Page images
PDF
EPUB

des pairs, et adopté à la majorité de 93 voix sur 97 votants,

vous rendre compte, messieurs, de quelques dispositions particulières qui sont ou des extensions ou des exceptions nouvelles à cette même règle. La loi de 1790, par ses art. 13 et 44, avait permis la chasse en tout temps, dans les lacs et étangs, et dans les bois et forêts, sans chiens courants. Le projet de loi qui vous est soumis n'admet point l'exception pour les bois et forêts, et il abandonne aux préfets, sur l'avis des conseils généraux et sous l'approbation du ministre de l'intérieur, le soin de la rétablir, 'il y a lieu, pour les marais et les étangs. L'exception introduite par la loi de 1790, pour la chasse dans les bois et forêts, se concevrait à merveille si la loi qui nous occupe n'avait à protéger que les récoltes; mais nous ne pouvons oublier qu'elle doit aussi pourvoir à la conservation du gibier; or il est certain, sous ce rapport, que la chasse dans les bois, à l'époque de la reproduction, est tout aussi nuisible que la chasse en plaine. Le projet ne pouvait donc admettre l'exception, il devait maintenir la regle; il peut en être autrement, mais cela n'est pas encore une nécessité à l'égard de la chasse dans les marais et dans les étangs. Voilà pourquoi le projet de loi, au lieu de consacrer formellement l'exception, l'abandonne à l'appréciation de l'autorité administrative. La chasse dans les marais et sur les étangs a plus spécialement pour objets certains oiseaux de passage, et la chasse des oiseaux de passage est nécessairement soumise à des règles spéciales, non-seulement pour le temps prohibé, mais encore pour les procédés de la chasse. Nous nous en occuperons ultérieurement; mais comme il est de fait que le gibier qui reste en France niche et se reproduit souvent dans les parties de marais qui ne sont pas inondées, il ne peut appartenir qu'à I administration locale de décider qu'elle est l'espèce de chasse qui doit se faire dans tel marais ou sur tel étang, et par suite d'en déterminer l'époque. Cela rentre d'ailleurs dans une autre attribution égatement conférée aux préfets par le projet de loi; elle consiste à déterminer l'époque de la chasse des oiseaux de passage en général. Cette attribution appartenait nécessairement à l'autorité locale, puisque les passages varient suivant les espèces, et les espèces suivant les lieux.

41. Enfin, messieurs, il est encore deux autres dispositions qui s'appliquent à l'exercice du droit de chasse sous le rapport du temps prohibé. Le projet laissait au règlement d'administration publique le soin de déterminer dans quels cas et sous quelles conditions la chasse serait permise pendant la nuit; votre commission a pensé que la chasse ne pouvait jamais être permise pendant la nuit; que les plus graves abus résultaient sans cesse, et résulteraient toujours d'une telle licence; qu'il valait assurément mieux restreindre et entraver quelque peu, sous ce rapport, l'exercice du droit de chasse, que de compromettre la sécurité publique, en permettant à des hommes armés de circuler librement pendant la nuit à travers les champs et au milieu des bois. C'est pendant la nuit que le braconnage s'exerce de la manière la plus redoutable; c'est alors qu'il prend souvent tous les caractères de l'attentat à la paix publique, et qu'il met en péril la sûreté des personnes. Un tel abus ne peut être toléré, et, ici, c'est l'usage même qui est l'abus: votre commission vous propose donc d'interdire absolument la chasse pendant la nuit. C'est aux tribunaux qu'il appartiendra de décider, d'après les circonstances du fait, si ce fait a été commis ou non pendant la nuit, c'est là ce qui se pratique, messieurs, dans tous les cas où, d'après notre législation pénale, la nuit constitue une circonstance aggravante.

Enfin, nous avons pensé qu'il convenait de faire droit à de nombreuses réclamations contre les abus de la chasse pendant les temps de neige, alors que le gibier est livré sans défense aux rapines du braconnage; nous vous proposons de donner aux préfets le droit d'interdire la chasse pendant les temps de neige.

:

fut présenté, le 26 mai, à la chambre des députés, qui nomma

qu'il ne confère pas plus de droit à celui qui l'obtient que n'en confère aujourd'hui le permis de port d'armes; qu'il ne donne pas le droit de chasse, mais qu'au contraire il le suppose; qu'il n'est, en un mot, qu'une condition attachée a l'exercice du droit, sous les réserves, d'ailleurs, indiquées dans la loi sur ce point fondamental, le projet, par sa précision et sa clarté, fait pleinement disparaitre la confusion que les mots de permis do chasse semblaient apporter avec eux.

45. La confusion des idées, sous un autre rapport, était accrue par deux dispositions du projet que votre commission a repoussées. L'une était de forme, l'autre tenait au fond des choses. Celle-là résultait de la rédaction de l'art. 1; celle-ci, des dispositions de l'art. 6. L'art. 1 est ainsi conçu : « Nul n'aura la faculté de chasser, sauf les exceptions ci-après, si la chasse n'est pas ouverte, et s'il ne lui a pas été délivré un permis de chasse par l'autorité compétente. » Cette rédaction semblait indiquer que le permis de chasse donné par l'autorité publique, conférait la faculté de chasser: cela n'est point exact. Le droit de chasse est une dépendance du droit do propriété le gouvernement peut et doit en réglementer l'exercice, mais il ne concede pas une faculté qui préexiste à son permis. Votre commission a modifié cette rédaction, et fait disparaître l'espèce de conflit qui existait entre le fond et la forme de la pensee. Elle a maintenu l'expression dans le dernier paragraphe, parce qu'en effet, c'est la faculté qui manque lorsqu'il s'agit de la chasse sur le terrain d'autrui.

