes de la majorité absolue des citoyens ayant droit de coopérer à sa formation.

13. On n'est point retiré d'une liste d'éligibles par cela seul qu'on n'est pas maintenu sur une autre liste d'un degré inférieur ou supérieur.

14. L'inscription sur une liste d'éligibles n'est nécessaire qu'à l'égard de celles des fonctions publiques pour lesquelles cette condition est expressément exigée par la constitution ou par la loi. Les listes d'éligibles seront formées pour la première fois dans le cours de l'an 9.

Les citoyens qui seront nommés pour la première formation des autorités constituées, feront partie nécessaire des premières listes d'éligibles.

TITRE II.

Du Sénat conservateur.

15. Le sénat conservateur est composé de quatre-vingts membres, inamovibles et à, vie, âgés de quarante ans au

moins.

Pour la formation du sénat, il sera d'abord nommé soixante membres : ce nombre sera porté à soixante-deux dans le cours de l'an 8, à soixante-quatre en l'an 9, et s'élèvera ainsi graduellement à quatre-vingt par l'addition de deux membres en chacune des dix premières années.

16. La nomination à une place de sénateur se fait par le sénat, qui choisit entre trois candidats présentés : le premier, par le corps législatif; le second, par le tribunat, et le troisième par le premier consul.

Il ne choisit qu'entre deux candidats, si l'un d'eux est proposé par deux des trois autorités présentantes; il est tenu d'admettre celui qui serait proposé à la fois par les trois au

torités.

17. Le premier consul sortant de place, soit par l'expiration de ses fonctions, soit par démission, devient sénateur de plein droit et nécessairement.

Les deux autres consuls, durant le mois qui suit l'expiration de leurs fonctions, peuvent prendre place dans le sénat, et ne sont pas obligés d'user de ce droit.

Ils ne l'ont point, quand ils quittent leurs fonctions consulaires par démission.

18. Un sénateur est à jamais inéligible à tout autre fonction publique.

19. Toutes les listes faites dans les départemens en vertu de l'art. 9, sont adressées au sénat: elles composent la liste nationale.

20. Il élit, dans cette liste, les législateurs, les tribuns, les consuls, les juges de cassation, et les commissaires à la comptabilité.

21. Il maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés, comme inconstitutionnels, par le tribunat ou par le gouvernement. Les listes d'éligibles sont comprises parmi

ces actes.

22. Des revenus de domaines nationaux déterminés sont affectés aux dépenses du sénat. Le traitement annuel de cha

cun de ses membres se prend sur ces revenus, et il est égal au vingtième de celui du premier consul.`

23. Les séances du sénat ne sont pas publiques.

24. Les citoyens Sieyes et Roger-Ducos, consuls sortans, sont nommés membres du sénat conservateur; ils se réuniront avec les second et troisième consuls nommés par la présente constitution. Ces quatre citoyens nomment la majorité du sénat, qui se complète ensuite lui-même, et procède aux élections qui lui sont confiées.

TITRE III.

Du Pouvoir législatif.

25. Il ne sera promulgué de lois nouvelles que lorsque le projet en aura été proposé par le gouvernement, communiqué au tribunat, et décrété par le corps législatif.

26. Les projets que le gouvernement propose, sont rédigés en articles. En tout état de la discussion de ces projets, le gou vernement peut les retirer; il peut les reproduire modifiés.

27. Le tribunat est composé de cent membres, âgés de vingt-cinq ans au moins; ils sont renouvelés par cinquième tous les ans, et indéfiniment rééligibles tant qu'ils demeurent sur la liste nationale.

28. Le tribunat discute les projets de loi; il en vote l'adoption ou le rejet.

İl envoie trois orateurs, pris dans son sein, par lesquels les motifs du vœu qu'il a exprimé sur chacun de ces projets, sont exposés et défendus devant le corps législatif.

Il défère au sénat, pour cause d'inconstitutionnalité seulement, les listes d'éligibles, les actes du corps législatif, et ceux du gouvernement.

29. Il exprime son vœu sur les lois faites et à faire, sur les abus à corriger, sur les améliorations à entreprendre dans toutes les parties de l'administration publique, mais jamais sur les affaires civiles ou criminelles portées devant les tribunaux.

Les vœux qu'il manifeste, en vertu du présent article, n'ont aucune suite nécessaire, et n'obligent aucune autorité constituée à une délibération.

30. Quand le tribunat s'ajourne, il peut nommer une com→ mission de dix à quinze de ses membres, chargée de le convo quer si elle le juge convenable.

31. Le corps législatif est composé de trois cents metnbres,

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