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C'est un point reconnu par les auteurs et les arrêts. » A l'appui de son opinion M. Marcadé cite MM. Toullier, t. 10, p. 166; Bonnier, n° 690; Zachariæ, p. 686. Il cite aussi l'arrêt des 3 fév. 1818; Rej., 29 janv. 1821, Cass., et celui du 24 fév. 1835 (V. n° 200-1°, 2o et 201-2o), puis il continue ainsi : «En effet, dit-il, la cause de la première demande, c'est-à-dire sa raison dernière, son motif prochain, sa base immédiate, ce n'était pas le fait de la minorité prétendue d'un témoin, c'était l'irrégularité de forme dans l'acte. Qu'ai-je demandé? la nullité de l'acte notarié. Cette nullité était donc l'objet de ma demande. Pourquoi l'acte devait-il, selon moi, être déclaré nul? parce qu'il était irrégulier dans sa forme. L'idée générale d'irrégularité de forme était donc le motif prochain de mon action, sa base immédiate, sa cause. Mais pourquoi l'acte était-il, selon moi, vicieux dans sa forme? parce qu'un des témoins était mineur. Ce fait spécial de minorité d'un témoin ne répondant qu'au second pourquoi, n'était donc qu'une cause de la cause, une base de la base, en d'autres termes, une base médiate de la demande, un simple moyen... Ainsi, nous trouvons dans ma première demande la nullité de l'acte pour objet, pour cause ou base immédiate l'irrégularité de forme; et la minorité d'un témoin pour base médiate ou moyen. » Voilà bien la théorie retracée ci-dessus. M. Marcadé la développe avec un luxe d'expressions qui ne laissent pas de doute sur sa manière d'entendre l'identité de cause de l'art. 1551, et sur le sens qu'il attribue à la définition de Nératius. Sans doute il peut résulter de là que l'oubli d'une partie à proposer une cause secondaire fasse élever contre elle l'exception de chose jugée, et que s'étant bornée à se prévaloir d'un moyen de forme, elle se rende non recevable à invoquer d'autres nullités du même genre, alors qu'aucune distinction n'est établie par l'art. 1351. Mais il faut répondre avec M. Marcadé (eod., p. 176) que la règle s'explique par le sacrifice toujours nécessaire de l'intérêt particulier à l'intérêt général. - « Si l'on eût permis, continue cet auteur, de considérer ici autre chose que la base prochaine et immédiate, il eût fallu tenir compte non pas seulement de la base précédant immédiatement celle-ci et qui se trouve la seconde en remontant, mais aussi de celle qui précède cette seconde, et

(1) (Fromageau C. Poisson.) LA COUR; - Attendu que lors de l'arrêt du 30 août 1809, le vice reproché à l'acte du 3 oct. 1806, consistait dans l'incapacité prétendue de l'un des témoins signataires que l'on disait avoir été condamné à des peines afflictives, tandis que le vice reproché à l'acte, lors du second arrêt, consistait en ce que l'un des témoins désignés dans l'acte, comme présent au contrat, n'aurait point signé ce même acte; d'où il suit que, dans l'espèce, la première action n'étant pas fondée sur la même cause que la seconde, il n'y avait pas eadem ratio petendi, par conséquent, point d'autorité de la chose jugée; par conséquent aussi point de contravention à une telle autorité;- Rejette le pourvoi contre l'arrêt de la cour de Rouen du 11 mars 1813.

Du 1er juin 1814.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Genevois, rap. (2) Espèce :-(Erhard C. Levi.)- Le 16 flor. an 10, Mathias Erhard souscrivit, au profit d'Aaron Levi, de religion juive, une obligation notariée de 4,000 fr.- En 1813, Erhard, poursuivi pour le payement de cette obligation, soutint que l'acte était nul comme acte authentique, attendu que George Kauffmann, l'un des témoins qui l'avaient signé, était mineur à cette époque. Il concluait, en conséquence, à ce que Levi prouvât qu'il avait fourni la valeur entière, et sans fraude, du montant de l'obligation, conformément au décret du 17 mars 1808.- Le 14 déc. 1814, arrêt de la cour de Colmar, qui déclare que George Kauffmann avait les qualités voulues par la loi pour être témoin; juge, en conséquence, l'acte valable comme titre authentique, et refuse d'ordonner la preuve qu'Erhard demandait. Le 16 mars 1815, commandement à Erhard de payer le montant de l'obligation. Opposition de sa part, sur le fondement qu'Eblé, l'autre témoin instrumentaire dans l'acte du 16 flor. an 10, ne jouissait pas en France des droits civils. En vertu de ce nouveau moyen, Erhard renouvelle ses prétentions tendantes à ce que l'acte soit considéré comme un simple titre sous scing privé, et à ce que Levi soit obligé de prouver la numération des espèces. Paul Levi, tuteur des enfants mineurs d'Aaron Levi, soutient que la validité de l'obligation comme acte authentique a été définitivement reconnue par l'arrêt du 14 déc. 1814, et qu'on ne peut la remettre en question, sans contrevenir à l'autorité de la chose jugée.

Le 25 janv. 1816, jugement du tribunal de première instance de Belfort, qui écarte cette exception, et ordonne que les parties plaideront au fond. Les motifs de ce jugement sont ainsi concus : « Attendu que, dans l'espèce, bien que la demande soit formée par et contre les mêmes parties

ainsi de suite en remontant jusqu'aux causes les plus éloignées, car l'objection pour la cause du second degré eût toujours pu se faire pour celle d'un degré ultérieur; or, ouvrir de nouveaux débats pour toutes causes nouvelles si éloignées qu'elles soient, c'est-à-dire pour tous nouveaux moyens soit de fait, soit de droit..., c'eût été réduire les décisions à n'être jamais que provisoires, détruire l'autorité de la chose jugée et renverser l'une des bases de l'ordre social. » -Cette explication, on ne peut se le dissimuler, est satisfaisante pour la raison, mais elle est bien vaste dans sa portée et d'une trop grande subtilité dans son application pour que, dans le silence de la loi, on ne soit pas exposé aux incertitudes et aux controverses. Ici, il faut le dire, le laconisme du législateur est, comme dans beaucoup d'autres cas, extrêmement regrettable; car il lui suffisait de quelques mots pour faire cesser les incertitudes. Et, certes, c'était peut-être ici le cas d'ordonner la sage mesure qu'il a prescrite dans l'art. 1348.

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199. Il a été jugé, d'abord que la décision passée en force de chose jugée qui valide un acte attaqué pour incapacité de l'un des témoins, en ce qu'il a été condamné à une peine afflictive, ne s'oppose pas à ce qu'il le soit de nouveau à raison du défaut de signature par l'un des témoins instrumentaires (Req., 1er juin 1814) (1). Cette solution est contraire à l'opinion de M. Marcadé qui assimile à un vice de forme la nullité résultant de l'incapacité ou idonéité des témoins. Mais c'est là une inadvertance qui a échappé à cet auteur, car on doit regarder comme intrinsèque encore plus que comme extérieure la nullité dont il s'agit ici. En tous cas, les causes sur lesquelles l'arrêt a eu à se prononcer nous semblent rentrer dans la première partie de la dis-tinction retracée ci-dessus; et elles ont pu être proposées successivement.