:

44. L'autre disposition, contenue dans l'art. 6, est beaucoup plus grave, et c'est après de sérieuses discussions que votre commission s'est décidéo à la repousser. Elle a pour but de donner aux préfets le droit de refuser discrétionnairement les permis de chasse. Assurément nous sommes convaincus qu'un tel pouvoir serait exercé sans abus, alors surtout que le recours est ouvert devant le ministre de l'intérieur, contre les décisions des préfets; mais il nous a été impossible de ne pas trouver cette disposition en contradiction avec les principes de notre droit criminel. Le permis de chasse remplace le permis de port d'armes; or, dans l'état actuel de notre législation, la privation du droit de port d'armes est une peine écrite dans le code pénal, que les tribunaux seuls peuvent prononcer: il parait donc impossible d'accorder à l'administration, quelle que soit la juste confiance qui l'entoure, le droit d'appliquer ainsi une véritable peine sans jugement, sans motifs déclarés, péremptoirement en un mot. La disposition projetée a peu d'intérêt pour la police de la chasse, car il est rare que le véritable braconnier prenne un permis de port d'armes; son refuge contre les poursuites n'est jamais dans la légalité, puisqu'il chasse sans droit sur le terrain d'autrui, souvent en temps prohibé; il trouve, au contraire, sa garantie dans l'absence de tout ce qui peut le faire reconnaitre. L'exhibition du permis qui signalerait au garde son nom et sa demeure serait donc précisément ce qui l'exposerait à des poursuites le permis de chasse est donc un inconvénient, non un avantage pour lui: il est trop habile pour acheter chèrement un danger de plus. Mais, nous le savons, messieurs, la pensée de l'art. 6 a été inspirée par un intérêt plus précieux encore que la police de la chasse, c'est un intérêt d'ordre et de sécurité publique. Il serait déplorable que le permis de chasse, qui comprend le permis de port d'armes, fùt forcément accordé à tous ceux qui le réclament: dans une société bien organisée, il n'en peut être ainsi; il faut, au contraire, que l'autorité publique dénie le droit de porter des armes à ceux qui, par leur conduite habituelle, ont prouvé qu'ils sont capables d'en abuser. C'est plus qu'un droit, c'est un devoir pour la puissance publique chargée de veiller à la sécurité de tous. Mais n'est-il pas possible de concilier ce grand intérêt avec les principes que nous avons reconnus tout à l'heure? Votre commission l'a pensé, messieurs, et en yous proposant de repousser l'art. 6 du projet, elle vous demande corrélativement d'étendre la nomenclature des exclusions portées en l'art. 7. Ainsi, dans sa pensée, le permis de chasse ne devrait pas seulement être refusé à ceux qui, par jugement, sont déchus du droit de port d'armes et à ceux qui n'ont pas entièrement exécuté les condamnations par eux encourues pour délits de chasse; il devrait l'être également aux condamnés pour vagabondage ou mendicité, pour vol, escroquerie ou abus de confiance, pour rebellion ou violences contre des agents de la force publique. Ainsi, les exclusions seraient écrites dans la loi, et elles donneraient encore une pleine garantie à l'ordre public, sans reposer sur une appréciation tout arbitraire. Votre commission a pensé, en outre, qu'il y aurait péril, sous un autre rapport, à délivrer le permis de chasse qui, encore une fois, comprend le permis de port d'armes, aux mineurs de seize ans; elle a voulu meme que le mineur de vingt et un ans ne pût l'obtenir qu'avec l'autorisation et l'assistance de son tuteur.

42. Nous avons terminé, messieurs, l'examen des dispositions réglementaires qui concernent le temps prohibé ces dispositions ont toutes leur sanction, dont nous vous rendrons compte en nous occupant de la section du projet relative aux peines. Mais, sous l'empire de la loi qui nous régit, l'ouverture de la chasse ne suffit pas pour rendre licite l'exercice de la chasse avec le fusil : la loi impose dans ce cas au chasseur l'obligation de justifier d'un permis de port d'armes à toute réquisition des agents de l'autorité publique. Le projet qui vous est soumis généralise cette obligation; il la fait peser sur tous les chasseurs, de quelque façon et par quelque moyen qu'ils chassent. Cette innovation a paru aussi juste qu'utile à votre commission; elle a pensé, en effet, que l'obligation de se pourvoir d'un permis délivré par l'autorité publique devait être imposée, non pas seule ment à une classe de chasseurs, mais à tous ceux qui se livrent à l'exercice de la chasse; l'obtention du permis, dans l'état actuel de la législation, suppose le payement préalable d'un droit fixé à 15 fr.; il n'est pas, juste d'exiger le payement de ce droit pour un mode particulier de chasse, et de ne le point exiger pour tous les autres moyens et procédés de chasse. Cette innovation, sur le fond des choses, en appelait une autre dans les termes du permis. Afin de rendre ce permis obligatoire pour tous les modes de chasse, il ne faut plus l'appeler permis de port d'armes, puisqu'il y a un certain nombre de chasses qui se font sans armes. Le gouvernement emploie l'expression de permis de chasse, et votre commission a adopté cette expression : le projet de loi, d'ailleurs, fait ne'tement comprendre que le permis de chasse n'est que le permis de port d'armes généralisé;

45. Les permis de chasse seront délivrés par le préfet du département où sera domicilié celui qui en fera la demande: c'est encore là, messieurs, une utile innovation. Puisque certains faits entraînent privation du droit de chasse, il est indispensable que l'autorité qui doit l'accorder connaisse celui qui demande : il ne faut pas que le condamné du midi puisse obtenir un permis dans le nord; c'est pour mieux assurer, sous ce rapport, l'exécution de la loi que le projet oblige celui qui demande un permis à justifier d'un certificat du maire de sa commune et du sous-préfet de son arrondissement.

