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Mais détournons le regard de ces pertes douloureuses pour reprendre notre itinéraire. Au sud de la Semoy, affluent de la Meuse (sur la droite), la frontière passait avant 1792, comme elle passe aujourd'hui, un peu au nord de Gesponsart, de Bosseval, de Fleigneux, de Francheval, jusqu'à Pourru-aux-Bois; et de là à Margny, elle avait été réglée par la paix des Pyrénées (1659) qui réunissait à la France une portion du comté de Chiny, dépendant du duché de Luxembourg, auquel est retourné Yvois, compris alors dans cette portion.

Au bourg de Breux finit le dép. des Ardennes, et celui de la Meuse arrive sur la frontière. La ligne passait, et passe encore, près de Thonne-les-Prés, à Thonne-leLong, à Écouviez ; puis, franchissant le Chiers, au-dessous de Ville-Cloye, non loin de la place de Montmédy, elle touchait à Bazeille où commence le dép. de la Moselle. Celui-ci longe les deux Luxembourgs et le grandduché du Bas-Rhin, jusqu'au delà de Bitche où commence, à Ober-Steinbach, le département français du Bas-Rhin.

De Bazeille, les premiers endroits que la ligne rencontrait étaient Othe, Mandeville, Espies; puis venaient Allondrelle', Ville-Houdelmont, Herserange, non loin de la forteresse de Longwy, unique défense importante de la trouée ouverte ici jusqu'à la Moselle, Hussigny, Ottange et Volmerange, qui avaient fait partie soit du duché de Bar cédé à la France par les traités du 3 oct. 1735 et du 18 nov. 1738, soit de cette province de Metz,

(1) Et non pas Alondret, comme on lit dans le livre déjà cité de Pfeffel, Limes Franciæ, p. 64.

en partie retranchée au même duché, que la France possédait déjà depuis la paix de Ryswick. Le pays de Thionville que la ligne atteint ensuite est encore plus anciennement français, ayant été acquis par la paix des Pyrénées; il est vrai qu'il fut de nouveau revendiqué par la maison d'Autriche et définitivement cédé seulement par le traité de Versailles (1769). Se dirigeant un peu vers le nord, la limite arrivait au Bas-Rentgien, situé sur la grande route de Thionville à Luxembourg, place formidable qui nous serait nécessaire pour notre sûreté de ce côté-là; puis elle décrivait une courbe pour atteindre le ruisseau de Frisange qu'elle suivait dans la direction de Putelange, et qu'elle laissait à droite pour aller directement à Rudling, village situé sur la Moselle 1.

Après avoir franchi ce fleuve, la limite englobait la portion la plus septentrionale de la Lorraine qui nous a été enlevée en 1815.

D'Aspach, dans la prévôté de Sierck, elle allait à Mersweiler, Mensberg, Tenting, Esch, Oberleukum, Orscholz, Weiten et Keusching, sur la Sarre (Saar) qu'elle franchissait à Fremersdorf pour former, vers le nord, une saillie dans laquelle était compris le district de Schaumbourg, longeant l'électorat de Trèves et le comté de Saarbrück. En revenant au sud, la ligne rencontrait Bliesen, Winterbach, Alzweiler, Marping, Calmesweiler, Woustweiler, Eppelbronn, Erxweiler, Betting et Haustadt, d'où elle suivait le Brembs jusqu'à sa réunion avec la Sarre, qu'elle ne repassait cependant qu'à Gris

(1) Limes Franciæ, p. 62 et suiv.

born, après avoir touché à Fraloutre (Frauenlautern), Hilzweiler et Enstorf. Elle se dirigeait alors sur l'Hôpital où passe la frontière d'aujourd'hui, et se prolongeait, comme maintenant, par Merlenbach vers Forbach, puis à Blies-Schweyen et Blies-Brücken, où elle s'approchait de Sarreguemines, à Opperting dépendant du comté de Bitche, à Sigelscheier (Ziegelscheuer?), Walschbronn, Liderscheidt, Roppweiler, Haspelscheidt, Stürzelbronn et Ober-Steinbach où commence l'Alsace.

Ainsi, dans l'ancienne limite de 1792 était compris Sarre-Louis dont le roi Louis XIV avait fait commencer la fortification dès 1680, mais qui ne fut cédé qu'en 1697 par le traité de Ryswick, et le district de cette ville qui, composé de celle de Vaudrefange (Walderfingen) ainsi que des villages de Listorf, Emstorf, Fraloutre, Roden et Beaumarais, fut cédé à la France par le duc de Lorraine en 1718. Notre frontière est aujourd'hui à deux lieues au sud de la Sarre qui la couvrirait utilement à partir de son confluent avec la Moselle.

