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Ils ont signé des préliminaires de paix qui vont être soumis à l'Assemblée nationale. Pendant le temps nécessaire à l'examen de ces préliminaires, les hostilités eussent recom:nencé, et le sang aurait inutilement coulé sans une prolongation d'armistice.

Cette prolongation n'a pu être obtenue qu'à la condition d'une occupation partielle et très-momentanée d'un quartier de Paris. Cette occupation sera limitée au quartier des Champs-Élysées. Il ne pourra entrer dans Paris que trente mille hommes, et ils devront se retirer dès que les préliminaires de la paix auront été ratifiés, ce qui ne peut exiger qu'un petit nombre de jours.

Si cette convention n'était pas respectée, l'armistice serait rompu. L'ennemi, déjà maître de nos forts, occuperait de vive force la cité tout entière. Vos propriétés, vos chefs-d'œuvre, vos monuments, garantis aujourd'hui par la convention, cesseraient de l'être. Ce malheur atteindrait toute la France. Les affreux ravages de la guerre, qui n'ont pas encore dépassé la Loire, s'étendraient jusqu'aux Pyrénées.

Il est donc absolument vrai de dire qu'il s'agit du salut de Paris et de la France. N'imitez pas la faute de ceux qui n'ont pas voulu nous croire lorsque, il y a huit mois, nous les adjurions de ne pas entreprendre une guerre qui devait être si funeste.

L'armée française, qui a défendu Paris avec tant de courage, occupera la rive gauche de la Seine pour assurer la loyale exécution du nouvel armistice.

C'est à la garde nationale à s'unir à elle pour maintenir l'ordre dans le reste de la cité.

Que tous les bons citoyens qui se sont honorés à sa tête et se sont montrés si braves devant l'ennemi reprennent leur ascendant, et cette cruelle situation d'aujourd'hui se terminera par la paix et le retour de la prospérité publique.

Signé: THIERS,

Chef du pouvoir exécutif
de la République française.
Signé JULES FAVRE,
Ministre des affaires étrangères.

Signé ERNEST PICARD,

Ministre de l'intérieur.

N° 1118.

PROCLAMATION DE M. ERNEST PICARD AUX HABITANTS DE PARIS.

Paris, le 27 février 1871.

Les préliminaires de la paix ont été signés hier. Ils seront soumis au vote de l'Assemblée nationale. Un nouvel armistice de quinze jours fait cesser dès à présent les contributions et les réquisitions de guerre que chaque jour aggravait.

Malgré tous les efforts, il n'a pas été possible d'empêcher l'entrée, dans certains quartiers de Paris, d'une partie de l'armée allemande. Nous n'avons pas besoin de dire les sentiments que fait naître en nous cette épreuve que le Gouvernement aurait voulu épargner à la ville de Paris. Les négociateurs allemands avaient proposé de renoncer à toute entrée dans Paris, si l'importante place de Belfort leur était concédée définitivement. Il leur a été répondu que si Paris pouvait être consolé dans sa souffrance, c'était par la pensée que cette souffrance valait au pays la restitution d'un de ses boulevards, tant de fois et naguère encore illustré par la résistance de nos soldats.

Nous faisons donc appel au patriotisme des habitants de Paris, en les conjurant de rester calmes et unis. La dignité dans le malheur est à la fois l'honneur et la force de ceux que l'honneur a trahis; elle doit être aussi leur espérance d'un meilleur avenir.

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Entre le chef du pouvoir exécutif de la République française, M. Thiers, et le ministre des affaires étrangères, M. Jules Favre, représentant la France, d'un côté,

Et, de l'autre, le chancelier de l'empire germanique, M. le comte

Otto de Bismarck-Schonhausen, muni des pleins pouvoirs de S. M. l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse;

Le ministre d'État et des affaires étrangères de S. M. le roi de Bavière, M. le comte Otto de Bray-Steinburg;

Le ministre des affaires étrangères de S. M. le roi de Wurtemberg, M. le baron Auguste de Waechter;

Le ministre d'État, président du conseil des ministres de S. A. R. Monseigneur le grand-duc de Bade, M. Jules Jolly;

Représentant l'Empire germanique;

Les pleins pouvoirs des deux parties contractantes ayant été trouvés en bonne et due forme, il a été convenu ce qui suit, pour servir de base préliminaire à la paix définitive à conclure ultérieurement;

Cession de territoire.

Art. 1. La France renonce en faveur de l'Empire allemand à tous ses droits et titres sur les territoires situés à l'est de la frontière ci-après désignée :

La ligne de démarcation commence à la frontière nord-ouest du canton de Cattenom, vers le grand-duché de Luxembourg, suit, vers le sud, les frontières occidentales des cantons de Cattenom et Thionville, passe par le canton de Briey en longeant les frontières occidentales des communes de Montois-la-Montagne et Roncourt, ainsi que les frontières orientales des communes de Marie-aux-Chênes, SaintAil, atteint la frontière du canton de Gorze qu'elle traverse le long des frontières communales de Vionville, Chambley et Onville, suit la frontière sud-ouest resp. sud de l'arrondissement de Metz, la frontière occidentale de l'arrondissement de Château-Salins jusqu'à la commune de Pettoncourt dont elle embrasse les frontières occidentale et méridionale, pour suivre la crête des montagnes entre la Seille et Moncel, jusqu'à la frontière de l'arrondissement de Sarrebourg au sud de Garde.