200. Il a été décidé aussi, conformément à la doctrine ci-dessus retracée, 1° qu'on n'est plus recevable à demander la nullité d'un acte à raison de l'incapacité de l'un des témoins instrumentaires, lorsque déjà, sous prétexte de l'incapacité d'un autre de ces témoins, on a vainement contesté la validité de l'acte (Req., 3 fév. 1818) (2); 2o Que lorsque l'opposition à une ordonnance d'exequatur d'un jugement arbitral, fondée sur ce que les

et en la même qualité; bien qu'elle soit encore la même, on ne peut pas dire que la demande soit fondée sur la même cause, puisque, dans le procès jugé par jugement du 28 juillet 1813, confirmé par arrêt, la demande en opposition et en nullité de l'acte du 16 flor. an 10 avait pour cause l'incapacité du témoin Georges Kauffmann, tandis que celui-ci a pour cause l'incapacité du témoin Eblé; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à opposer à la présente demande l'autorité de la chose jugée, résultant du jugement du 28 juillet 1813, et arrêt de la cour du 14 déc. 1814; que la nullité résultant de l'incapacité du témoin Mathias Eblé est péremptoire et non relative, et qu'il ne résulte aucune fin de non-recevoir de la disposition de l'art. 173 c. pr., qui, d'ailleurs, n'est applicable qu'aux exploits et actes de la procédure; que les fonctions d'un témoin instrumentaire appartiennent à l'exercice des droits civils, dont les étrangers ont toujours été incapables en France, tandis que cette incapacité n'existe pas lorsqu'il s'agit de porter témoignage devant un juge, sur les faits qui sont à leur connaissance; qu'ainsi, Mathias Eblé a pu être appelé pour porter témoignage, devant le juge de paix du canton de Cernaï, sur des faits, sans pourtant devenir capable d'être témoin instrumentaire; que, d'ailleurs, l'irrégularité d'une demande subséquente, de la part d'Erhard, ne pourrait avoir l'effet de couvrir le vice d'un acte antécédent d'une tout autre nature; d'où il résulte que les fins de non-recevoir opposées par les héritiers Levi ne sont point admissibles, et qu'il y a lieu à continuer la cause pour l'examen du fond. -Sur l'appel des héritiers Levi, arrêt de la cour de Colmar du 17 juillet 1816, qui infirme le jugement par les motifs suivants : « Considérant que, par un premier arrêt, du 14 déc. 1814, confirmatif d'un jugement du 28 juillet 1813, la nullité prétendue de l'obligation notariée, base des poursuites des appelants, a été rejetée; qu'ainsi cette obligation est défendue par l'autorité de la chose jugée; que l'intimé n'a pu, sans y porter atteinte, remettre en question cette nullité, sous prétexte d'un autre vice de forme que celui qu'il avait d'abord objecté; que la simple proposition d'un nouveau moyen ne constitue pas une nouvelle cause de demande ou d'exception; que les cas rares où une partie peut, par des moyens qu'elle aurait omis de produire, faire rétracter les arrêts ou jugements en dernier ressort, sont énoncés parmi les ouvertures de requête civile, voie que l'intimé n'a tentée ni pu tenter. »-Pourvoi de la part d'Erhard. — Arrêt. LA COUR; Attendu que, lors du premier arrêt du 14 déc. 1814, Erhard se refusait à l'accomplissement de son obligation, sur le moti! qu'elle était nulle; que, lors du second, aujourd'hui dénoncé à la cour si

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arbitres n'auraient pas prononcé dans le délai prescrit, a été rejetée par un arrêt inattaquable, une autre opposition, tirée de ce que cette même ordonnance aurait dû être délivrée par le président du tribunal de première instance, au lieu de l'être par celui de la cour royale, ne peut être admise sans violer la chose jugée (Cass., 29 janv. 1821) (1); – 3o Que le créancier qui a succombé dans sa demande en nullité de l'hypothèque d'un autre créancier, fondée sur le défaut de stipulation d'hypothèque dans

c'est sur le même motif qu'il y résistait, et demandait, par suite, l'annulation des poursuites dirigées contre lui; qu'à la vérité, lors du premier arrêt, Erhard fondait la nullité alléguée sur la minorité du témoin Kauffmann; tandis que, lors du second, il la fondait sur la qualité d'étranger non naturalisé de l'autre témoin instrumentaire de l'acte (Mathias Eblé); que ce n'était point là une cause différente, mais seulement un moyen nouveau qn'Erhard fesait valoir lors de l'arrét dénoncé; d'où suit que l'une et l'autre action ont eu évidemment le même objet et la même cause, qui était la nullité de l'obligation, et que toutes deux s'étant successivement agitées entre les mêmes parties, ayant été formées par elles et contre elles en la même qualité, l'arrêt dénoncé, loin de violer les art. 1351 et 1352 c. civ., et l'art. 480 c. pr., en a fait au contraire la plus juste application; Rejette.

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Du 3 fév. 1818.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Lepicard, rap.Jourde, av. gén., c. conf.-Delagrange, av.

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(1) Espèce: (Bouquin C. Prat et Gérard.) — En l'an 12, Bouquin fit assigner Prat et Gérard, afin d'obtenir le compte d'une société de commerce qui avait existé entre eux. Les parties furent renvoyées devant des arbitres (art. 51 c. com. )- Bientôt les arbitres rendirent un jugement dont il y eut appel devant la cour de Grenoble, qui, par arrêt du 6 août 1813, infirma ce jugement, fixa les bases d'une liquidation nouvelle, et renvoya les parties devant d'autres arbitres; Prat et Gérard ayant refusé de nommer leurs arbitres, ceux-ci le furent, sur la demande de Bouquin, par une ordonnance de la cour de Grenoble, du 3 sept. 1814. - Prat et Gérard acquiescèrent à cette ordonnance, en se présentant devant les arbitres et en exposant leurs moyens de défense. Le 14 janv. 1816, jugement arbitral qui condamne Prat et Gérard à payer à Bouquin environ 14,000 fr. Le 15, ordonnance de l'un des présidents de la cour de Grenoble, qui rend ce jugement exécutoire.

Prat et Gérard attaquèrent ce jugement à trois reprises différentes; ce qui donna lieu à trois instances successives et à trois nouveaux arrêts. — Dans la première instance, ils formèrent opposition à l'ordonnance d'exequatur, par le motif que les arbitres n'avaient pas prononcé dans le délai de trois mois, à partir de leur nomination; mais ils furent déclarés non recevables par arrêt du 12 août 1816, attendu que les arbitres ayant été nommés suivant le c. com., n'avaient pas été astreints à juger dans le délai de trois mois. Dans la seconde instance, Prat et Gérard soutinrent qu'aux termes de l'arrêt du 6 août 1813, les arbitres n'avaient pas été commis pour juger le différend des parties, mais seulement pour donner un avis propre à éclairer la décision de la cour. Ils demandèrent, en conséquence, que la cour procédât au jugement du procès. Cette demande fut rejetée par un arrêt du 28 juil. 1817, qui considéra que les arbitres avaient été réellement nommés pour juger et remplir le premier degré de juridiction.