[ocr errors]

pour l'examiner une commission, composée de MM. Mermilliod,

46. Dans l'état actuel de la législation, la délivrance du permis de port d'armes donne lieu au payement d'un droit de 15 fr. au profit de l'État. Le projet confirme, à cet égard, la législation existante; mais, pour intéresser les communes à l'exécution de la loi, il ajoute un supplément de taxe de 5 fr. au profit de la commune où résidera celui qui obtiendra le permis. Votre commission, en approuvant cette pensée du projet de loi, a trouvé que la somme de 5 fr. était insuffisante, elle vous propose de la porter au double. Le prix total du permis de chasse serait donc, en réalité, de 25 fr.; il était de 30 fr. sous l'empire. Un assez grand nombre de demandes adressées à votre commission, sollicitaient une élevation plus grande du prix des permis de chasse : nous avons pensé, messieurs, que le droit de chasse est une dépendance de la petite comme de la grande propriété; qu'en élevant démesurément le prix des permis, on confisquerait en réalité ce droit sur les classes peu aisées de la société, puisque son exercice licite se trouverait implicitement mais formellement concentré dans les classes riches. Votre commission s'est refusée à entrer dans cette voie; elle a, par suite, repoussé l'idée, plus spécieuse, cependant, de soumettre l'obtention du permis à la justification préalable d'un droit de chasse. S'il est vrai, et cela nous parait incontestable, que le droit de chasse résulte du droit de propriété, l'importance et l'étendue de la propriété ne changent rien au principe du droit, à son caractère absolu; elles ne limitent que son exercice. Le propriétaire d'un hectare de terre possède, relativement à cet hectare, le même droit qui appartient au grand propriétaire sur un domaine de cent hectares. Ce principe posé, messieurs, il est évident que la justification d'un droit de chasse, comme condition de l'obtention d'un permis, serait une garantie parfaitement inefficace; car il appartiendrait au propriétaire de quelques parcelles de terre, nonseulement de faire cette justification, mais, en accordant des permissions à cent personnes, de leur conférer également le moyen de la faire. La garantie ne serait donc ici qu'une illusion.

47. Les permis de chasse seront personnels; le projet de loi l'indiquait, votre commission l'a énoncé formellement : nul ne pourra chasser, sauf dans les lieux clos, s'il n'a obtenu le permis; cette obligation pèse sans distinction sur tous les chasseurs, à quelque classe qu'ils appartiennent, même aux gardes des particuliers, des communes, des établissements publics, de l'État. C'est la condition essentielle de l'exercice de la chasse, de quelque manière que cet exercice se pratique, en quelque endroit qu'on s'y livre, si ce n'est dans un lieu clos.

48. Les permis de chasse seront valables pour tout le royaume et pour un an seulement; ainsi disparaissent les difficultés qui résultaient du point de savoir si la valeur du permis de chasse était limitée au département dans lequel il avait été obtenu; de telle sorte que ces permis ne pussent servir dans d'autres départements qu'au moyen du visa des préfets. Votre commission approuve cette disposition, qui supprime des entraves inutiles.

49. Il nous reste à vous rendre compte, messieurs, des dispositions réglementaires qui s'appliquent aux divers modes et procédés de chasse. C'est là un point essentiel que la loi de 1790 avait complétement négligé, et dont l'absence dans notre législation est la cause principale des abus dont on se plaint si vivement et avec tant de raison.

Le projet de loi consacre une pensée vraie, dont votre commission s'est emparée pour en tirer la conséquence avec plus de rigueur encore que le projet lui-même. C'est que la chasse proprement dite ne se pratique que de deux manières; avec le fusil ou avec les chiens, à tir ou à courre; il n'y a pas de propriétaire ou possesseur d'un droit de chasse qui exerce ce droit autrement. Les filets, les panneaux, les collets sont des instruments de braconnage, non-seulement parce qu'ils sont essentiellement destructeurs, mais parce que leur emploi, toujours caché, constitue plutôt l'industrie que l'exercice de la chasse. En prenant cette idée pour point de départ, le projet de loi renvoyait au règlement d'administration publique la désignation des engins et instruments qui devraient être prohibés; mais il est évident, messieurs, qu'un tel règlement ne serait jamais efficace; car, non-seulement il est impossible d'établir la nomenclature indéfinie des procédés de chasse mis actuellement en usage sur tous les points de la France, mais cette nomenclature, fût-elle écrite dans la loi, serait bientôt dépassée par l'esprit inventif ou plutôt par le génie malfaisant du braconnier. Le moyen certain, mais aussi le seul moyen d'arriver au but, c'est de procéder, dans la loi, par voie d'autorisation, non par voie d'interdiction; de prohiber, comme moyens de chasse, tous les procédés du braconnage, et de n'avouer et ne reconnaître que les moyens généralement admis et pratiqués par ceux qui exercent en réalité le droit de chasse: c'est à cette pensée, messieurs, que votre commission s'est arrêtée.

