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Non pas, Messieurs, que je veuille reprocher à de braves militaires, qui ont fait leur devoir, d'avoir été malheureux; non, ce serait une indignité que je ne commettrai pas. (Très-bien! très-bien!)

Pour ma part, j'ai discuté les opérations qui ont été entreprises sur les bords de la Loire, je les ai discutées avec les membres du Gouverment, et je pourrais, sur ces opérations, dire des choses qui feraient comprendre que peut-être on aurait pu mieux faire pour seconder le grand acte de Paris se défendant quatre mois. Mais laissons cela.

Je dirai seulement à ces militaires, à qui je ne reproche pas leurs malheurs, de ne pas nous reprocher nos malheurs à nous.

Votre malheur à vous, c'est de n'avoir pas eu des armées assez bien organisées, d'avoir été mal dirigés, d'avoir été conduits à suivre des plans, à mon avis, déplorables.

Voilà votre malheur. Le nôtre, c'est d'avoir reçu la France battue, vaincue, réduite à sa dernière ressource, car sa grande ressource était Paris, et Paris avait été contraint d'ouvrir ses portes.

Ainsi, Messieurs, ne nous accusons pas réciproquement (Très-bien! très-bien); soyons généreux les uns envers les autres.

J'honore le militaire à qui je viens d'adresser ces paroles; mais je le prie de ménager les hommes d'Etat qui n'ont pas été, dans le champ de la politique, plus heureux qu'il ne l'avait été dans le champ de la guerre.

Pardonnez-moi cette digression; je reviens au sujet qui nous

оссире.

Non, Messieurs, ce traité une fois admis, - et on ne pouvait pas ne pas l'admettre, il fallait le signer; autrement, on aurait précipité la France dans des désastres effroyables, plus grands encore que ceux qu'elle venait d'essuyer. Mais, ce traité signé, il est arrivé que, pendant les deux mois qui se sont écoulés depuis les préliminaires, des ombrages sont survenus: d'une part, la Prusse nous voyait à Bruxelles faire des efforts pour améliorer le traité; d'autre part, elle voyait sous les murs de Paris une armée de 120,000 hommes.

Elle en a conçu des ombrages; elle s'est demandé si les efforts que nous faisions à Bruxelles ne décelaient pas une arrière-pensée, laquelle serait, après avoir terminé la guerre civile, de recommencer la guerre étrangère. Ces ombrages ont été un moment assez graves pour qu'il fallût ouvrir de nouvelles négociations.

L'honorable ministre des affaires étrangères et l'honorable ministre des finances se sont transportés à Francfort. Je n'y étais pas, mais j'ai su et je devais savoir tout ce qui se passait; je suis étranger à leur œuvre, mais je dirai qu'on ne peut défendre plus chaleureusement,

plus habilement, avec plus d'opiniâtreté qu'ils ne l'ont fait, les intérêts de la France. (Très-bien! très-bien !)

Je suis certain qu'on ne pouvait faire mieux, et je n'hésite pas, sans vouloir donner à ma parole plus de valeur qu'elle n'en doit avoir, à les couvrir de ma responsabilité et à me rendre solidaire de l'œuvre qu'ils vous ont présentée. (Très-bien! très-bien!)

Quant à l'échange qui est laissé à votre libre arbitre, croyez-moi, Messieurs, l'intérêt industriel que nous avons là est de peu de valeur.

Ce qui vous a été dit en ce qui concerne le Luxembourg est une pure chimère.

M. Raudot. Je demande la parole.

M. le Chef du Pouvoir exécutif. Il n'y a pas d'intérêt militaire à traverser le Luxembourg. Il faudrait que nous fussions bien aveugles pour tenter de traverser une contrée où nous trouverions la redoutable place de Luxembourg occupée par l'ennemi. La voie, c'est celle de Sambre-et-Meuse; il y en a pas d'autre.