Enfin, dans la troisième instance, Prat et Gérard prétendirent que, puisque les arbitres avaient été nommés pour prononcer en premier ressort, ils auraient dû être nommés par le tribunal de commerce, et que leur sentence aurait dû être déclarée exécutoire par le président de ce tribunal. Ils tiraient de là la conséquence que les deux ordonnances de la cour royale, qui avaient nommé les arbitres et ordonné l'exécution de leur sentence, avaient été incompétemment rendues; ils formèrent donc opposition à ces ordonnances et en demandèrent la nullité.

Le 18 fév. 1818, arrêt qui maintient la première ordonnance, par le motif que Prat et Gérard y ont acquiescé, annule la seconde comme incompétemment rendue, et renvoie les parties devant le président du tribunal de commerce, pour obtenir une ordonnance d'exequatur: « Considérant, portent les motifs de cet arrêt, que la décision du 4 janv. 1814, rendue par les arbitres, est un véritable jugement arbitral dans le sens de l'art. 51 du c. com., remplissant seulement le premier degré de juridiction, un jugement susceptible d'appel, de l'avcu même du sieur Bouquin dans ses conclusions motivées du 3 mai 1817, et que c'est ainsi que la cour l'a déjà jugé par son arrêt du 28 juill. 1817;- Considérant qu'aux terme de l'art. 61 du c. com., ce jugement arbitral ne pouvait être rendu exécutoire que par une ordonnance du président du tribunal civil de Briançon, faisant fonctions de tribunal de commerce, après avoir été déposé au greffe de ce tribunal; - Considérant que le magistrat de la cour, qui a rendu l'ordonnance d'exequatur du 15 janv. 1816, ne pouvait, dans aucun cas, remplacer ou suppléer le président du tribunal de Briançon, seul délégué par la loi; qu'ainsi ce magistrat était sans pouvoir et sans caractère pour rendre exécutoire le jugement arbitral dont il s'agit, et que ce jugement n'a jamais été revêtu d'aucun mandement légal; -Considérant

le titre en vertu duquel elle a été prise, n'est pas recevable à contester de nouveau cette hypothèque en alléguant le défaut d'authencité du titre ou en soutenant que les sommes à raison desquelles l'hypothèque est réclamée n'ont pas leur source dans. ce titre (Rej., 15 janv. 1828) (2);

201. Il a été décidé pareillement 1° Qu'un jugement passé en force de chose jugée, qui a déclaré valide une police d'assurance arguée de nullité comme souscrite par un agent étranger

que l'arrêt du 12 août 1816, par lequel Prat et Gérard furent déclarés non recevables en l'opposition qu'ils avaient formée envers l'ordonnance d'exequatur du 15 janvier précédent, n'est point un obstacle à ce que la cour prononce la nullité de cette ordonnance sur la nouvelle réclamation de Prat et Gérard, dès que, d'une part, lors de l'arrêt précité, la question de nullité, par défaut de pouvoir dans la personne de l'auteur de l'ordonnance, ne fut ni agitée ni soumise à la décision de la cour, et que, d'autre part, il résulte de la combinaison des art. 480 c. pr., et 1351 c. civ., que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement entre mêmes parties, sur mêmes moyens et sur même cause, ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce; Considérant que, lors de l'arrêt de 1816, Prat et Gérard attaquaient l'ordonnance d'exequatur, uniquement sur le défaut de pouvoir de la part des arbitres, en s'élayant de la circonstance que le jugement arbitral avait été rendu plus de trois mois après la nomination des arbitres, et en se fondant sur l'art. 1012 c. pr., etc. »>

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Pourvoi par Bouquin, pour violation de la chose jugée.-Il est constant, dit-il, que les deux demandes étaient formées entre les mêmes parties, et qu'elles avaient le même objet, c'est-à-dire la nullité, soit de la sentence arbitrale, soit de l'ordonnance d'exequatur qui s'identifie avec cette décision. Elles avaient aussi la même cause, puisque l'une et l'autre étaient fondées sur des vices de forme, c'est-à-dire sur un même genre de nullité.

Les défendeurs ajoutaient aux motifs de l'arrêt dénoncé que le demandeur était non recevable à critiquer la disposition de l'arrêt qui avait annulé l'ordonnance d'exequatur, parce qu'un précédent arrêt, celui du 28 juill. 1817, avait déclaré que les arbitres étaient des juges en premier ressort, ce qui décidait implicitement que leur sentence était nulle, faute d'avoir été rendue exécutoire par le président du tribunal de commerce; mais il est aisé de voir que ce moyen de défense, tiré non du dispositif, mais uniquement des motifs de l'arrêt du 28 juill. 1817, ne présentait aucune consistance.-Arrêt (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR ;-Vu les art. 1550, 1551 et 1352 c. civ.; - Considérant que Prat et Gérard ont, en 1816 et 1818, attaqué l'ordonnance d'exequatur dont il s'agit; que l'arrêt intervenu en 1816 a déclaré cette demande non recevable, et que celui de 1818 l'a accueillie; qu'ainsi il y a contrariété entre ces deux arrêts;-Considérant qu'ils ont été rendus entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités; que la chose demandée a été la même dans les deux instances, puisque, dans l'une et l'autre, l'action et les conclusions ont été également dirigées contre l'ordonnance d'exequatur; enfin, que ces deux demandes ont clé fondées sur la même cause, sur la nullité de l'ordonnance; que si, dans l'une de ces instances, l'on a fait valoir une nullité dont on n'a pas excipé dans l'autre; que si, par suite, les deux arrêts jugent des questions différentes, tout ce qui en résulte, c'est qu'à ces deux époques, les parties n'ont pas présenté les mêmes moyens; mais qu'il est constant, en droit, que l'identité de moyens n'est pas nécessaire pour constituer l'exception de chose jugée; qu'elle se compose des trois éléments qui se rencontrent dans l'espèce; d'où il suit que l'arrêt attaqué a violé les lois ci-dessus citées; - Considérant, sur le moyen de défense, que Prat et Gérard tirent de l'arrêt du 28 juill. 1817, que co moyen, fondé sur un des motifs de l'arrêt et non sur son dispositif, ne peut être pris en considération; - Casse, etc.

Du 29 janv. 1821.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Zangiacomi, rap.Jourde, av. gén., c. conf.-Nicod et Teysscyrre, av.