La démarcation coïncide ensuite avec la frontière de cet arrondissement jusqu'à la commune de Tanconville, dont elle atteint la frontière au nord; de là elle suit la crête des montagnes entre les sources de la Sarre blanche et de la Vezouse jusqu'à la frontière du canton de Schirmeck, longe la frontière occidentale de ce canton, embrasse les communes de Saales, Bourg-Bruche, Colroy-la-Roche, Plaine, Ranrupt, Saulxures et Saint-Blaise-la-Roche du canton de Saales, et coïncide avec la frontière occidentale des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin jusqu'au canton de Belfort, dont elle quitte la frontière méridionale non loin de Vourvelans pour traverser le canton de

Delle, aux limites méridionales des communes de Bourgone et FroideFontaine, et atteindre la frontière suisse, en longeant les frontières orientales des communes de Jonchée et Delle.

L'empire allemand possédera ces territoires à perpétuité, en toute souveraineté et propriété. Une commission internationale, composée des représentants des hautes parties contractantes, en nombre égal des deux côtés, sera chargée, immédiatement après l'échange des ratifications du présent traité, d'exécuter sur le terrain le tracé de la nouvelle frontière, conformément aux stipulations précédentes.

Cette commission présidera au partage des biens-fonds et capitaux qui jusqu'ici ont appartenu en commun à ces districts ou des communes séparés par la nouvelle frontière; en cas de désaccord sur le tracé et les mesures d'exécution, les membres de la commission en référeront à leurs gouvernements respectifs.

La frontière, telle qu'elle vient d'être décrite, se trouve marquée en vert sur deux exemplaires conformes de la carte du territoire formant le gouvernement général d'Alsace publiée, à Berlin en septembre 1870, par la division géographique et statistique de l'état-major général, et dont un exemplaire sera joint à chacune des deux expéditions du présent traité.

Rectification de frontières.

Toutefois, le tracé indiqué a subi les modifications suivantes, de l'accord des deux parties contractantes dans l'ancien département de la Moselle, le village de Marie-aux-Mines, près de Saint-Privat-laMontagne, et de Vionville, à l'ouest de Rezonville, seront cédés à l'A)lemagne; par contre, la ville et les fortifications de Belfort resteront à la France avec un rayon qui sera déterminé ultérieurement.

Indemnité de cinq milliards. Mode de paiement.

Art. 2. La France paiera à S. M. l'empereur d'Allemagne la somme de cinq milliards de francs. Le paiement d'au moins un milliard de francs aura lieu dans le courant de l'année 1871, et celui de tout le reste de la dette, dans un espace de trois années, à partir de la ratification des présentes.

Evacuation de Paris, des forts de la rive gauche de la Seine, mouvement de retraite de l'armée allemande. Evacuation des départements de l'Ouest et du Centre.

Art. 3. L'évacuation des territoires français occupés par les troupes allemandes commencera après la ratification du présent traité

par l'Assemblée nationale, siégeant à Bordeaux. Immédiatement après cette ratification, les troupes allemandes quitteront l'intérieur de la ville de Paris, ainsi que les forts situés sur la rive gauche de la Seine, et, dans le plus bref délai possible fixé par une entente entre les autorités militaires des deux pays, elles évacueront entièrement les départements du Calvados, de l'Orne, de la Sarthe, d'Eure-et-Loir, du Loiret, de Loir-et-Cher, d'Indre-et-Loire, de l'Yonne, et, de plus, les départements de la Seine-Inférieure, de l'Eure, de Seine-et-Oise, de Seine-etMarne, de l'Aube et de la Côte-d'Or, jusqu'à la rive gauche de la Seine. Les troupes françaises se retireront en même temps derrière la Loire, qu'elles ne pourront dépasser avant la signature du traité de paix définitif. Sont exceptés de cette disposition, la garnison de Paris, dont le nombre ne pourra pas dépasser quarante mille hommes, et les garnisons indispensables à la sûreté des places fortes. L'évacuation des départements situés entre la rive droite de la Seine et la frontière de l'Est, par les troupes allemandes, s'opérera graduellement après la ratification du traité de paix définitif, et le paiement du premier demi-milliard de la contribution stipulée par l'article 2, en commençant par les départements les plus rapprochés de Paris, et se continuera au fur et à mesure que les versements de la contribution seront effectués. Après le premier versement d'un demi-milliard, cette évacuation aura lieu dans les départements suivants : Somme, Oise, et les parties des départements de la Seine-Inférieure, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, situées sur la rive droite de la Seine, ainsi que la partie du département de la Seine et les forts situés sur la rive droite. Après le paiement de deux milliards, l'occupation allemandé ne comprendra plus que les départements de la Marne, des Ardennes, de la Haute-Marne, de la Meuse, des Vosges et de la Meurthe, ainsi que la forteresse de Belfort avec son territoire, qui serviront de gage pour les trois milliards restants, et où le nombre des troupes allemandes ne dépassera pas cinquante mille hommes. S. M. l'empereur sera disposé à substituer à la garantie territoriale, consistant dans l'occu pation partielle du territoire français, une garantie financière si elle est offerte par le Gouvernement français dans des conditions reconnues suffisantes par S. M. l'empereur et roi pour les intérêts de l'Allemagne. Les trois milliards dont l'acquittement aura été différé porteront intérêt à cinq pour cent à partir de la ratification de la présente convention.

Art. 4. Les troupes allemandes s'abstiendront de faire des réquisitions, soit en argent, soit en nature, dans les départements occupés. Par contre, l'alimentation des troupes allemandes qui resteront en France aura lieu, aux frais du Gouvernement français, dans la mesure

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