Page images
PDF
EPUB
[graphic][ocr errors][ocr errors][subsumed][subsumed]

INTRODUCTION.

Les institutions et les mœurs de la France se sont modifiées et développées pendant plusieurs siècles en suivant une loi de progrès, dont un dictionnaire ne peut donner une idée suffisante. L'inconvénient d'un pareil ouvrage est de disséminer ce qui devrait être réuni. Pour remédier autant que possible à ce défaut, il est nécessaire de présenter, dans une esquisse rapide, l'enchaînement chronologique des institutions ou de la vie publique, et le progrès des mœurs ou de la vie privée des Français. Tel est le but de cette introduction.

Les institutions, qui règlent la vie publique, comprennent l'état des personnes et des choses, le gouvernement cent et local, l'administration des finances, de l'armée de la justice de la marine, le commerce, l'industrie, l'agriculture, mesures de salubrité publiles que, les relations des puissances temporelle et spirituelle, l'instruction publique et les établissements qui contribuent au développement scientifique, littéraire et artistique d'une nation. Les mœurs et coutumes, qui constituent la vie privée, embrassent tout ce qui est relatif à la famille, aux habitations, à la nourriture, aux vêtements, aux fêtes et divertissements. Souvent les deux sujets se touchent; les mœurs modifient les institutions qui ne sont plus en harmonie avec elles, et à leur tour les institutions règlent les relations de la vie privée, interviennent dans la famille, assurent la salubrité des habitations et exercent une influence utile ou funeste sur les habitudes domestiques. On ne peut donc réellement connaître l'histoire d'un peuple qu'en étudiant ses mœurs aussi bien que ses institutions et sa vie politique. Les limites de cette introduction permettent à peine de poser les questions et d'indiquer quelques solutions.

a

I.

INSTITUTIONS; ÉTAT DES PERSONNES.

[ocr errors]

De l'état des personnes sous la domination romaine. Dans les derniers temps de l'empire romain, au Ive siècle, il existait une différence profonde entre les diverses classes de la société. Les hommes libres et les esclaves formaient les deux principales catégories. Les premiers se subdivisaient en nobles, presque tous de création récente, appelés illustrissimes, clarissimes, egregii, spectabiles, etc.; en curiales qui formaient l'aristocratie des municipes, et en plébéiens qui composaient les corporations industrielles. Les nobles, exempts d'impôts, étaient en possession de toutes les charges; c'étaient les privilégiés d'un empire, qui, suivant l'expression d'un poëte contemporain, Sidoine Apollinaire, faisait porter au peuple le poids de son ombre 1.

Les curiales étaient les habitants des villes, possesseurs de vingtcinq arpents de terre. Dans l'origine, cette classe jouissait de droits. politiques et civils d'une haute importance; elle exerçait les charges municipales, rendait la justice, percevait l'impôt, administrait les biens de la cité, etc. Mais, lorsque les impôts se multiplièrent et qu'un édit impérial rendit les curiales responsables de la perception intégrale, la prospérité de cette classe fit place à une effroyable misère. Les curiales ruinés cherchèrent à échapper à l'oppression tyrannique de l'empire; les uns s'enfuirent chez les barbares, d'autres se firent bagaudes, c'est-à-dire brigands; en révolte contre la société, ils se dispersèrent dans les forêts, et il fallut envoyer contre eux des armées romaines. La classe moyenne disparut ainsi. Les corporations industrielles établies par Alexandre Sévère survécurent, dans beaucoup de villes, à l'empire romain, mais opprimées par les hautes classes et souvent ruinées par la concurrence du travail des esclaves.

Les colons, attachés à la glèbe, formaient la transition entre les hommes libres et les esclaves. Il est inutile d'insister sur la misère de ces derniers, que la loi ne considérait que comme des choses, et

Portavimus umbram

Imperii..... (Per. gall. et franc. script., 1, 810).

abandonnait au caprice du maître, qui pouvait les vendre ou les livrer aux plus affreux supplices

Les

De l'état des personnes sous la domination des barbares. invasions du ve siècle modifièrent profondément l'état des personnes. Elles divisèrent la population de la Gaule en deux classes, diverses de race, de langue, de lois, de mœurs et d'intérêts. Aux vainqueurs appartenaient les droits politiques et souvent même la propriété exclusive des terres; ils se partageaient en ahrimans ou hommes de guerre, qui conservaient dans l'isolement leur fierté et leur indépendance primitives; en leudes ou compagnons du chef de guerre; enfin, en lites, dont la condition se rapprochait de celle des esclaves romains. Les vaincus étaient aussi partagés en plusieurs classes; les uns, nommés par les lois barbares convives du roi, étaient presque les égaux des leudes; ils devaient à leur astuce, à leur souplesse, quelquefois à leurs basses complaisances et à leurs crimes, le rang auquel ils s'élevaient. Tel était cet Arcadius, qui attira dans le piége les fils de Clodomir, pour gagner les bonnes grâces de Childebert et de Clotaire. A un rang inférieur se plaçaient les colons et les fiscalins; c'était la partie de la population vaincue, qui était attachée à la glèbe ou dans la dépendance du fisc royal. La condition des fiscalins était misérable. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler la conduite de Chilpéric Ier à leur égard. Lorsqu'il en

[ocr errors]

1. Voy., dans le Dictionnaire, les aricles AFFRANCHISSEMENT, BAGAUDES, COLONS, CORPORATION, DROIT ROMAIN, MUNICIPES, ROMAINS, VOIES ROMAINES. Ouvrages à consulter: Notitia dignitatum imperii romani, ed. Boecking; Code théodosien (Codex theodosianus), (6 vol. in-fol., Lyon, 1665. Cette édition est de J. Godefroy, dont les commentaires sont estimés; Hænel a donné une nouvelle édition supérieure pour la pureté du texte); Sidoine Apollinaire (Paris, 1652, in-4, 2o édition, donnée par Jacq. Sirmond, avec des notes étendues); Salvien, De gubernatione Dei (Paris, 1684, in-8); P'Histoire de la Gaule sous l'administration romaine, par M. Amédée Thierry, 3 vol. in-8; Des changements survenus dans l'empire romain de Dioclétien à Constantin, par M. Naudet (Paris, 1817,2 vol. in-8); Roth, Dere municipali Romanorum, Stuttgard, 1801; Savigny, Histoire du droit romain pendant le moyen âge, 3 vol. in-8, dans la traduction française; Raynouard, Histoire du droit municipal en France (2 vol., Paris, 1828); De La Rue, des Sénats des Gaules dans le t. I des Mémoires de l'A-cadémie celtique (Paris, 1807); Essais sur l'histoire de France, par M. Guizot, 1er essai, et Cours d'histoire de la civilisation en France, par le même; Histoire du droit français, par M. La Ferrière, t. I, et l'ouvrage de M. Giraud, intitulé Du droit français au moyen âge, 2 vol. in-8. Voy., pour les indications bibliographiques plus complètes, les nos XIII et XIV de cette introduction..

17

[graphic][merged small][ocr errors][merged small]
« PreviousContinue »