50. Toutefois, en vous proposant de n'autoriser que la chasse au fusil ou à l'aide des chiens, elle a compris qu'une exception était nécessaire à l'égard d'une espèce particulière de gibier, en raison des dégâts que cette espèce cause aux propriétés rurales et forestières; enfin, et ceci est plus grave, votre commission ne pouvait oublier que la chasse des oiseaux de passage constitue, dans certains départements de la France, une véritable industrie que la loi ne peut détruire, qu'elle doit au contraire protéger. Cette chasse, qui se fait en grand, sans pouvoir être jamais une cause

Crémieux, Ressigeac, Lenoble, Muteau, Girod de Langlade

de destruction, doit tenir une place à part dans la législation, et être l'objet de règles spéciales. Le passage de certains oiseaux a lieu dans le temps prohibé; d'un autre côté, ce n'est pas habituellement avec le fusil que de telles chasses peuvent se faire; les instruments et engins propres à ces sortes de chasses varient de pays en pays comme les oiseaux même qu'ils sont destinés à prendre. Sous ce rapport, il était impossible de spécifier dans la lo les modes et procédés de chasses si divers dont l'emploi pourrait et devrait être autorisé. Le projet, qui, d'une part, interdit la vente du gibier en même temps que la chasse pendant le temps probibé, qui, de l'autre, n'autorise que deux modes de chasse pour le gibier qui reste en France d'une manière permanente, et qui, par cette double disposition, détruit le braconnage, sans gêner l'exercice légitime du droit de chasse, pose le principe de règles toutes différentes pour le gibier de passage; il charge les préfets des départements de prendre des arrêtés pour déterminer l'époque de la chasse des oiseaux de passage, les modes et procédés de cette chasse. Ainsi se trouve conciliée l'interdiction exigée pour la conservation des récoltes et du gibier, avec les licences réclamées par les intérêts divers d'un assez grand nombre de départements.

51. Il était également indispensable, messieurs, de déterminer les espèces d'animaux malfaisants, que le propriétaire, possesseur ou fermier pourra détruire sur ses terres, et de régler les conditions de l'exercice de ce droit le projet de loi laissait ce soin aux ordonnances portant règlement d'administration publique; nous avons pensé que les espèces d'animaux malfaisants étant diverses suivant les lieux, il était préférable d'abandonner les dispositions qui devaient régir cette matière aux arrêtés des préfets.

52. Enfin, depuis longtemps on réclamait, dans les intérêts de l'agriculture, contre la destruction des oiseaux; les insectes nuisibles se multiplient d'une manière désastreuse, et il est reconnu que la chasse, qui se pratique par les oiseleurs, surtout dans les environs des grandes villes, est la cause la plus puissante de cette calamité : le projet de loi donne aux préfets le droit de prendre les mesures qu'ils jugeront nécessaires pour prévenir la destruction des oiseaux.

Votre commission a cru qu'il était également utile d'attribuer aux préfets le droit d'interdire l'emploi des chiens lévriers: cette chasse, dans les pays de plaine, est essentiellement destructive: nous n'en prononçons point l'interdiction absolue; nous laissons aux préfets le soin de statuer à cet égard.

53. Nous avons terminé, messieurs, l'examen de la partie du projet de loi qui concerne l'exercice du droit de chasse. Il nous reste à vous rendre compte des dispositions relatives aux peines, à la poursuite et au jugement. Ici, nous pourrons être beaucoup plus brefs; le texte du projet luimême en dit plus que tous les commentaires : nous appellerons votre allention particulière, toutefois, sur quelques dispositions plus graves.

L'art. 10 du projet prononce une amende de 15 à 25 fr. contre ceux qui auront contrevenu aux arrêtés pris par les préfets, pour prévenir la destruction des oiseaux; il prononce, en outre, la peine de l'emprisonnement d'un jour à huit jours, si le délit a été commis sur le terrain d'autrui. Votre commission, messieurs, qui vous propose de confier aux préfets des attributions beaucoup plus étendues, n'a pas cru qu'il fût utile d'établir une peine plus forte contre ceux qui contreviendraient aux arrêtés pris en exécution de la loi : elle supprime même l'emprisonnnement pour le cas où les infractions aux arrêtés auraient eu lieu sur le terrain d'autrui; il est en effet évident que, dans ce cas, l'infraction s'aggrave d'un délit nouveau, mais d'un délit puni, par le projet, d'une peine spéciale; il en serait de même des cas où cette infraction aurait eu lieu dans le temps prohibé, ou par l'un des moyens de chasse qui sont interdits par la loi : l'infraction à l'arrêté préfectoral ne peut devenir un privilége qui fasse disparaître les autres délits. L'art. 10, dans la pensée de votre commission, s'applique donc au fait isolé de la contravention aux arrêtés préfectoraux; mais la loi, dans ses dispositions générales, n'en reste pas moins applicable sous le bénéfice des dispositions de l'art. 365 du code d'instruc tion criminelle.

54. Le paragraphe 2 de l'art. 10 prononce une peine contre les fermiers de la chasse dans les bois soumis au régime forestier, qui auront contrevenu aux clauses et conditions de leurs cahiers des charges. Dans l'état actuel de la législation, la répression de ces contraventions était entravée par toutes les formalités qu'entraîne l'exercice de la juridiction civile; il importait de consacrer ici la règle admise en matière forestière : les raisons de décider sont évidemment les mêmes.

55. Le paragraphe 3 est également emprunté à une législation exis tante, au code de la pêche fluviale : cette disposition est le complément nécessaire de celle qui punit l'usage des instruments de chasse prohibés. La répression, en pareille matière, deviendrait à peu près impossible, si la loi ne punissait que le flagrant délit de chasse.

56. Votre commission vous proposant de conférer aux préfets l'attribution que le projet de loi conférait au règlement d'administration publique, elle réduit l'application du paragraphe 4 au fait de chasse sans permis. La sanction des arrêtés préfectoraux se trouve, comme nous l'avons dit, au paragraphe 1".