(2) (Delavaivre C. Bardot )-LA COUR (apr. délib.); -Sur le premier moyen-Considérant que, dans la cause restant à juger par suite du jugement du 29 déc. 1819, le sieur Delavaivre est intervenu pour se joindre au sieur Derain, et contester avec lui le compte du sieur Juillet, compte de l'apurement duquel dépendait le sort de l'hypothèque maintenue définitivement par ce jugement, après l'avoir été provisoirement par celui du 30 mai 1810; hypothèque conservée par l'inscription du 7 avril 1807, renouvelée le 2 avril 1817; qu'indépendamment de la qualité de créancier, qui le soumettait aux décisions portées contre son débiteur (Derain), le demandeur, en intervenant dans cette cause où il s'agissait de procéder en exécution et par suite desdits jugements de 1819 et de 1810, se les est rendus communs, et que, dès lors, ils ont été justement invoqués en réponse et en défense à ses contredits; - Que les moyens proposés depuis contre le droit hypothécaire du défendeur n'ont point constitué une demande nouvelle, l'objet étant toujours le même (faire rejeter ou réduire l'hypothèque avec la créance); qu'ainsi, la cour royale a pu et dû se fonder sur l'autorité de la chose jugée;-Rejette.

Du 15 janv. 1828.-G. C., ch. civ.-MM. Brisson, pr.-Piet, rap.-Joubert, av. gén., c. conf.-Dalloz et Nicod, av.

à la compagnie d'assurance, peut être opposé plus tard à cette même compagnie dans une seconde instance en nullité de la même police, fondée sur ce que l'agent signataire avait excédé ses pouvoirs (Req., 24 fév. 1835, aff. le Phoenix, V. Ass. terr., n° 305). 2° Que de même on ne peut proposer devant un conseil de préfecture des moyens spéciaux de nullité contre des procès-verbaux constatant un manquement à un service public (nettoiement d'une ville), lorsque la nullité de ces procès-verbaux, déjà demandée par d'autres moyens, a été rejetée (Ord. cons. d'Ét., 3 sept. 1836) (1).

(1) Espèce:-( Entrepreneur de nettoiement de la ville de Paris.)En 1832, plusieurs procès-verbaux constatèrent que la compagnie Savalette, chargée du nettoiement de la ville de Paris, avait manqué à son service. Elle opposa à une partie de ces procès-verbaux des moyens spéciaux de nullité, et à l'autre des moyens généraux. Les premiers seulement furent admis, le 28 oct. 1833, par le conseil de préfecture.

Le 4 août 1834, la compagnie Savalette demanda la nullité des autres procès-verbaux, attendu qu'elle résultait des moyens spéciaux que le Conseil avait admis, et que la nullité devait s'étendre sans distinction à tous les procès-verbaux qui en étaient entachés. Bien plus, elle prétendit que cette nullité devait être étendue à d'autres procès-verbaux, en date de 1831, bien qu'elle eût accepté les décomptes de ces services, sans réserves, parce qu'elle n'avait pu avoir, avant cette époque, les éléments nécessaires pour prouver cette nullité. Le conseil ayant rejeté sa demande, elle a formé recours au conseil d'État.

LOUIS-PHILIPPE, etc.; - Vu Vu l'arrêté attaqué du 4 août 1834; le cahier des charges du nettoiement de la ville de Paris; Vu les conclusions prises le 12 déc. 1852, par les sieurs Savalette et compagnie, devant le conseil de préfecture de la Seine; En ce qui touche l'interprétation donnée par l'arrêté attaqué à l'arrêté du 28 oct. 1833: Considérant que les sieurs Savalette et compagnie avaient proposé pour chacun des procès-verbaux par eux déférés au conseil de préfecture, des moyens spéciaux de nullité; que l'arrêté dudit conseil ne s'applique qu'auxdits procès-verbaux et aux moyens de nullité proposés pour chacun d'eux; Que, dès lors, le conseil de préfecture de la Seine a fait une juste application de son arrêté du 28 oct. 1833; - En ce qui touche les procèsverbaux antérieurs au mois d'août 1832, et non compris dans l'arrêté du 28 octobre: Considérant que lesdits procès-verbaux n'étaient pas compris dans la demande en nullité formée par les sieurs Savalette et compagnie, dans leur premier pourvoi devant le conseil de préfecture, et que ces procès-verbaux se rapportent à un service dont la compagnie Savalette a été soldée sans réserves ni réclamation de sa part;

Art. 1. La requête des sieurs Savalette et compagnie est rejetée. Du 3 sept. 1836.-Ord. cons. d'Ét.-MM. Robillard, rap.-Germain, concl. (2) (Giraud C. Laurendeau, etc.) — LA COUR (après délib. ); — Vu les art. 1163, 1351 et 2048 c. civ.; Attendu, qu'aux termes de l'art. 1551 c. civ., conforme aux anciens principes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'autant que la demande est fondée sur la même cause; que la demande de la veuve Girault, rejetée par l'arrêt du 25 nivôse an 11, tendait à la révocation de la donation du 15 prair. an 2, par la survenance d'un enfant au donateur, et sa demande actuelle a pour objet la réduction de la donation pour la réserve de cet enfant; que ces deux demandes diffèrent par leurs causes, comme par leurs effets, puisque la révocation par survenance d'un enfant a son principe dans l'intérêt du donateur, et opère la nullité de la donation; au lieu que la réduction pour la réserve a sa source dans l'intérêt des enfants, et suppose la validité et l'effet de la donation sur laquelle elle ne peut être exercée qu'au besoin, et jusqu'à concurrence de ce qui est nécessaire pour remplir la réserve; que, par une suite, il ne résulte aucune exception de chose jugée contre la réduction, de ce que l'arrêt du 25 nivôse an 11 a rejeté la révocation; qu'on n'a pu décider le contraire, sous prétexte que, lors de cet arrêt, la Veuve Girault était défenderesse à la demande en exécution de la donation, et qu'à ce titre elle devait, suivant les lois alors existantes, opposer la réduction en défense à la demande, puisque aucune de ces lois ne lui imposait cette obligation; qu'au contraire, les lois d'alors, comme aujourd'hui l'article précité du code, en exigeant l'identité de cause pour établir l'exception de chose jugée sur une demande, prescrivaient cette condition d'une manière générale, absolue et sans distinction, par conséquent à l'égard du défendeur, comme à l'égard du demandeur; d'où il suit que, tout comme le demandeur était tenu d'employer tous ses moyens à l'appui de la demande, le défendeur était obligé d'opposer toutes ses exceptions en défense à la demande; mais que, de même que le demandeur pouvait, nonobstant le jugement, exercer les droits qu'il avait pour d'autres causes, le défendeur demeurait libre de faire valoir les droits qu'il avait pour des causes qui n'étaient point des exceptions à la première demande nonobstant la chose jugée à laquelle ils étaient étrangers, et ne portaient aucune atteinte; que la réduction n'est point une exception contre la validité et l'effet de la donation, puis- | qu'elle en suppose l'exécution, qu'elle ne porte conséquemment aucune

TOME VIII.

