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ridicules. Qu'ils sachent encore qu'un bon frère ignorantin, chargé d'ans, d'expérience et de vertus, qui a voué sa vie à l'enseignement des pauvres, qui meurt lui-même pauvre et oublié, après avoir appris aux enfans des misérables à lire dans ce livre où J. C. bénit ceux qui pleurent; qu'ils sachent, dis-je, que ce vénérable homme vaut un million de fois mieux, est un million de fois plus habile que le grimaud le plus barbouillé d'encre et de latin.

Il y avoit avant et pendant la révolution de sottes mères qui prenoient l'irréligion de leurs fils pour de l'esprit. Elles voyoient se développer en eux le germe de la corruption avec le même plaisir qu'elles voyoient pousser leur barbe: mirandaque matri barba mece. Le jour est venu où elles ont pleuré amèrement. Elles avoient applaudi à des doctrines qui glacent le cœur ; elles n'ont trouvé dans leurs fils qu'indifférence et ingratitude. Les uns ont succombé sous le poids d'une jeunesse prématurée; les autres, dénués de talens comme de vertus, se traînent encore dans ce monde, méprisés de la terre sans être préparés pour le ciel on n'est pas toujours digne de mourir, parce qu'on est indigne de vivre.

On tempérera ces graves sujets par des peinures qui plaisent à d'autres esprits. On trouvera des écrivains qui sont propres à peindre le monde au milieu duquel ils vivent. On rencontre aujourd'hui dans les sallons deux socié

tés; l'une, finit et l'autre commence. Toutes deux ont des ridicules; mais on doit écarter des tableaux qu'on en voudroit faire, ce qui pourroit blesser. Il faut même que l'indulgence se montre à travers l'austérité de la leçon. Ne donnons aux Athéniens que les lois qu'ils peuvent supporter; nous ne retournerons pas à la pureté des premiers âges : les hommes sont enfans de leur siècle. Quand César parut à Rome, la vertu étoit passée; il ne trouva plus que la gloire il la prit, faute de mieux.

Sur l'ancienne et sur la nouvelle société de la France, j'indiquerai un fait souvent répété dans l'histoire. Quand une révolution a bouleversé un empire, chacun, pendant les troubles de l'Etat, rentrant dans le droit de nature, ceux qui s'élèvent ont presque tous un mérite quelconque, parce qu'ils doivent en partie leurs succès à leurs talens, tandis que ceux qui disparoissent peuvent en général imputer leur abaissement à leur nullité. Mais il y a bientôt compensation, car les fils de l'homme monié au pouvoir, dégénèrent vite dans les jouissances d'une fortune dout leur famille n'a pas l'habitude; et au contraire les enfans de l'homme tombé, instruits à l'école du malheur, retrouvent les vertus qu'avoit perdues leur père.

Que l'on calcule maintenant : Si c'est la majorité qui l'a emporté sur la minorité pendant la révolution, nous valons mieux aujourd'hui que nous ne vaudrons dans vingt-cinq ans ; si c'est la mino

rité qui a surmonté la majorité, dans un quart de siècle, nous serons supérieurs à ce que nous

sommes.

Une autre chose digne encore d'observation, c'est le singulier contraste qui existe aujourd'hui entre nos idées et nos mœurs. Les premières rejettent toute espèce d'entraves, parce qu'elles sont vivement éclairées : le spectacle des révolutions nous a appris à juger tout, à n'avoir d'illusions sur rien. Mais, par nos mœurs, nous sommes les plus sou¬ mis des hommes ; c'est le résultat de notre corruption et de nos malheurs. Libre de tous les préjugés, esclave de toutes les passions, dominant toutes les lois, rampant sous tous les maîtres, le siècle est demeuré indépendant par l'esprit, dépendant par le caractère cela explique bien des paroles et bien des actions.

La littérature et les arts doivent trouver place dans le Conservateur, du moins en ce qui touche à la politique.

On remarquera qu'un des principaux caractères des écrits du jour, c'est l'ignorance; elle perce à chaque ligne, se décèle à chaque mot. Il faudra quelquefois la corriger en riant.

J'observe

Nous nous perfectionnons, soutient - on dans beaucoup de pamphlets. J'ai quelques doutes. , par exemple, que les lois deviennent meilleures à mesure que les inceurs se détériorent; de sorte que le peuple le plus corrompu (les

Romains de l'Empire) nous a laissé le plus beau corps de lois. Et pourtant les premiers enfans de Rome échappèrent à Brennus, et les derniers suc combèrent sous Alaric. Seroit-ce que les nations se sauvent plutôt par leur innocence que par leur sagesse? La perfection ici seroit en défaut.

Il est fâcheux que, pour juger de la progression de notre bonheur, nous n'employions pas l'urne des Scythes c'étoit une urne où chaque Scythe jetoit, le soir, une petite pierre blanche ou noire, selon que le jour avoit été pour lui heureux ou malheureux : on comptoit au bout de la vie. Combien le perfectionnement dont nous jouissons de puis trente ans, a-t-il augmenté pour nous le nombre des pierres blanches?

On nous dira comment on inonde les dépar temens d'écrits infàmes contre les Bourbons, et contre tous les hommes dévoués à la cause royale; on nous expliquera comment ces écrits circulent librement, comment ils se vendent au plus vil prix, ou plutôt comment ils se donnent, tandis que les écrits dans un sens contraire trouvent des obstacles de tous côtés.

On rendra un service, non- seulement à la France, mais à l'Europe, en découvrant la source de ces prétendus manuscrits de Saint-Hélène, qui semblent naître en Angleterre, passent ensuite dans le continent pour y semer de nouvelles révo lutions.

Plus on défendra les principes de la vraie liberté, plus on réclamera pour les citoyens la garantie et l'égalité des droits, et plus on devra s'élever contre tout ce qui passe les limites posées par l'expérience, marquées par la Sagesse. On tonnera contre les propagateurs des principes qui nous ont perdus. On répétera que sans le Roi, sans l'autorité royale dans toute sa majesté, dans toute sa plénitude, c'en est fait de notre patrie. Respect, amour, vénération pour notre auguste Monarque. Hors de la monarchie des Bourbons point de salut. Et croit-on que les démagogues qui crient à la liberté lui élèvent un autel dans leur cœur? ils ne l'ont jamais aimée ; ils ne l'ont jamais servie. Ce qu'ils désirent, c'est l'abaissement de tout ce qui est au-dessus d'eux. Ils accepteroient demain le despotisme, pourvu que ce fût avec l'égalité de 93. Leur amour de la liberté, c'est de la haine et de l'envie; la république qu'ils veulent, c'est une république d'esclaves, la démocratie des cimetières, le niveau de la mort. Tuez les prêtres et les nobles : tout leur sera bon, Alger ou Maroc. Point de religion surtout! elle s'oppose trop aux injustices, guérit trop de blessures, excite trop de remords. Fléaux du genre humain, il y a des doctrines qui ravagent le monde, et dont on peut dire ce qu'Attila disoit de son cheval: L'herbe ne croit plus partout où elles ont passé.

Le théâtre est une autre branche de littérature

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