HISTOIRE DE MON LIMIER CALIGULA ET DE SON VALET LA TRACE. (SUITE.) Ma nouvelle recrue ne s'était pas écartée de la stricte vérité en me disant qu'elle ne savait pas qui elle était. La Trace avait été exposé, le jour ou le lendemain de sa naissance, à la porte de l'Hospice des Enfants trouvés de Bar-le-Duc où il était resté jusqu'à l'âge de quatorze ans, sous le nom assez ronflant d'Antoine de Padoue, en mémoire du saint dont la fête commençait justement à l'heure où ses premiers cris avaient révélé sa présence à la religieuse de garde au tour. Comme il devait demeurer là jusqu'à l'époque où il se trouverait capable d'acquitter sa dette envers l'État, qui le nourissait et l'habillait tant bien que mal, en devenant soldat du Roi à perpétuité, et qu'il ne se sentait pas plus de goût pour la discipline militaire que pour l'esclavage de l'hôpital, il s'était enfui par une sombre soirée d'hiver, et depuis lors, il avait toujours vécu errant. Quand il trouvait du travail dans quelque ferme isolée, il s'y arrêtait aussi longtemps qu'il y avait de quoi l'occuper, puis, l'ouvrage fini, il se remettait à courir les bois, vivant comme il pouvait de fruits sauvages et de racines, couchant dans des huttes de charbonniers ou à la belle étoile et, au milieu de tous ces hasards de la misère, ne regrettant jamais les bonnes sœurs de charité et les hautes murailles qui avaient soigné et protégé son enfance. C'était là toute son histoire, devenue un peu moins triste à partir du jour où la Providence lui avait envoyé un ami fidèle dans la personne du chien qui s'était donné à lui. Ils n'étaient pas l'un et l'autre à mon service depuis vingtquatre heures, que je savais déjà parfaitement à quoi m'en te |