Pascalis, Hallez et de Mornay. Cette commission nomma pour

57. Le paragraphe 5 punit d'une amende de 50 à 100 fr. le fait de cbasse sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire : il élève l'amende au double, dans le cas où le délit aurait été commis sur des terres ensemencées ou chargées de leurs produits. Votre commission, en donnant son assentiment à cette disposition, a substitué le mot fruits au mot produits. Celui-ci est évidemment trop large; son admission dans la loi rendrait toute chasse impossible, et le premier résultat d'une législation qui se propose de réglementer la chasse serait de la supprimer. Tout, en effet, est produit de la terre; ce ne sont pas seulement les céréales, les plantes oléagineuses, les prairies naturelles ou artificielles, ce seraient encore les bois, les chaumes. La chasse ne serait alors légalement permise que dans les jachères; ou plutôt, et en d'autres termes, la loi en confisquerait l'exercice, et sans aucun profit pour l'agriculture. Le mot fruit est d'ailleurs le mot déjà consacré par la loi de 1790, à laquelle on ne peut assurément reprocher d'avoir négligé les intérêts de l'agriculture. Votre commission a cru que les propriétés closes, même alors qu'elles ne tenaient point à une habitation, avaient droit à une protection spéciale; elle vous propose donc d'ajouter une disposition dans ce but au paragraphe qui nous occupe.

58. Elle vous demande également l'adoption des §§ 6, 7 et 8 de l'art. 10. Le § 6 s'applique au fait de chasse sur le terrain d'autrui, sans le consentement du propriétaire, lorsque ce fait s'aggrave par le défaut du permis de chasse. Il élève la peine, dans le cas où l'infraction a été commise sur des terres ensemencées et non encore dépouillées de leurs fruits. Le § 7 prononce la peine applicable à la chasse et à la vente ou mise en vente du gibier, dans le temps prohibé, ainsi qu'à la vente ou la destruction des couvées. Enfin le § 8 punit le fait de chasse pendant la nuit et l'emploi d'engins prohibés. Votre commission ne modifie cet article que dans ses termes. Après avoir adopté sans difficultés les dispositions de l'art. 11 du projet, votre commission a pensé que la chasse n'étant permise que pendant la moitié de l'année, ce serait supprimer la peine de la récidive que d'admettre le délai de douze mois fixé par l'art. 12; elle a cru que ce délai devait être étendu à deux ans.

59. L'art. 13, qui statue pour le cas le plus grave, celui où le délit est commis dans une propriété dépendant d'une maison habitée ou servant à habitation et entourée d'une clôture contiuue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins, est également admis par votre commission; mais elle a voulu toutefois que l'emprisonnement, au lieu d'être nécessairement prononcé, fût facultativement appliqué par le juge. Nous avons pensé qu'il en devait être de même pour tous les cas, d'ailleurs peu nombreux, où le projet de loi prononce la peine de l'emprisonnement. C'est à cette condition seulement que nous avons cru pouvoir donner notre approbation à l'art. 18 du projet, qui exclut l'application de l'art. 465 c. pén. Nous savons que l'analogie qui existe entre les matières de chasse et les matières forestières explique et justifie l'art. 18 du projet de loi, qui ne fait que reproduire les dispositions de l'art. 203 c. forest.; mais il nous a paru impossible de ne pas du moins laisser au juge la faculté de supprimer la peine de l'emprisonnement suivant les circonstances. Sous le bénéfice de cette modification, nous avons pensé qu'il convenait de faire disparaître l'exception finale de l'art. 18. Cette exception avait l'inconvénient de permettre que le fait le plus grave fût le seul qui pût être puni des peines de simple police.

Nous vous proposons également, messieurs, d'admettre les art. 14, 15, 16 et 17 du projet de loi.

60. L'art. 14 pourvoit à une évidente lacune de la loi de 1790, qui ne prononçait que la confiscation des armes avec lesquelles la contravention avait été commise, et qui, en même temps qu'elle défendait aux gardes de désarmer les chasseurs, ne contenait aucune disposition qui fût une sanction de la confiscation. Cette mesure n'était donc jamais exécutée, même pour les armes. Le projet de loi comble cette lacune; il prononce la confiscation des armes, filets, engins et autres instruments du délit; il ordonne en outre la destruction des engins prohibés, et pour le cas où un ou plusieurs de ces objets n'ont pas été saisis et ne sont pas représentés, il oblige le délinquant à en payer le prix. Le projet de loi va plus loin, il ordonne également la confiscation du gibier; votre commission n'a pas cru que cette innovation fût heureuse, elle vous propose de ne la point consacrer; elle a pensé en outre que le prix de 20 fr., porté au deuxième paragraphe de cet article, n'était pas une sanction suffisante: ce que veut la loi, c'est d'assurer la confiscation de l'instrument même du délit. Il faut donc obliger le délinquant à représenter cet instrument, et pour arriver à ce résultat, il importe que l'évaluation de la loi ne soit pas inférieure au prix réel. L'inconvénient contraire n'est pas à craindre, puisque l'option reste au condamné, et qu'il dépendra toujours de lui de ne point payer la somme portée dans le jugement en remettant l'instrument du délit. Votre commisSion a cru convenable de substituer le chiffre de 50 fr. déjà porté dans le décret du 4 mai 1812, au chiffre de 20 fr. Elle a cru que la pensée de la loi serait plus manifeste si le mot représenté était précédé du mot identiquement. Mais pour assurer son exécution sous ce rapport si important, il appartiendra à l'autorité supérieure d'exiger que les officiers de police judiciaire chargés de verbaliser en matière de chasse, prennent le soin TOME VIII.

rapporteur M. Lenoble; et celui-ci déposa son rapport, le 7

de désigner exactement les armes et les autres instruments du délit. Le § 4 de l'art. 14 n'est que la reproduction des art. 202 c. forest. et 71 c. de la pêche fluviale.