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202. Les tribunaux ont vu des causes différentes dans les décisions suivantes desquelles il résulte: 1° Qu'il n'y a nulle identité de cause entre la demande en révocation d'une donation, pour cause de survenance d'enfants, et la demande en réduction de cette même donation, comme excédant la quotité disponible; le rejet de la première demande ne fait pas obstacle à l'admission de la seconde (Cass., 5 juin 1821; Bourges, 11 déc. 1821) (2). Le demandeur citait Voët sur la loi 7, D., De except. rei judic., Pothier, dans ses pandectes sur le même titre, notamment le § 18, et des Oblig., t. 2, ch. 3, où il cite les lois 3, C., De petit.

atteinte à la chose jugée par le jugement qui en ordonne l'exécution; Qu'on n'a pu encore moins induire l'exception de chose jugée sur la réduction, de ce que la question aurait été implicitement et virtuellement jugée par l'arrêt du 25 nivôse an 11, puisque, suivant l'article déjà cité du code, également conforme en ce point aux anciens principes, il est indispensable, pour constituer la chose jugée sur un objet quelconque, qu'il y ait des conclusions prises par les parties sur ce chef, ou une disposi tion du jugement qui en prononce le rejet ou l'admission; qu'il n'y eut dans l'instruction qui prépara l'arrêt du 25 nivôse an 11 aucunes conclusions prises sur la réduction, ni dans les qualités et le dispositif de cet arrêt aucune question posée, ni aucune prononciation sur ce chef; que, par conséquent, il n'y eut pas chose jugée sur ce point; que si dans les motifs on examina s'il y avait lieu à restriction de la donation au profit de l'enfant Girault, ce fut uniquement sous le rapport de la réduction des donations entre époux, prescrite par les art. 13 et 14 de la loi du 17 nivôse an 2, en cas d'enfants, et non sous celui de la réduction pour la réserve, dont il ne fut fait aucune mention; qu'enfin, quand on s'en serait occupé sous ce dernier rapport, on ne l'aurait fait que pour en raisonner relativement à la révocation; en sorte qu'en ce cas même, faute de conclusions, de position de question et de prononciation sur la réduction, il n'y aurait point chose jugée sur ce chef; qu'il suit de là qu'en déclarant la veuve Girault non recevable dans sa demande en réduction, sous prétexte de la chose jugée par l'arrêt du 25 nivôse an 11, l'arrêt a violé et faussement appliqué l'art. 1351 du code, conforme aux anciens principes;-Casse et annule l'arrêt de la cour de Poitiers du 24 déc. 1819. Du 5 juin 1821.-C. C., sect. civ.-MM. Brisson, pr.-Cassaigne, rapCahier, av. gén., c. conf.-Rochellé et Guichard, av.

Sur renvoi, décision conforme ainsi conçue : - Arrêt. LA COUR; Attendu qu'il est évident que, lors du premier procès, c'était la donation dont les appelants voulaient faire ordonner l'exécution; que c'était la donation dont la dame Girault voulait faire prononcer la révocation; que tous les moyens, de quelque manière qu'ils ont été présentés, dans quelque article de loi qu'ils aient été puisés, tendaient à ce but unique; que les tribunaux successivement saisis ne l'ont été que de ce point; que c'est le seul aussi sur lequel ils ont prononcé ; - Que, dans le procès actuel, la dame Girault demande qu'en sa qualité d'héritière de son fils, il lui soit accordé pour sa légitime une portion des biens compris dans la donation; Que les demandes formées aux deux époques, loin d'être identiques, sont contradictoires et s'excluent mutuellement; Que la première tendait à anéantir la donation, à exclure irrévocablement les appelants, à les rendre étrangers à la succession Girault; — Que dans la deuxième, au contraire, la dame Girault reconnaît et confirme la donation; qu'elle considère les appelants comme propriétaires des biens donnés; que c'est à eux qu'elle s'adresse pour obtenir la portion que, suivant elle, la loi a réservée à son fils sur ces biens; - Qu'en vain les appelants objectent que ce qu'ils demandaient lors du premier procès, c'était la propriété entière, exclusive de tous les biens compris dans la donation; et que ce que demandait la dame Girault, c'était la propriété entière, exclusive de tous les biens composant la succession de son mari; qu'il ne s'agissait entre eux que d'un combat de propriété ; que la justice leur ayant attribué tous les biens, c'est revenir contre la chose jugée que d'en vouloir retenir une portion quelconque, la partie se trouvant dans le tout; Que c'est confondre l'effet avec la cause; que, dans le premier procès, il s'agissait sans doute de savoir à qui, en définitive, appartiendraient les biens de la succession Girault; qu'ainsi c'était réelle. ment un combat de propriété; mais que cette propriété devait être l'effet du maintien ou de la révocation de la donation; Que l'arrêt de Poitiers ne prononce pas, par une disposition directe, sur la propriété des biens; qu'il n'en donne point une quotité déterminée; que seulement ayant ordonné l'exécution de la donation, il attribue aux donataires les biens qu'elle comprend, sans dire si tous ceux trouvés dans la succession en font partie, s'ils sont ou non sujets à la réduction pour la légitime de l'enfant, question qui n'était pas soumise à ce tribunal; Qu'après

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avoir établi que l'objet de la demande formée aujourd'hui par la dame Girault, diffère essentiellement de celui qu'elle se proposait dans le premier procès, il est inutile d'examiner si on retrouve dans l'espèce les autres conditions exigées par l'art. 1351 du code, puisque ce n'est qu'à la réunion des divers éléments exigés qu'il attache l'autorité de la chose jugée. Du 11 déc. 1821.-C. de Bourges, aud. solen.-M. Delaméthrie, pr.

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hæredit. et 47 D., eod., tit.- 2o Qu'on doit pareillement considérer comme fondées sur des causes parfaitement distinctes les demandes tendantes à être colloquées dans un ordre pour la même créance en vertu d'hypothèques différentes. Ainsi, le créancier qui, ayant le droit de se faire colloquer dans un ordre, en vertu d'une inscription propre à sa créance, et en vertu de l'hypothèque légale de la femme du débiteur, à laquelle il a été subrogé, a été écarté par décision souveraine, lorsqu'il requérait sa colloca-. tion en vertu de sa propre hypothèque, ne peut être déclaré non recevable par application de l'exception de la chose jugée, lorsqu'il vient demander à être colloqué en vertu de l'hypothèque légale à laquelle il a été subrogé, alors qu'il n'avait été nullement | question de ce titre, dans la première instance (Cass., 5 avril 1831) (1); - 3° Que la demande en réunion d'une propriété au domaine de l'État, fondée sur l'inaccomplissement de l'événement qui devait opérer le retour de la concession, repose sur une tout autre cause que l'action ultérieurement formée en révocation de la concession exercée en vertu de la loi du 14 vent. an 7; et par conséquent le rejet de la première n'empêche point qu'il ne soit fait droit à la seconde (Rej., 13 déc. 1831, aff. Rohan, V. Domaines.)

