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La première cessa d'avoir lieu quand le systême féodal s'établit; la seconde continua à exister, et c'est ce que nous avons appelé cour du roi, ou des plaids royaux. Mais ici encore

il

y a une distinction à faire. Quand Saint-Louis eut aboli la jurisprudence des siècles barbares, il s'introduisit naturellement de nouvelles formes de procédure; il fallut ouïr et confronter des témoins, examiner des actes ou peser des raisonnemens. Ceux qui ne savaient que manier l'épée, devaient dès-lors se trouver au second rang; et il fallait nécessairement que des membres du bas clergé et des communes, les seuls hommes qui fussent alors éclairés, prissent quelque part à l'instruction des affaires; c'est ce qui arriva effectivement, et cela produisit un changement notable. Car les barons s'éloignèrent d'une cour où siégeaient des clercs et des villains, et alors il y eut, en quelque sorte, deux tribunaux dans un seul, composé, comme nous venons de le dire, et présidé par un officier royal, ce fut la cour du palais; elle put connaître de la plupart des affaires; quelques-unes seulement demandaient le concours du roi, et de ses assesseurs ordinaires, ce fut la cour des plaids royaux (1).

La première eut lieu, de règne en règne, plus fréquemment; la seconde devint, de jour en jour, plus rare. Les assises de la première furent appelées parlemens, et le nom lui en resta quand les assisses furent devenues permanentes, ou à-peu-près; les séances de la seconde semblent avoir fait naître et amené l'usage des lits de justice.

Philippe-le-Bel porta, en 1302, une ordonnance fameuse, qui rendit la cour sédentaire à Paris, et lui assigna deux assises par an Propter commodum subditorum nostrorum et expeditionem causarum proponimus ordinare; quòd duo PARLAMENTA Parisiis tenebuntur in anno, dit la loi.

Ainsi, le parlement remplaça donc la cour du roi, ou plutôt une section de la cour du roi. C'est à ce titre qu'il devint

(1) Le comte de Buat, Des Origines, tom. I.

la cour des pairs, quand les pairs y assistèrent. La suite nous présentera les modifications amenées par le temps dans l'existence de ce corps célèbre.

S XXVII.

·Des Etats-généraux.

Ceux qui ont voulu que les parlemens fussent les véritables Etats-généraux de la nation, ont accumulé citations sur citations, pour prouver un fait qui ne prouvait rien; c'est que le parlement avait vraiment remplacé l'ancienne cour du roi. Cela est incontestable sans doute; mais ce qu'il s'agissait surtout de démontrer, c'était que la cour du roi pouvait être assimilée aux premières assemblées nationales, et qu'elle n'en offrait qu'une représentation fidèle. Or, tout dément cette supposition.

Tout prouve que la présence de la troisième classe de la nation, fut toujours nécessaire pour constituer l'assemblée nationale. Les premières années de notre histoire, le règne de Charlemagne, et l'époque où nous sommes parvenus l'attestent également. Il est constant que, tant que cette troisième classe n'exista pas politiquement, il y eut bien des conseils de leudes ou des barons, des placita ou parlamenta, mais point d'assemblée nationale; et l'existence de ces conseils ne prouve autre chose que ce que nous avons dit plus haut ; c'est que l'assentiment de quelques Français fut toujours nécessaire pour changer en loi l'expression des volontés du souverain.

Les assemblées nationales avaient disparu avec la liberté de tout ce qui ne pouvait être compté parmi la noblesse ou le clergé. Elles devaient reparaître avec l'affranchissement des

communes.

Philippe-le-Bel engagé dans une de ces luttes avec le souverain pontife, qui, quelques siècles avant, ébranlaient le trône des rois, crut devoir grouper autour de lui la nation tout entière, pour soutenir l'honneur et les droits de sa couronne, contre l'orgueil de Boniface VII. Il forma donc une

assemblée nationale, en 1301, dans l'église de Notre-Dame, de Paris. On a appelé depuis ces assemblées états-généraux. Les trois ordres composant la nation française, le clergé, la noblesse et le tiers-état, y étaient représentés par des députés. Voilà, sans contredit, l'institution la plus auguste que nous offre l'ancienne constitution de France, et au sein de laquelle on retrouve, par un étrange rapprochement, le berceau et la chûte de la monarchie. On éprouve sans cesse un regret en lisant notre histoire, c'est qu'elle ait été si rarement comprise, et par le gouvernement, et par les états eux-mêmes. S XXVIII.

Des Assemblées des notables.

La formation des Etats demandait le concours du peuple; le gouvernement, en faisant chaque année un pas nouveau vers le pouvoir absolu, craignait aussi, de jour en jour, de l'appeler à l'élection d'assemblées, qui devaient naturellement se ressouvenir qu'elles avaient été souveraines.