61. En approuvant la pensée de l'art. 15 du projet, nous avons cru que sa rédaction ne pouvait être admise. Il ne faut pas sans doute qu'un délinquant puisse être cumulativement condamné à toutes les peines prononcées par la loi contre les diverses infractions qu'il a commises avant la déclaration du procès-verbal; mais une fois que ce procès-verbal lui a été déclaré, qu'il a été ainsi légalement mis en demeure de s'arrêter, il est impossible d'admettre que le principe de l'art. 365 vienne couvrir tous les délits postérieurs, et l'encourage à les commettre par la certitude de l'impunité. Nous croyons avoir prévu ces deux inconvénients et les avoir fait disparaître par la nouvelle rédaction de l'art. 15.

62. L'art. 16 donne aux tribunaux qui prononcent une condamnation pour l'un des délits prévus par la présente loi, le pouvoir de priver le délinquant du droit d'obtenir un permis de chasse pour un temps déterminé. C'est une innovation que nous approuvons complétement. Les tribunaux, dans leur sagesse, sauront distinguer entre les fautes accidentelles et celles qui tiennent aux habitudes du braconnage. L'application de cet article, faite avec discernement, doit avoir les plus heureux résultats.

Enfin, l'art. 17, pour augmenter les ressources des communes et les intéresser davantage à la répression des délits de chasse, leur attribue les deux tiers des amendes: le troisième tiers appartiendra aux hospices.

63. Il nous reste à vous présenter, messieurs, quelques observations sur la sect. 3 du projet de loi, qui concerne la poursuite et le jugement des délits de chasse.

L'art. 19 reproduit, en le résumant, le premier paragraphe de l'art. 134 c. inst. crim.; nous avons pensé qu'il convenait, pour éviter toute incertitude à cet égard, de copier exactement les termes de la loi à laquelle on s'est référé.

64. Quant aux dispositions de l'art. 20, la majorité de votre commission a pensé qu'elles ne pouvaient être admises; que les peines prononcées par le projet étaient en général trop sévères pour qu'il fût possible d'accorder foi, jusqu'à inscription de faux, aux procès-verbaux constatant les délits; quand un pareil pouvoir est conféré aux officiers de police judiciaire, ce sont eux en réalité qui jugent les faits matériels du délit; et les tribunaux sont réduits à homologuer en quelque sorte les procès-verbaux; la défense des prévenus devient impossible, puisque nulle preuve n'est admise outre ou contre le contenu aux procès-verbaux. Il a paru suffisant à la majorité de votre commission d'attribuer aux procès-verbaux dressés en matière de chasse la foi jusqu'à preuve contraire. Elle vous propose donc de réunir les art. 20 et 21 en un seul article qui exprime nettement sa pensée; elle adopte, d'ailleurs, les dispositions de l'art. 22 sur l'affirmation des procès-verbaux.

65. L'art. 23 du projet de loi est la reproduction de l'art. 7 de la loi de 1790. C'est une mesure indispensable que celle qui donne aux officiers de police judiciaire le droit d'arrêter et de conduire devant le maire ou le juge de paix le plus voisin les delinquants déguisés ou masqués, et ceux qui refusent de faire connaître leurs noms ou qui n'ont pas de domicile connu. Si cette disposition n'existait point, la loi serait toujours éludée, puisqu'il suffirait d'être inconnu des gardes pour éviter la responsabilité des délits. Il faut remarquer, d'ailleurs, que le voyageur qui se trouverait dans l'un des cas prévus par l'art. 23 pourrait et devrait être légalement arrêté comme inculpé de vagabondage. On ne peut évidemment admettre que le délit de chasse place le délinquant dans une situation plus favorable, et crée en sa faveur une exception à la loi commune.

66. Votre commission donne son assentiment aux trois premiers paragraphes et au paragraphe dernier de l'art. 24 du projet; mais elle ne peut admettre comme équivalent à une plainte la déclaration générale faite au parquet du procureur du roi par les propriétaires. La chasse sur le terrain d'autrui n'est un délit qu'à défaut de consentement du propriétaire. Or, le délit ne peut se présumer, et jusqu'à la plainte qui prouve le défaut de consentement, le délit n'existe point. Sans doute les braconniers sont redoutables; sans doute beaucoup de propriétaires se refusent à porter plainte, par la juste crainte que les délinquants leur inspirent; mais il faut remarquer, d'abord, que dès l'instant qu'au fait isolé de la chasse sur le terrain d'autrui, viendra s'ajouter une circonstance touchant à l'ordre public, la poursuite d'office est imposée au ministère public. Ainsi, le temps prohibé, le défaut de permis de chasse, la circonstance de nuit, l'emploi d'instruments de chasse interdits, l'infraction à l'une des dispositions des arrêtés préfectoraux, la circonstance même que la terre était close, ensemencée, et non encore dépouillée de ses fruits: dans tous ces cas, la poursuite aura lieu d'office. Il ne s'agit donc que du fait isolé de la chasse sur le terrain d'autrui, et dans ce cas encore votre commission n'impose point au propriétaire lésé l'obligation de poursuivre directement; elle charge, au contraire, le ministère public de poursuivre, et subordonne seulement ses poursuites à la plainte préalable du propriétaire. En adoptant le paragraphe proposé par le gouvernement, on entraverait inutilement l'exercice licite de la chasse; il existe souvent, en effet, entre propriétaires d'une même commune, des rapports de bon voisinage, qui

13

juin (1). La discussion n'eut lieu que l'année suivante; elle fut

entraînent des tolérances réciproques et tacites, mais qui n'iraient pas jusqu'à se formuler en permissions de chasse. Votre commission pense que ces permissions doivent se présumer jusqu'à preuve du contraire.