En compensation de ce sacrifice, qui n'en est pas un bien sérieux, qui n'en est un que sous le rapport industriel et sous ce rapport-là, il est compensé outre mesure par la richesse de nos autres provinces minières à côté de ces sacrifices il y a en balance la place de Belfort avec un rayon qui permet d'en faire une frontière et de rattacher une armée française au ballon d'Alsace et de s'appuyer aux contrées" du Jura.

Belfort est plus qu'une place, c'est un camp retranché qui peut abriter cent mille hommes; et quant à moi je serai plein de douleur s'il était possible que l'Assemblée, avec ses lumières, n'acceptât pas l'échange qui lui est proposé.

Voilà comment je résume ma pensée; vous la connaissez maintenant tout entière. Mais j'allais oublier de vous citer une autorité bien grande et qui, celle-là, mérite d'être comptée: c'est celle du brave défenseur de Belfort, le colonel Denfert-Rochereau. Voici ce qu'il écrivait à un de ses amis.

Je termine là ce que j'avais à vous dire. Je crois que la question ne peut avoir de meilleur défenseur que l'homme qui a signé la lettre dont je prie M. le rapporteur de vouloir bien donner lecture. (Vive approbation. Applaudissements.)

M. le vicomte de Meaux, rapporteur. Voici la lettre du colonel Denfert:

« Je lis ce matin, dans le Journal officiel, le texte du traité de paix définitif et la proposition qui s'y trouve contenue relativement à Bel

fort. Je pense que c'est à la diplomatie française qu'appartient la proposition d'agrandir la zone du territoire primitivement cédée autour de Belfort, et je pense donc qu'elle sera acceptée par l'Assemblée nationale.

« Toutefois, comme elle ne peut l'être qu'au prix de rétrocessions regrettables sur un autre point, ce qui pourrait entraîner contre son adoption une certaine opposition, je crois de mon devoir de te dire que la conservation de Belfort à la France serait dénuée d'importance sans cet agrandissement de territoire, car on ne pourrait en organiser la défense d'une manière convenable.

<< La forteresse ne peut être organisée comme il convient, dans l'intérêt de la défense, que si l'Assemblée adopte la proposition qui nous assurera la possession des cantons de Belfort, Delle et de Giromagny et la route de Belfort à Remiremont par le ballon d'Alsace.

« Mon opinion pouvant être de quelque poids en cette matière, j'ai cru devoir la donner à un de tes collègues de la droite, afin qu'elle soit communiquée, en cas d'opposition, pour faire pencher l'Assemblée en faveur de la détermination la plus profitable à la défense du pays.

Signé: DENFERT-ROCHEREAU. »>

N° 1182.

PROCÈS-VERBAL D'ÉCHANGE DES RATIFICATIONS DU TRAITÉ DE PAIX MAI ENTRE LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE.

DU 40

Francfort-sur-Mein, le 20 mai 1874.

Les soussignés, M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères de la République française; M. Augustin-Thomas-Joseph Pouyer-Quertier, ministre des finances de la République française, et M. MarcThomas-Eugène de Goulard, membre de l'Assemblée nationale, d'un

côté;

De l'autre, le prince de Bismarck, chancelier de l'Empire germanique, et le comte Harry d'Arnim, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. l'Empereur d'Allemagne près le SaintSiége,

Se sont réunis aujourd'hui pour procéder à l'échange des ratifications du Traité définitif de paix entre la République française et l'Empire germanique, signé dans cette ville le 10 mai de l'année cou

rante..

M. Jules Favre et M. Pouyer-Quertier présentèrent l'instrument de ratification signé par le chef du Pouvoir exécutif de la République française le 18 mai, ainsi qu'une expédition en due forme de la loi ratificative du Traité voté par l'Assemblée nationale le 18 mai, par l'article 2 de laquelle l'Assemblée nationale consent à la rectification de frontières proposée par le paragraphe 3 de l'article 1er du Traité, en échange de l'élargissement du rayon autour de Belfort, tel qu'il est indiqué par le paragraphe 2 dudit article et par le troisième des articles additionnels.