On forma alors une image des états-généraux, qui reçut le nom d'assemblée des notables. Les députés en étaient choisis par le monarque.

Il y a de remarquable dans cet établissement, qu'un quatrième ordre, en quelque sorte, y fut introduit ; c'est la magistrature, qui n'avait point fait partie des états-généraux, parce que la noblesse ne voulait pas la recevoir dans ses rangs, et qu'elle ne voulait pas s'associer au tiers-état.

Les assemblées des notables, convoquées en France, n'ont laissé aucun monument remarquable de leur existence. Elles n'ont jamais été utiles, parce qu'elles étaient une altération manifeste de la constitution primitive de la monarchie.

S XXIX.

Des Lits de justice.

Nous en avons déjà indiqué l'origine. Il semble, en effet, qu'on peut la rapporter à cette révolution qui survint vers le

règne de Philippe-le-Bel, dans l'existence de la cour du roi, et d'où naquit le parlement. Le roi et ses barons cessèrent d'en faire partie ordinairement; mais ils vinrent encore y siéger, dans des circonstances graves où le tribunal ordinaire ne pouvait prononcer seul.

Quand la cour de parlement se fut arrogé une influence politique, qu'un corps quelconque devait nécessairement exercer en France pour balancer l'autorité royale, il arriva que ces séances extraordinaires changèrent d'objet, et qu'elles furent particulièrement destinées à faire fléchir l'opposition des magistrats devant l'appareil imposant de la majesté royale ; mais le nom même de lits de justice qu'elles conservèrent, put rappeler leur destination primitive.

Les lits de justice furent souvent un puissant moyen de braver le vœu public, et de mépriser les conseils des sages. Ce fut une institution fatale, en ce qu'elle annihilait le principe fondamental de la constitution, et fondait le gouvernement absolu. Ce fut un des ressorts les plus ordinaires de l'inexpérience et de la faiblesse des ministres.

Charles-le-Sage, surtout, établit l'usage des lits de justice, où la nation qui n'avait vu naître que des troubles de la fréquente formation des états, sous le règne précédent, croyait trouver une image suffisante de ces assemblées fameuses, et où le politique monarque était en même temps beaucoup plus sûr de faire adopter ses voeux sans recourir à la violence. Mais arrêtons-nous sur le règne du roi Jean.

S. XXX.

Jean second.

fut

Avec les Valois commencèrent les calamités de la France.. Il est à remarquer que presque tous les princes qui portèrent ce nom, furent ou inhabiles ou malheureux; le royaume sur le point de tomber au pouvoir des Anglais, sous la première branche, et au pouvoir des Espagnols, sous la seconde. Des batailles perdues et des rois captifs, des dissensions et

des massacres; voilà ce que présente trop souvent notre histoire, à cette époque.

Le principe de la loi salique, excluant les femmes de la couronne, avait reçu une nouvelle sanction, à l'avénement de Philippe-de-Valois. Il semble que c'est de ce règne que date une autre loi fondamentale, méconnue à la vérité trop sou-. vent par Philippe lui-même et par ses successeurs, mais dont le peuple a pu constamment réclamer l'exécution; c'est que, l'impôt doit être consenti par une assemblée nationale.

Jean, desirant de ne pas mécontenter la nation, comme avait fait son père, assembla les États en 1355; mais il suivit l'usage adopté dans quelques circonstances par ses prédécesseurs. Il y eut deux assemblées. Les États de la langue d'Oyl furent convoqués à Paris; ceux de la langue d' Oc, au-delà de la Loire. Le gouvernement croyait pouvoir de la sorte diriger plus faci

lement ces assemblées.

Les articles arrêtés par ces Etats et convertis en ordonnances, sont célèbres : voici les principaux. Trois députés de chacun des trois ordres formèrent un conseil chargé de représenter l'assemblée auprès de la couronne, après sa dissolution. Le roi s'engagea à les consulter dans toute affaire importante, et surtout s'il s'agissait de paix ou de trève.

On envoya dans chaque bailliage trois députés nommés Elus, ayant sous leur surveillance les officiers chargés de la perception de l'aide accordée. L'argent dut être envoyé à Paris aux receveurs-généraux, placés également sous l'inspection des neuf commissaires.

Les élus et les officiers des aides, prêtèrent serment de ne délivrer aucune somme, que pour la solde des troupes, de résister aux ordres illégaux du roi ou de son conseil, et d'opposer la force à la force.

Il fut convenu que, si le roi n'observait pas ces articles, l'aide qu'on lui avait accordée demeurerait supprimée; en outre, qu'il n'y aurait pas de décision, si l'avis des neuf commissaires

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