Telle était du côté du nord, et telle est aujourd'hui, la ligne de démarcation entre la France et l'étranger. Sur cette ligne, de Dunkerque jusqu'au delà de Longwy, la France n'a d'autre voisine que la Belgique; puis, jusqu'au Rhin, c'est l'Allemagne qui borde sa limite septentrionale: d'abord par le Luxembourg, de Petange à la Moselle; ensuite, par la Prusse, de la Mcselle à l'Erbach, affluent de la Sarre qu'elle atteint audessous de Sarreguemines; enfin, jusqu'au Rhin, par la Bavière rhénane au profit de laquelle nous fut enlevée, en 1815, la ligne de la Queich avec Landau, ville alsa

cienne fortifiée par Vauban et que la France recouvra en 1714 par la paix de Bade; ligne souvent contestée à la France, il est vrai, mais qu'elle revendiquait et maintenait depuis 16791 à partir de la source de ce ruisseau à Queichbrunn jusqu'au Rhin, comme ayant formé de tout temps la limite de l'Alsace, à elle cédée par la paix de Westphalie (1648).

Depuis 1815, la ligne, loin de s'étendre au nord jusqu'aux sources de la Queich, laisse en dehors de la France la moitié du cours de la Lauter qui appartenait encore à l'Alsace de Bussenberg à Dalen, et même plus haut. Cette rivière ne devient aujourd'hui française qu'un peu au-dessous de Wissembourg, et, sauf une partie du territoire de cette ville placée sur sa rive gauche, c'est elle alors, jusqu'à Lauterbourg et au Rhin, qui décrit la limite, purement politique, comme nous l'avons dit, depuis Dunkerque.

Mais sur le Rhin, la France retrouve sa limite naturelle, qui ne l'abandonne qu'à Bâle; limite défendue d'ailleurs par les fortifications de Fort-Louis, Strasbourg, Schélestadt et Neuf-Brisach, auxquelles s'ajoutaient encore autrefois celles de Huningue démolies en vertu du traité de 1815 et que le gouvernement, est-il dit dans ce même traité, ne pourra rétablir dans aucun temps, ni remplacer par d'autres fortifications à une -distance moindre que trois lieues de la ville de Bâle. On assure que Thann sera fortifié pour fermer la trouée sur Béfort. Voisine pacifique du grand-duché de Bade,

(1) Voir sur tout cela Limes Francia, p. 97 et suiv.

la France n'élève aucune prétention contre lui, et les deux pays riverains du Rhin ont réglé de concert les questions auxquelles le cours changeant du fleuve a donné lieu (convention du 5 avril 1840).

De Bâle à Saint-Claude s'étend la ligne des montagnes Bleues et celle du Jura longue de 240 à 260 kilom. Rompue autrefois pour la France par le comté de Montbéliard dont elle n'était pas en possession, cette ligne ne présente plus aujourd'hui de discontinuité; seulement elle n'est pas couverte dans la direction de Bâle, et, à son extrémité méridionale, une partie du pays de Gex, que le premier traité de Paris avait laissée à la France, en fut séparée par une des stipulations du second.

C'est la Suisse que la France a pour voisine sur toute cette ligne marquée d'abord par les localités suivantes du dép. du Haut-Rhin : Bourgfeld, Hegenheim, Neuviller, Leymen, Landseron, Biederthal, Kiffis, Lucelle, Levoncourt, Plettershausen, Courcelles, Saint-Dizier, Villars-le-Sec et Croix. Vers Saint-Hippolyte, dans le dép. du Doubs, la frontière est couverte par le coude que forme cette rivière en changeant de direction; de là jusqu'au saut du Doubs, elle suit d'abord sa rive gauche et ensuite sa rive droite, puis, jusqu'à la Dôle, l'un des sommets du Jura, elle s'appuie contre cette chaîne. Plus au sud, à l'est de Saint-Claude, la ligne, qui reste à une certaine distance du lac de Genève, est ouverte depuis la Dôle jusqu'au confluent du London avec le Rhône; c'est un de nos points vulnérables. Ici la frontière n'atteint plus les Alpes; c'est le Rhône qui la décrit depuis le London, un peu au-dessus de Collonge

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