203. De même, encore, 1o Après le rejet d'une demande en nullité d'un testament fait par un Français naturalisé en pays étranger sans autorisation du gouvernement, tiré de ce que le lestateur était dépouillé de la propriété des biens situés en France, par suite de la confiscation prononcée par l'art. 6 du décret du 26 août 1811, une partie est recevable à former une nouvelle demande en nullité du testament, en se fondant sur ce que le testateur, privé de tous ses droits civils, en vertu du même dé

(1) Espèce :-(Belloncle C. Samson.) - Dans une première instance que Belloncle avait soutenue contre Samson et autres créanciers des époux Gellée, une inscription hypothécaire qu'il avait prise sur les biens des mariés Gellée fut déclarée nulle faute d'avoir été renouvelée. Plus tard, il demanda, en vertu d'un acte authentique du 12 déc. 1819, qui l'avait subrogé dans l'hypothèque légale de la dame Gellée, à être colloqué au rang de cette hypothèque pour le montant de sa créance. Le juge-commissaire, chargé de l'ordre, l'avait en effet colloqué comme il le demandait. Mais les créanciers contestèrent; ils soutinrent, entre autres choses, qu'il avait été décidé par les jugement et arrêt de 1826, passés en force de chose jugée, que Belloncle ne figurerait pas dans l'ordre; qu'il était, par suite, impossible de l'admettre maintenant. Le 1er mai 1827, jugement du tribunal de Beauvais qui écarte cette fin de non-recevoir, mais qui, par d'autres motifs, rejette la prétention de Belloncle. Voici les motifs de ce jugement sur l'exception de chose jugée, la seule question qui ait été examinée par la cour de cassation : « Attendu que, suivant l'art. 1351 c. civ., pour qu'il y ait lieu d'appliquer l'autorité de la chose jugée, il faut que la demande soit fondée sur la même cause, entre les mêmes parties et sous les mêmes qualités; - Attendu, en fait, que lors de sa première demande en collocation, Belloncle n'a produit que l'obligation du 22 janv. 1814, sans faire valoir sa qualité de subrogé dans l'hypothèque légale de la femme Gellée; - Attendu que, lors de sa deuxième demande en collocation, il a produit l'acte du 12 déc. 1819, contenant l'obligation de la femme Gellée, et cession de son hypothèque légale jusqu'à concurrence de 5,000 fr.; qu'ainsi, la question de subrogation d'hypothèque légale n'a pas été ajoutée lors des jugement et arrêt des 11 juill. et 23 nov. dernier, puisque Belloncle se présentait comme créancier non subrogé, et ne produisait pas l'acte du 12 déc. 1819; Attendu que Belloncle n'était pas tenu de faire valoir simultanément ses droits de créancier et de subrogé; que, jusqu'à la clôture de l'ordre, il a pu se présenter sous une nouvelle qualité et produire d'autres titres; que sa nouvelle production, en la supposant tardive, ne donnerait lieu qu'à l'appli cation de l'art. 757 c. pr. c. »>

Appel. Le 28 avril 1828, arrêt de la cour d'Amiens qui décide la question dans un sens contraire en ces termes : « En ce qui touche la fin de non-recevoir contre la demande de l'appelant du 30 déc. 1826, que les intimés font résulter de l'autorité de la chose jugée par les jugement et arrêt des 11 juill. et 23 nov. 1826: - Attendu qu'il est évident que lesieur Belloncle n'étant d'abord créancier que du sieur Gellée, en vertu de l'acte du 22 janvier 1814, n'a fait obliger la femme Gellée envers lui, par l'acte du 12 déc. 1819, que pour pouvoir s'en dire créancier, et exercer ses droits par le moyen de son hypothèque légale ; Attendu que Belloncle, acquéreur, par le contrat du 12 juill. 1823, des biens propres du sieur Gellée et des biens de la communauté, et étant son créancier inscrit sur lesdits biens, en vertu de son obligation personnelle dudit jour, 22 janv. 1814, n'avait pas besoin, pour primer les autres créanciers de son débiteur, d'être et de se dire le créancier de la femme de celui-ci; que ce n'a donc été que pour s'assurer davantage la propriété qu'il a pris, dans la première instance, la qualité de créancier de la dame Gellée; que

cret, n'avait pu valablement disposer par testament (Pau, 19 mars 1834, aff. Caravanca, V. Droits civils);-2° L'annulation d'un acte de partage, en ce qu'il contenait aliénation par le mari de l'immeuble dotal, n'est pas une violation de la chose jugée par un arrêt qui maintenait ce partage sur une demande en nullité pour cause de lésion (Req., 15 juin 1837, aff. Justamond, V. Contrat de mariage ); · · 3o Le jugement qui, sur la demande qu'un acquéreur actionné en délaissement a formée lui-même en garantie contre un individu qu'il prétend être vendeur, et auquel partie du prix de vente est payée sous forme de rente viagère, décide que cet individu n'est pas vendeur, et condamne l'acquéreur à payer la rente, un tel jugement ne fait pas obstacle à ce que, après le délaissement opéré, ce dernier fasse juger que ce délaissement a eu pour effet de l'affranchir du service de la rente (Rej., 27 juin 1838, aff. Peireyra, V. Hypothèque).

204. C'est toujours dans l'esprit de la jurisprudence qu'on vient de retracer qu'on décide qu'il est permis de se prévaloir de moyens de forme, après qu'on a fait inutilement valoir les moyens du fond, pourvu bien entendu que ces moyens ou causes tirés de la forme ne soient pas de nature à être couverts en ce qu'ils n'ont pas été proposés avant la défense au fond.-En conséquence il a été jugé : 1o Que celui qui a échoué dans la demande en nullité d'une vente, fondée sur ce que la chose vendue était litigieuse, et sur ce que l'acheteur était, pendant le litige, l'avocat et le conseil du vendeur, est néanmoins recevable à former une nouvelle demande en nullité de cette vente, fondée sur ce que le' prétendu contrat de vente n'est qu'un simple engagement (Rej., 27 août 1817 (2) ;—3o Que le jugement qui a rejeté une demande

cette qualité avait pour cause l'obligation personnelle de la dame Gellée, et la subrogation contenue en l'acte du 12 déc. 1819; que cette obligation et les principales stipulations sont rappelées dans le contrat de vente du 12 juill. 1825, poduit en ladite première instance par le sieur Belloncle, et que, par cette production, il a suffisamment justifié sa qualité de créancier de la dame Gellée, et son aptitude à en exercer les droits; - Attendu que si le tribunal de première instance de Beauvais et la cour n'ont jugé que des questions nées de la demande en nullité de l'inscription, du 1er fév. 1814, et de sa prétention à compenser avec sa créance les 13,000 fr., prix de son acquisition, c'est que le sieur Belloncle s'est borné à défendre à cette demande en nullité, et à soutenir son système de compensation; qu'il a ainsi négligé de se prévaloir de l'obligation personnelle de la dame Gellée, de son hypothèque légale et de la subrogation par lui obtenue, encore qu'il se dit créancier de ladite dame, et produisit titre suffisant dans le contrat du 12 juill. 1823; qu'il doit n'imputer qu'à sa négligence le tort qu'il en peut souffrir; - Attendu que, dans la deuxième instance terminée par le jugement dont est appel, le sieur Belloncle ne s'est présenté ni avec une nouvelle cause de créance, ni dans une nouvelle qualité; -Attendu que la fin de non-recevoir opposée au sieur Belloncle réunit toutes les conditions exigées par l'art. 1351 c. civ., et doit être accueillie; - Attendu qu'en le décidant ainsi, la cour n'a point à s'occuper des autres questions que la cause présente. »>-Pourvoi. - Arrêt.