67. Les art. 25 et 26 du projet appliquent aux délits de chasse les principes du droit commun en matière de solidarité et de responsabilité civile. Votre commission adopte entièrement ces deux dispositions; elle approuve également les dispositions de l'art. 27, qui fixe à trois mois le délai pour la prescription de l'action relative aux délits de chasse. Le délai d'un mois établi par la loi de 1790 était évidemment trop court; sa brièveté entraînait, la plupart du temps, l'impunité des délits.

Votre commission n'a pas pensé qu'il fût nécessaire de faire une exception pour le délit prévu par l'art. 13. Ce délit est assurément le plus grave de tous ceux que punit le projet de loi, mais enfin sa gravité ne change pas sa nature; il n'est pas autre chose qu'un délit de chasse, il doit donc être soumis à la règle générale. C'est par cette raison que nous vous avons déjà proposé de supprimer l'exception qui le concernait dans l'art. 18: le même motif nous conduit à le repousser encore de l'art. 27. Nous avons cru prudent, au surplus, dans l'art. 13 qui prévoit ce délit, de faire toutes réserves pour l'application des dispositions du code pénal, s'il y avait lieu. Nous avons craint qu'une tentative de vol, par exemple, pût trop facilement se produire sous l'apparence menteuse d'un délit de chasse. C'est aux tribunaux qu'il appartiendra d'apprécier et de juger.

68. Enfin, messieurs, l'art. 28 du projet, placé sous cette rubrique : Dispositions générales, a pour objet l'abrogation des lois antérieures. Il importe de remarquer que les décrets des 11 juill. 1810 et 4 mai 1812 sont les seules dispositions législatives antérieures qui soient formellement et explicitement abrogées; le projet entend n'abroger les autres lois, arrêtés, décrets et ordonnances intervenus sur les matières de chasse qu'en tout ce qui est contraire à ses dispositions. Ainsi subsisteront les lois et règle-. ments sur la louveterie, ainsi serait maintenue la législation actuelle sur la police de la chasse dans les propriétés de la couronne.

Votre commission, messieurs, a compris facilement toutes les raisons qui veulent que l'exercice du droit de chasse dans les propriétés de la couronne ne soit pas assujetti aux règles générales: l'étendue de ces propriétés, le régime particulier auquel elles sont soumises, le nombre des agents chargés de les surveiller, et, par-dessus tout, des raisons de haute convenonce, tout demande, tout exige que la chasse, dans ces domaines, ne soit soumise qu'aux règles mêmes qui sont établies par l'administration de la liste civile; mais votre commission ne peut admettre que les délits de chasse commis dans ces propriétés ne soient pas soumis aux règles du droit commun: il ne lui paraît pas possible qu'après la promulgation d'une législation nouvelle sur la police de la chasse, les tribunaux soient encore contraints, pour réprimer les délits commis dans les forêts de la couronne, de recourir aux dispositions surannées de l'ordonnance de 1669; elle vous propose donc, en déclarant qu'il n'est rien innové en ce qui concerne l'exercice du droit de chasse dans les propriétés de la couronne, de décider cependant que les délits commis dans ces propriétés scront poursuivis et punis d'après les dispositions du projet de loi.

(1) Rapport présenté à la chambre des députés par M. Lenoble sur le projet de loi relatif à la police de la chasse (séance du 7 juin 1843).

69. Messieurs, la loi du 4 août 1789, en abolissant le droit exclusif de chasse, avait proclamé ce principe repoussé depuis longtemps à l'état de théorie: c'est qu'au propriétaire seul appartient le droit de détruire ou faire détruire, sur ses possessions, toute espèce de gibier. La seule restriction imposée à l'exercice de ce droit etait la soumission aux lois de police qui pourraient être faites dans l'intérêt de la société. C'était reconnaitre le privilége de la propriété, restituer un droit longtemps méconnu; mais ce n'était pas poser les limites que son usage, d'autant plus arbitraire qu'il était nouveau, ne devait pas franchir.

Aussi la liberté illimitée de la chasse fut la conséquence de cette imprévoyance de la loi. La chasse devint une occasion et une source de désordres; l'abus de son droit ne respecta pas le droit d'autrui, et, après quelques mois d'une expérience malheureuse, il fallut réglementer une matière qui avait été à peine l'objet d'une étude. C'est de cette nécessité qu'est née la loi du 30 avril 1790, la loi d'urgence qui, dans l'intention de ses auteurs, n'était que provisoire, et qui pourtant subsiste encore après plus de cinquante ans. - Si, pendant quelques années, cette loi à pu suffire, depuis longtemps les moyens de répression qu'elle met à la disposition des magistrats sont sans efficacité, et le braconnage est devenu un métier.

Les plaintes faites par les conseils généraux des départements témoignent de la grandeur du mal et de l'urgence d'y porter remède; les fastes judiciaires prouvent que le braconnage, presque toujours école du crime, est une menace incessante contre la sûreté des personnes et le respect dû à la propriété. C'est en reconnaissant le fondement de ces plaintes, le besoin d'assurer la sécurité de la société, que le gouvernemeut vous a présenté un projet de loi, déjà adopté par la chambre des pairs, pour réglementer l'exercice du droit de chasse et déterminer les peines applicables aux intractions qui pourraient être commises. Votre commission s'est livrée à

fort animée à raison du caractère politique que l'opposition crut

un examen sérieux des dispositions de ce projet, et elle m'a chargé de vous présenter le résumé de son travail.