Le prince de Bismarck et le comte d'Arnim présentèrent, de leur côté, l'instrument de ratification signé par S. M. l'Empereur d'Allemagne et Roi de Prusse le 16 du mois courant, ainsi que l'expédition du protocole, en date de Berlin le 15 mai, et inséré dans l'instrument de ratification allemande en vertu duquel S. M. le Roi de Bavière, S. M. le Roi de Wurtemberg et S. A. R. le Grand-Duc de Bade ont accédé expressément, par leurs plénipotentiaires respectifs, au Traité de paix du 10 de ce mois.

Lecture ayant été donnée de ces deux documents, les plénipotentiaires français ont pris acte de l'adhésion donnée au traité par les plénipotentiaires de LL. MM. les Rois de Bavière et de Wurtemberg et de S. A. R. le Grand-Duc de Bade au nom de leurs souverains respectifs, les plénipotentiaires allemands de la loi susindiquée, votée par l'Assemblée nationale française. Les plénipotentiaires des deux pays sont convenus que les stipulations d'échange, dont il est question dans l'article 1er et le 3o des articles additionnels, après avoir été acceptées par le Gouvernement français, feront partie intégrante du Traité de paix et que la délimitation de frontières entre la France et l'Empire germanique sera effectuée en conséquence.

L'échange des lettres de ratification a eu lieu ensuite de manière que l'instrument allemand a été délivré aux plénipotentiaires français et l'instrument français aux plénipotentiaires allemands.

En foi de quoi, le présent protocole, rédigé en deux exemplaires, dont l'un en langue française et l'autre en langue allemande, a été signé par les plénipotentiaires respectifs, après avoir été lu et approuvé. L'exemplaire allemand a été remis aux plénipotentiaires français, l'exemplaire français aux plénipotentiaires allemands.

(L. S.) Signé: JULES FAVRE.
(L. S.) Signé POUYER-QUERTIER.
(L. S). Signé: E. DE GOULARD.

(L. S.) Signé : BISMARCK.
(L. S.) Signé: ARNIM.

No 1183.

CONVENTION PASSÉE A FRANCFORT, LE 21 MAI 1871, ENTRE LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE, POUR LE PAIEMENT D'UNE SOMME DE 125 MILLIONS DE FRANCS EN BILLETS DE BANQUE.

Les soussignés sont convenus et ont arrêté ce qui suit :

D'après l'article 7 du Traité de paix définitif entre la République française et l'Empire germanique, du 10 mai courant, le premier paiement de 500 millions aura lieu dans les trente jours qui suivront le rétablissement de l'autorité du Gouvernement français dans la ville de Paris.

Le mode de paiement est fixé dans ce même article.

Les soussignés sont cependant convenus que, pour cette fois seule ment, les conditions de paiement stipulées seront modifiées de sorte que 125 millions de francs seront acceptés en paiement en billets de la Banque de France dans les conditions suivantes :

1° Quarante millions seront payés jusqu'au 1er juin courant, autres 40 millions jusqu'au 8 juin courant, les derniers 45 millions de francs jusqu'au 15 juin courant;

2o La partie la plus grande possible de chaque paiement se fera en billets de banque de cent, cinquante ou vingt francs.

30 Les paiements seront effectués à Strasbourg, Metz ou Mulhouse. Une somme de 125 millions, à-compte du second paiement d'un milliard fixé dans l'article 7 du Traité définitif de paix du 10 courant, devra être payée dans les soixante jours qui suivront l'époque fixée pour le paiement du premier demi-milliard. Ce paiement de 125 millions sera effectué dans les valeurs prescrites audit article 7, à moins qu'un autre arrangement n'ait eu lieu.

Fait en double, à Francfort, le 21 mai 1871.

(L. S.) Signé: JULES FAVRE.

(L. S.) Signé: POUYER-QUERTIERr.

(L. S.) Signé: BISMARCK.

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