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Délibérez donc, Messieurs, et, quel que soit le résultat de vos méditations, il sera digne de vous et de la France. Le courage n'est pas toujours dans l'obstination et le désespoir. Les nations et les assemblées sont, plus que les individus, le droit de se consoler avec leur passé et avec leur conscience; et la France, autant que toute autre nation, a pour devoir de réserver son avenir et sa mission dans le monde.

Telles ont été les pensées qui ont soutenu vos négociateurs et votre Commission dans la tâche douloureuse que votre confiance leur a imposée, et qui les soutiendront dans les amertumes qu'attire souvent l'accomplissement d'un devoir. Ces pensées soutiendrout aussi les membres de cette Assemblée dans les résolutions qu'ils auront à sanctionner par leur vote. Nul ne songera à s'abriter derrière une abstention qui n'est que la désertion du devoir et la peur de la responsabilité.

En conséquence, la Commission vous propose l'adoption du projet de loi.

N° 1131.

DECLARATION ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DE BORDEAUX, DANS LA SÉANCE DU 1er MARS 1874, PRONONÇANT LA DÉCHÉANCE De NAPOLEON 111 ET DE SA DYNASTIE.

L'Assemblée nationale clôt l'incident, et, dans les circonstances douloureuses que traverse la patrie et en face de protestations et de réserves inattendues, confirme la déchéance de Napoléon III et de sa dynastie, déjà prononcée par le suffrage universel, et le déclare responsable de la ruine, de l'invasion et du démembrement de la France,

N° 1132.

(Télégramme.)

M. JULES SIMON A M. JULES FAVRE.

Bordeaux, le 1er mars 1874, 6 h. 5 soir.

On commence le vote au scrutin. Dans quelques minutes, je vous en enverrai le résultat, qui n'est pas douteux. M. Conti ayant paru à tribune pour justifier l'ex-empereur, il s'en est suivi un grand tu

multe. L'incident a été clos par un ordre du jour déclarant que le suffrage universel a consacré la déchéance de l'empire. M. Thiers avait répondu à M. Conti en quelques mots courroucés, qui ont été couverts d'acclamations.

Toute l'Assemblée s'est soulevée pour l'ordre du jour; cinq membres seulement à la contre-épreuve. La discussion qui a suivi a été calme.

Victor Hugo, Quinet, Louis Blanc ont prononcé des discours élevés; Vacherot et Changarnier ont ému l'Assemblée en soutenant avec noblesse la thèse contraire.

M. Thiers, à un moment, n'a pu retenir ses larmes; il arrache l'admiration même de ses adversaires.

Je ferai partir un messager à la minute même où j'aurai le procèsverbal. La tristesse ici est profonde, autant au moins chez ceux qui subissent que chez ceux qui protestent.

N° 1133.

Signé JULES SIMON.

(Télégramme.)

M. JULES SIMON A M. JULES FAVRE.

Bordeaux, le 1er mars 1871, 7 h. 35 soir.

Pour la ratification, 546 voix; contre, 107.

L'Assemblée nationale a ratifié les préliminaires de paix.

Signé: JULES SIMON.

N° 1134.

LE COMTE DE CHAUDORDY A M. JULES FAVRE.

(Télégramme.)

Bordeaux, le fer mars, 44 h. du soir.

M. Delaroche, porteur du procès-verbal régulier constatant le vote de l'Assemblée et d'une copie du Traité avec ratification par M. Thiers, est parti ce soir à neuf heures par un train spécial. Nous espérons qu'il pourra vous remettre ces documents demain vers midi.

Signé CHAUDORDY.

No 1435.

M. JULES FAVRE AU COMTE DE BISMARCK.

(Télégramme.)

Paris, le 1er mars 1874, 40 h. 45 soir.

Je reçois à l'instant de M. Thiers une dépêche m'annonçant que ce soir, à sept heures, l'Assemblée nationale de Bordeaux a ratifié le traité du 26 février. Je rappelle à Votre Excellence que l'article 3 du traité porte:

<< Immédiatement après la ratification du présent traité par l'As>> semblée nationale, siégeant à Bordeaux, les troupes allemandes » quitteront l'intérieur de Paris, ainsi que les forts de la rive gauche « de la Seine. >>

Je prie, en conséquence, Votre Excellence de vouloir bien, conformément à cette spitulation, faire donner l'ordre à vos troupes de se retirer immédiatement. Je prie Votre Excellence de me faire savoir de suite si cet ordre va être exécuté.

Signé: JULES Favre.

N° 1136.

PROCLAMATION DU COMITÉ CENTRAL DE LA GARDE NATIONALE.

Paris, le 1er mars 1874.

Le comité central de la garde nationale, nommé dans une assemblée générale de délégués représentant plus de 200 bataillons, a pour mission de constituer la Fédération républicaine de la garde nationale, afin qu'elle soit organisée de manière à protéger le pays mieux que n'ont pu le faire jusqu'alors les armées permanentes, et à défendre, par tout les moyens possibles, la République menacée.

Le Comité central n'est pas un comité anonyme, il est la réunion de mandataires d'hommes libres qui connaissent leurs devoirs, affirment leurs droits et veulent fonder la solidarité entre tous les membres de la garde nationale.