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LA COUR ; Vu l'art. 1351 c. civ.; Attendu que le créancier qui n'a qu'un droit à exercer, est incontestablement tenu de présenter simultanément tous les moyens propres à l'établir; que, s'il succombe dans une première demande, il ne peut pas la renouveler, sous prétexte qu'il a de nouveaux moyens à invoquer; Qu'au contraire, le créancier qui a des droits distincts par leur cause et leur objet, n'est nullement tenu,d'en cumuler l'exercice; qu'il peut faire valoir successivement chacun de ses droits; Que le demandeur en cassation avait deux hypothèques bien distinctes, l'une de son chef, l'autre du chef de la dame Gellée, en vertu de la subrogation; Qu'il n'a fait valoir, en 1816, que la première, et qu'il a succombé; Qu'il lui restait, par conséquent, à exercer la deuxième indépendante de la première; - Qu'il y était recevable jusqu'à la clôture de l'ordre, sauf les frais auxquels sa production tardive aurait donné lieu; qu'en décidant le contraire, la cour royale d'Amiens a contrevenu à l'art. 1351 c. civ.; Casse.

Du 5 avril 1851.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1" pr.-Vergès, rap.Joubert, 1er av. gén., c. conf.-Lacoste, 3v.

(2) Espèce :-(Chegaray C. Sallenave.) Une contestation existait entre la demoiselle Lespès-Hureaux et les sieur et dame Sallenave, ses sœur et beau-frère, relativement au partage des biens dépendants de la succession maternelle, et à la fixation de la légitime paternelle. La demoiselle Hureaux avait pour avocat, lors de cette contestation, Chegaray. Le 26 frim. an 7, compromis entre les parties. Le 29 ventôse suivant, vente, par la demoiselle Hureaux à Chegaray, de deux maisons situées à Bayonne, et dépendant des deux successions, moyennan

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en inscription de faux dirigée contre un acte, ne fait pas obstacle à ce que cet acte soit plus tard annulé pour vices de forme (Req.,

21,000 fr., sur lesquels la venderesse déclare avoir reçu 15,000 fr.; les 6,000 fr. restants sont compensés avec une créance de pareille somme, due par la succession Hureaux à Chegaray. Celui-ci, après s'être mis en possession des maisons vendues, prend, en outre, inscription sur la venderesse pour sûreté de la créance de 21,000 fr. résultant du contrat de vente du 29 vent. an 7, plus pour la somme par lui payée pour l'enregistrement de la vente.

Postérieurement, les parties révoquent l'arbitrage auquel elles s'étaient soumises; l'affaire reportée, en conséquence, devant les tribunaux, arrêt du 16 flor. an 10, qui ordonne la vérification des droits de la dame Sallenave. Le 20 flor. an 13, transaction d'après les conseils de quatre personnes, au nombre desquelles se trouve Chegaray. - L'art. 2 de ce traité, en donnant une désignation détaillée des biens des deux successions ne parle point des maisons vendues à Chegaray; mais on y lit la clause suivante : « Dans le cas où il se trouverait quelque autre bien immeuble ou quelque autre droit actif et mobilier dépendant des successions paternelle et maternelle des parties, il est convenu qu'ils seront joints et incorporés à ceux énoncés dans l'article qui précède et soumis aux conditions suivantes. » L'art. 10 contient ensuite la cession par la demoiselle Hureaux à sa sœur de tous les immeubles, à l'exception des domoines de Lissague et de Lanot que la première se réserve. Les sieur et dame Sallenave ayant encore attaqué cette transaction, elle est maintenue par arrêt du 23 mars 1808; et le pourvoi, dirigé par eux contre cet arrêt, est rejeté le 15 juin 1809.

-

Cependant, dès le 4 oct. 1806, la dame Sallenave, agissant en qualité de cohéritière dans la succession maternelle et de légitimaire dans la succession paternelle, avait formé, contre Chegaray, une demande à fin de délaissement, sans indemnité, des deux maisons à lui vendues. Elle se fondait sur ce que Chegaray, conseil de la demoiselle Hureaux pendant le litige, avait acquis des droits litigieux.

Devant la cour de Pau, la demoiselle Hureaux intervient, et se joint à Chegaray. Le 8 mars 1809, arrêt qui rejette la demande des sieur et dame Sallenave, par le motif, entre autres, que les sieur et dame Sallenave n'avaient pas même des droits éventuels sur ces deux maisons, puisqu'ils avaient transigé, par l'acte authentique du 20 flor. an 15, avec la demoiselle Hureaux, sans se réserver aucun droit sur les maisons vendues.

Le 9 janv. 1813, les sieur et dame Sallenave, agissant non plus en qualité de cohéritiers de la demoiselle Hureaux, mais en vertu de la cession faite par celle-ci à leur profit, dans la transaction du 20 flor. an 13, qu'ils avaient inutilement attaquée, somment Chegaray de leur délaisser les deux maisons, en lui offrant le remboursement des 21,000 fr.; ils soutiennent que la vente de ces deux maisons était simulée, et que ce n'était dans la réalité qu'une antichrèse. — Chegaray répond que l'arrêt du 8 mars 1809 a force de chose jugée sur cette nouvelle demande.

En 1815, arrêt de la cour de Pau, qui, rejetant cette fin de non-recevoir, condamne Chegaray à délaisser aux sieur et dame Sallenave les deux maisons, et ceux-ci, suivant leurs offres, à rembourser à Chegaray les 21,000 fr. Sur la fin de non-recevoir, la cour considère que, lors de l'arrêt du 8 mars 1809, les sieur et dame Sallenave agissaient contre Chegaray comme acquéreur de droits litigieux; tandis qu'au contraire il s'agit aujourd'hui de fixer le vrai caractère du contrat du 29 vent. an 7; que la demande actuelle n'est pas la même et ne conduit pas au même résultat, puisque, lors du premier procès, les sieur et dame Sallenave demandaient le délaissement des deux maisons, sans offrir le remboursement des 21,000 fr., tandis qu'aujourd'hui ils ne demandent ce délaissement qu'en se soumettant à ce remboursement; que les qualités dans lesquelles ont agi les sieur et dame Sallenave ne sont pas non plus les mêmes, puisque, lors de l'arrêt de 1809, ils agissaient de leur chef personnel, tandis que, dans le procès actuel, ils agissent comme subrogés aux droits de la demoiselle Hureaux et de son chef. Au fond, l'arrêt considère que les maisons dont il s'agit ne sont pas, à la vérité, énoncées dans la première partie de l'art. 10 de la transaction du 20 flor. an 13; mais qu'on a exprimé, dans la seconde partie, que, dans le cas où il se trouverait quelque autre immeuble dépendant des successions paternelle et maternelle, il serait compris dans la cession; que les deux maisons dont il s'agit dépendant de ces successions, elles sont comprises dans l'art. 10, et font partie des droits cédés aux sieur et dame Sallenave, à supposer que la vente de ces maisons ne soit pas réelle. - Puis la cour, appréciant les faits et circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la vente, décide que cette vente n'a rien de réel; que ce n'était qu'un simple engagement.

