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PREMIÈRE PARTIE

Des personnes punissables, ou des éléments de l'incrimination.

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Toute infraction ou violation du commandement légal comporte des éléments de deux sortes, les uns, matériels, les autres, moraux ou intentionnels.

Toute infraction est d'ailleurs un crime,

ou un délit, ou une contravention. Ainsi dispose l'art 1er du Code pénal:

L'infraction que les lois punissent des peines de police est une contravention.

« L'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles est un délit.

« L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un crime. >>

Cette division est fondamentale; elle domine tout le droit pénal français et ne doit jamais être perdue de vue. Il n'y a donc pas lieu d'étendre la division légale et d'y ajouter les délits contraventionnels, qui tiendraient le milieu entre les délits intentionnels et les contraven

tions proprement dites (1). Par conséquent, dès qu'un fait est punipar le Code pénal, ou par une loi spéciale, de peines qui de leur nature sont correctionnelles, ce fait, à moins d'une disposition légale formelle en sens contraire, doit être considéré comme délit. On doit donc appliquer à ce fait les règles ordinaires de la tentative, de la complicité, du non-cumul des peines et de la prescription (2).

Ainsi donc c'est la peine légale et non la nature intrinsèque de l'infraction qui doit être prise pour règle constante, quand il s'agit de caractériser une infraction (3). La classification des diverses infractions est par là même facile et simple; mais, tous les criminalistes l'ont fait observer, elle est peu philosophique; car c'est la gravité intrinsèque de la faute qui devrait déterminer la peine, et non pas la rigueur de la peine qui devrait mesurer le délit, pœna ex delicto, non delictum ex pæna. Toutefois, comme le législateur n'est pas un philosophe qui se complaît principalement dans la théorie, on doit reconnaître que le critérium admis par l'art. 1er du Code pénal a l'avantage d'être rapide et saisissant. Voulez-vous savoir quelle est la nature de tel ou tel méfait? vous n'avez pas à vous égarer dans une discussion de morale, plus ou moins abstraite, envisagez uniquement la peine dont ce fait est frappé par la loi. Car il est hors de doute que ce qui est à considérer, c'est non point la peine qui sera

(1) Cass. 23 février 1884. S. 1886. 1. 233.

(2) Art. 3 et 59 C. pén., art. 365 et 638 Inst. crim. Ainsi l'action civile résultant d'un délit de grande voirie se prescrit par trois ans, parce que ce délit est passible d'une amende qui ne peut descendre au-dessous de 16 fr. (L. 23 mars 1842), et toute amende qui excède quinze francs est une amende de police correctionnelle.

(3) Comp. Cass. 11 février 1876, S. 1876. 1. 233. 28 février 1885. S. 1887. 1. 41.

en réalité appliquée au coupable, mais bien uniquement la peine à appliquer légalement. L'individu poursuivi pour un vol qualifié et reconnu coupable de ce vol pourra fort bien n'être, en définitive, condamné qu'à une peine d'emprisonnement; n'importe, la peine du vol qualifié est une peine criminelle; donc il y a lieu d'appliquer, en ce cas, la compétence et la procédure en matière de crimes.

Les expressions: crime, délit, contravention, ont donc un sens restreint et exclusif.

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Mais parfois on donne au mot délit une signification plus large et générale. « Faire ce que défendent, disait l'art. 1er du Code des délits et des peines, ne pas faire ce qu'ordonnent les lois, qui ont pour objet le maintien de l'ordre social et de la tranquillité publique, est un délit. » Le Code pénal n'a pas reproduit cette définition, mais souvent, dans la langue du droit, on désigne par délit toute infraction quelconque; c'est ainsi qu'on parle de flagrant délit, du corps du délit, de délits connexes. Au point de vue civil, tout fait illicite qui cause un dommage à autrui est un délit ; il y a quasi-délit, si le dommage n'a pas été intentionnel. Tout délit donne naissance à une action en dommagesintérêts (art. 1382 C. civ.). Mais un délit peut être puni par la loi, sans même qu'un préjudice quelconque ait été causé à une personne déterminée, dès que le législateur voit dans ce fait un trouble apporté à l'ordre social. La plupart du temps, le même fait constitue un délit de droit civil et un délit pénal. Parfois il en est différemment. Ainsi le vagabondage et la mendicité sont des délits de droit pénal uniquement. En sens contraire, le recel d'objets de l'hérédité, ou de la communauté (art. 792, 1460 et 1477 C. civ.), n'est qu'un délit civil. Blesser quelqu'un par imprudence, c'est commettre un délit pénal et un quasi-délit civil.

ÉLÉMENTS DE DROIT PÉNAL.

Tout fait d'une personne humaine, extérieur et réprimé par la loi pénale, est un délit pénal, qu'il consiste dans une action ou dans une omission; délit, de delinquere, dévier de la ligne droite.

Au point de vue matériel, on distingue :

Le délit simple ou instantané, accompli par un fait unique, ou par plusieurs actes inséparables les uns des autres et dont la réunion forme un tout unique et complet: tels le meurtre, le vol, l'incendie;

Le délit successif ou continu, par exemple la séquestration de personnes, le port illégal de décorations, la désertion, l'insoumission; c'est la réunion de plusieurs faits se succédant les uns aux autres qui constitue le délit.

Mais conserver le bénéfice du crime accompli, si, de sa nature, ce crime est simple, ce n'est pas se rendre coupable d'un crime successif ou continu. Tel est le cas du bigame (art. 340 C. pén.). Le crime de bigamie résulte du seul fait du second mariage, contracté avant la dissolution du premier; il n'y a pas à se préoccuper de la durée, plus ou moins prolongée, de ce second mariage.

La distinction des délits instantanés et des délits continus est de grande importance, au point de vue de la prescription. En effet, la prescription pour un délit continu ne commence à courir que du jour où cesse le fait ou l'état qui constitue le délit.

Le délit est simple ou qualifié, suivant qu'il a été perpétré dans des circonstances qui en marquent la gravité et le danger. La soustraction frauduleuse de la chose d'autrui est un vol; le vol commis avec violence, le vol sur les grands chemins sont des vols qualifiés.

Le délit d'habitude n'existe que par la réitération d'actes semblables; faire un seul prêt usuraire, ce

n'est pas commettre le délit d'usure; ce délit n'existe, en effet, qu'en cas d'habitude de prêts usuraires.

Les faits distincts et réunis qui constituent le délit d'habitude ne forment qu'un délit; au contraire, les délits connexes se distinguent isolément les uns des autres, quoiqu'ils aient un lien commun.« Les délits sont connexes, suivant. l'art. 227 Inst. crim., soit lorsqu'ils ont été commis en même temps, par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les uns pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution, ou pour en assurer l'impunité. »

La connexité des délits peut modifier les règles ordinaires d'instruction et de compétence, la poursuite des divers délits connexes ne devant pas, en général, être divisée. L'art. 304 C. pén. présente un cas remarquable de connexité. Le meurtre emporte la peine. de mort, lorsqu'il précède, accompagne ou suit un autre crime. Il en est de même, lorsqu'il a pour objet de préparer ou de faciliter même un simple délit.

On distingue encore le délit flagrant et le délit non flagrant. « Le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre est un flagrant délit. Sont aussi réputés flagrant délit le cas où le prévenu est poursuivi par la clameur publique et celui où le prévenu est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers. faisant présumer qu'il est auteur ou complice, pourvul que ce soit dans un temps voisin du délit. » (Art. 41 Inst. crim.)

La distinction n'a d'importance qu'au point de vue de la procédure (art. 59 Inst. crim.) (1). En cas de fla

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