Il proteste donc contre toutes les imputations qui tendraient à dénaturer l'expression de son programme pour en entraver l'exécution. Ses actes ont toujours été signés; ils n'ont qu'un mobile: la défense de Paris. Il repousse avec mépris les calomnies tendant à l'accuser

d'excitation au pillage d'armes et de munitions, et à la guerre civile. L'expiration de l'armistice, sur la prolongation duquel le Journal officiel du 26 février était resté muet, avait excité l'émotion légitime de Paris tout entier. La reprise des hostilités, c'était, en effet, l'invasion, l'occupation et toutes les calamités que subissent les villes ennemies.

Aussi la fièvre patriotique qui, en une nuit, souleva et mit en armes toute la garde nationale.

N° 1137.

M. WASHBURNE A M. HAMILTON FISH.

Paris, le 1er mars 1874.

Sir, ils sont entrés. A neuf heures, ce matin, trois hussards bleus ont passé la Porte-Maillot, monté l'avenue de la Grande-Armée et descendu au pas la magnifique avenue des Champs-Élysées, leurs carabines armées et le doigt sur la détente. Ces hussards ont surveillé avec soin les rues adjacentes, en s'avançant lentement dans l'avenue. Peu de personnes étaient dehors à cette heure matinale. Bientôt après, six autres apparurent par la même route et à chaque minute le nombre alla en augmentant. Alors arriva l'avant-garde, au nombre d'environ mille hommes, tant cavalerie qu'infanterie, Bavarois et Prussiens, faisant partie du 11e corps, sous le commandement du général Kamicki. A ce moment la foule s'était amassée dans les Champs-Élysées et accueillait les Allemands par des sifflets et des injures. Une portion des troupes allemandes fit alors halte, et les hommes, sans s'émouvoir, chargèrent leurs pièces de canon, sur quoi la foule, composée, de gamins et de vauriens, prit aussitôt ses jambes à son cou. Conformément à une entente préalable entre les Français, les boutiques et restaurants le long de la route étaient restés fermés, et, malgré les affirmations solennelles qu'à aucun prix on ne regarderait les Prussiens ni qu'on leur adresserait la parole, j'ai trouvé, en aliant aux Champs-Élysées à neuf heures et demie, un grand nombre de personnes qui y avaient été attirées par une curiosité à laquelle elles n'avaient pu résister. En descendant l'avenue jusqu'à l'endroit où le corps principal avait fait halte, en face du palais de l'Industrie, malgré les plus vives protestations qu'aucun Français ne regarderait un soldat prussien ni ne lui parlerait, j'ai compté un groupe d'environ vingt-cinq Français,

hommes femmes et enfants fraternisant cordialement avec les soldats allemands. M'étant arrêté un moment pour écouter la conversation, un soldat allemand s'est avancé pour me saluer, en m'appelant par mon nom; c'était un employé dans un hôtel de Hombourg, où j'avais demeuré pendant mon séjour dans cette ville d'eaux, en 1867 et 1869.

D'après ce que j'apprends ce soir, l'armée a été passée en revue par l'Empereur du nouvel empire allemand à Longchamp, avant l'entrée dans Paris, de sorte qu'au lieu de la grande masse de troupes annoncée pour dix heures, ce ne fut qu'à une heure et demie que la garde royale, en quatre colonnes serrées, entoura l'Arc-de-Triomphe. Alors une compagnie de hulands, avec leurs lances surmontées d'un petit drapeau bleu et blanc plantées dans la selle, précédaient la colonne en marche. Puis vinrent les Saxons à l'uniforme bleu clair, les chasseurs bavarois au lourd uniforme, à la démarche martiale. Ensuite d'autres hulands et de temps à autre un escadron des cuirassiers de Bismarck avec leurs tuniques blanches, leurs coiffures carrées couronnées de plumes, rappelant peut-être à l'esprit des Français intelligents présents les célèbres cuirassiers de Nansouty et de La Tour Maubourg, des guerres de Napoléon Ier. Puis arrive l'artillerie, avec ses pièces de six, qui a dû faire l'admiration de tous les militaires par sa splendide apparence et l'étonnante précision de ses mouvements. Alors arrive en ligne la garde royale de Prusse, aux casques reluisants et aux baionnettes étincelantes, qui s'était massée autour de cet arc-detriomphe renommé dans le monde entier, élevé (avec quel sarcasme amer peut-on le dire maintenant) à la gloire de la grande armée.

J'ai assisté à cette entrée du haut du balcon de M. Cowdin, à l'entrée des Champs-Élysées. Il y avait un grand nombre de Français sur les bas-côtés des deux côtés de l'avenue. Tout d'abord, les troupes furent accueillies avec des sifflets, des miaulements et autres cris insultants; mais, lorsqu'elles arrivèrent en colonnes plus serrées et en plus grand nombre, massées par compagnies et descendant l'avenue aux sons d'une musique martiale, il se fit un silence de mort parmi la foule et on n'entendit plus que le bruit des pas des soldats et le commandement des chefs.

L'entrée du corps principal des troupes prit environ deux heures ; après cela, elles se dispersèrent, dans les diverses parties de la ville qui leur avaient été assignées, à la recherche de leurs logements.....

A cinq heures, je me rendis chez M. Jules Favre au sujet des bons de logements qui avaient subitement et à tort et à travers été imposés aux résidents américains. J'appris de lui qu'il était probable que la ratifica

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