Pourvoi par Chegaray, pour violation de l'autorité de la chose jugée. Comme en toute demande, avant d'apprécier le fond, il faut d'abord décider si le demandeur est ou non recevable dans son action, ce qui forme une question préjudicielle, il en résulte que si, par un premier arrét, le demandeur a été déclaré d'une manière générale non recevable à invoquer un titre, il ne peut plus intenter une nouvelle demande à raison du même titre; or, l'arrêt du 8 mars 1809 avait déclaré la première demande en nullité de la vente non recevable, en se fondant sur ce que les sieur et dame Sallenave n'avaient pas même des droits éventuels sur les

6 juin 1826, aff. Huguenin, V. Notaire et Oblig.).—L'arrêt constdère que le juge de l'inscription de faux « n'a pu statuer sur la de

maisons dont il s'agit, puisque, dans l'acte du 20 flor. an 13, ils ne s'étaient réservé aucun droit sur ces deux maisons. Leur seconde demande a été encore formée en vertu de la transaction et de la cession qui y est contenue. Mais avant d'examiner, d'après cette demande, si la vente des maisons était ou non un simple engagement, il fallait décider si les sieur et dame Sallenave étaient recevables à former cette demande, en vertu de la cession. Or cette question de recevabilité avait déjà été jugée sans retour par l'arrêt de 1809.

D'ailleurs, les sieur et dame Sallenave agissaient, lors du second procès, dans les mêmes qualités que lors du premier. Au commencement de ce premier procès, à la vérité, ils agissaient de leur chef, et comme copropriétaires des biens des deux successions; mais sur l'appel, leur qualité a changé, et dû changer; car la transaction faite avec la demoiselle Hureaux ayant été maintenue malgré leurs efforts, ils n'ont plus eu, sur leur appel, que la qualité de cessionnaires de la demoiselle Hureaux. Peu importe qu'ils se fussent pourvus en cassation contre l'arrêt qui validait la transaction; cet arrêt n'en avait pas moins, en attendant, toute son autorité, et leur attribuait la qualité de cessionnaires de la demoiselle Hureaux. La preuve, d'ailleurs, que c'est en cette qualité, et en vertu de la transaction, qu'ils ont agi en appel, c'est ce que l'arrêt du 8 mars 1809, porte « que c'est sans fondement qu'ils ont voulu exciper de la clause de la transaction (l'art. 10)..., puisque cette clause ne peut s'entendre que des immeubles dont les parties auraient pu ignorer l'existence. »>— - C'est en la même qualité de cessionnaires qu'ils ont formé leur nouvelle demande, et dès lors cette nouvelle demande était encore, sous ce rapport, repoussée par l'autorité de la chose jugée.

On pourrait répondre d'abord, disent les défendeurs, que les motifs d'un arrêt ne peuvent avoir force de chose jugée sur une question, parce qu'ils ne contiennent aucune disposition; mais, en admettant que le dispositif d'un arrêt s'interprète par ses motifs, toujours est-il certain qu'ils ne forment chose jugée qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du litige, et qu'ils ne peuvent être considérés comme une décision absolue et indépendante; tantum judicatum, quantum litigatum. Si un arrêt fait quelque excursion sur des points qui ne forment pas la matière du litige, s'il apprécie quelque argument produit dans la cause d'une manière purement occasionnelle, sa décision sur ces points ne peut avoir l'autorité de la chose jugée, , parce que ces points, cet argument, peuvent n'avoir été examinés que très-légèrement, et que le fond seul du procès est l'objet d'une discussion approfondie. Dans l'espèce, lors du premier procès, les sieur et dame Sallenave avaient demandé uniquement la nullité de la vente à raison de ce que les objets étaient litigieux. Pour qu'ils pussent être censés avoir demandé autre chose, il faudrait qu'on le prouvât par des conclusions écrites qu'ils auraient prises, ou par des conclusions insérées dans les qualités de l'arrêt, ou enfin par les questions posées dans cet arrêt; ou bien il faudrait établir que le sieur Chegaray avait demandé formellement que les effets de la transaction fussent appréciés d'une manière générale, et qu'il fût décidé que, sous aucun rapport, les sieur et dame Sallenave n'avaient le droit, en vertu de cette transaction, de critiquer sa vente; mais rien de tout cela n'existe; et d'ailleurs comment se serait-il agi, à l'époque de l'arrêt de 1809, de déterminer les effets généraux de la transaction, puisqu'elle était encore alors attaquée par les sieur et dame Sallenave, l'arrêt qui a rejeté leur pourvoi en cassation étant postérieur à l'arrêt de 1809? On doit donc décider que ce dernier arrêt, en se fondant sur l'art. 10 de la transaction pour déclarer la première action non recevable, n'a apprécié cette clause que relativement à l'objet de cette première action. L'opinion que les juges auraient émise d'une manière générale sur les effets de la transaction ne pourrait avoir aucun effet à l'égard d'une autre demande différente de la première. Les qualités n'étaient point non plus les mêmes lors de la première demande. Les sieur et dame Sallenave agissaient comme copropriétaires des biens des deux successions; et, quoi qu'en ait dit le sieur Chegaray, ils n'ont point changé de qualité sur l'appel. 1° II n'existe pas la moindre preuve au procès de ce changement de qualité. 2o On ne peut pas plus, sur l'appel, changer sa qualité qu'on ne pourrait substituer une nouvelle demande à la demande originaire. 3° L'arrêt de cassation qui aurait pu nécessiter ce changement n'a été rendu que postérieurement à l'arrêt du 8 mars 1809. La dame Sallenave était cohéritière avant la transaction; elle n'a pas cessé de l'être depuis; car cette transaction n'est qu'un partage entre cohéritiers; la transaction a été opposée à sa demande formée en qualité de cohéritière; c'est donc en la même qualité que, vis-à-vis du sieur Chegaray, elle a excipé de cet acte qui ne faisait que confirmer en elle cette qualité. — C'est aussi en la même qualité qu'elle en a excipé vis-à-vis de la demoiselle Hureaux, intervenante. Celle-ci n'a discuté les effets de la transaction que comme cohéritière, et dès lors c'est également comme cohéritière que la dame Sallenave a répoudu à la demoiselle Hureaux. Arrêt (apr. délib. en ch. du cons.).

LA COUR; Attendu que, lors du procès terminé par l'arrêt de 1809, la demande en nullité de la vente faite à Chegaray était fondée sur ce que les maisons vendues étaient litigieuses, et sur ce que Chegaray avait été, pendant le litige, l'avocat et le conseil de la demoiselle Hureaux; — Que,

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