70. En considérant le projet de loi dans son ensemble, on remarque qu'il contient trois divisions: l'exercice du droit de chasse; les peines contre les infractions aux prohibitions qu'il prononce; la preuve et la poursuite de ces infractions. Cet ordre sera maintenu.

La loi n'avait point à rechercher l'origine et la nature du droit de chasse. s'il procédait du droit naturel ou du droit civil. Ce n'était pas son objet. En l'admettant comme un droit, elle déclare que nul ne peut chasser sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire; c'est le respect du droit de propriété. Elle déclare en même temps que le propriétaire, sans être soumis à aucune condition, peut chasser dans des possessions réunies à son habitation; c'est le respect du domicile. Ces deux dispositions sont les conséquences logiques de nos principes de droit.

Mais hors le domicile du citoyen, là doit commencer la surveillance de la loi, et cette surveillance doit avoir pour objet non-seulement d'assurer la police et la sûreté de la société, mais encore de prévenir l'abus dans l'usage du droit, si cet usage doit en amener l'anéantissement. C'est dans ce double but que l'art. 1 du projet de loi veut que la chasse ne puisse avoir lieu qu'après la délivrance d'un permis de chasse, et, de plus, seulement à l'époque où l'autorité a déclaré qu'elle était ouverte. Ces deux exigences doivent être examinées séparément.

71. Le permis de chasse a été substitué, par le projet de loi, au permis de port d'armes de chasse qui était exigé par le décret du 4 mai 1812. La dénomination nouvelle est plus vraie que l'ancienne, car du moment où tout citoyen tient de la loi le droit de porter une arme, le permis de port d'armes de chasse n'était qu'un permis de chasse sous une fausse dénomination. S'il était convenable de lui rendre son vrai nom, il était rationnel d'examiner si l'on pouvait assujettir l'exercice d'un mode de chasse à des conditions qui ne seraient point imposées à un autre mode, et le résultat de cet examen devait être que la justice voulait qu'ils fussent tous soumis à la même règle. C'est donc avec raison que le projet de loi impose à tous ceux qui veulent se livrer à l'exercice de la chasse l'obligation de se pourvoir d'un permis de chasse.

72. Les permis de chasse sont délivrés sur l'avis du maire de la commune du domicile de celui qui les demande; ils sont délivrés par les préfets sur l'avis du sous-préfet; ce sont les termes de l'art. 5. Mais votre commission ne peut manquer de vous faire observer que l'obligation de se pourvoir près du maire du domicile, pourra, en pratique, faire naître des difficultés, occasionner des retards sans but utile bien apparent. Car, s'il est vrai qu'un citoyen est bien connu dans le lieu de son domicile, il est vrai aussi que, dès l'instant où il a une résidence séparée de son domicile, il sera suffisamment connu dans cette résidence pour que le maire de la commune puisse s'expliquer sur son compte. D'un autre côté, on ne peut disconvenir que la taxe de 10 fr. ajoutée au prix du permis de chasse, l'a été en vue de l'intérêt des communes pauvres, par conséquent des communes rurales, et que la mesure proposée aurait pour résultat d'en faire profiter les villes. Ces considérations ont déterminé votre commission à admettre que l'avis préalable du maire pourra être donné indistinctement et dans le lieu du domicile et dans le lieu de la résidence, au choix de celui qui le demandera, et que la taxe de 10 fr. profitera à la commune dont le maire aura donné l'avis. Elle vous propose un amendement dans ce sens.

73. La question de savoir si les préfets pourraient refuser de délivrer les permis de chasse, a été l'objet de discussions sérieuses. Après un long débat, la commission s'est partagée en majorité qui, conformément à l'art. 6 du projet de loi, a accordé ce droit aux préfets, et en minorité qui le leur a refusé. C'est la seule question sur laquelle les membres de la commission ne se soient pas accordés. Le dissentiment entre eux a été profond, car chaque opinion a cru défendre un principe, et toute concession est devenue impossible. C'est par ce motif que les divers arguments employés, les considérations respectivement invoquées, seront rapportés, toutefois, le plus brièvement possible.

A l'appui de l'opinion défendue par la minorité de la commission, on a dit que conférer au préfet le droit de refuser un permis de chasse, c'était lui permettre de défendre la chasse, par conséquent confisquer, en partie, le droit de propriété, ce qui était contraire à tous les principes; que le permis de chasse entraînant le droit de port d'armes, refuser ce permis c'était appliquer arbitrairement une peine, tandis que les tribunaux ne pouvaient appliquer cette peine que dans un seul cas. On a ajouté que l'état social des citoyens ne pouvait être livré à l'arbitraire; parce que si, dans l'état normal des choses, l'abus n'avait pas licu, on pouvait prévoir telles circonstances dans lesquelles cet arbitraire serait une arme d'autant plus dangereuse qu'on ne pourrait se soustraire à ses coups. Enfin, on a dit que s'il pouvait être vrai qu'il se trouvât des individus à l'égard desquels il y aurait imprudence ou danger de délivrer des permis de chasse, il fallait les inscrire dans la loi, en étendant la nos menclature des exclusions portées en l'art. 8.

De la part de la majorité il a été répondu que le permis de chasse, en tant qu'il donne le droit de port d'armes n'a aucune relation avec le

découvrir dans quelques-unes des dispositions du projet; elle se prolongea pendant plusieurs séances, du 9 au 21 février; elle vit

droit de port d'armes accordé par la loi à tout citoyen pour sa défense, puisque le second s'exerce indépendamment du premier: que le droit de chasse, considéré comme droit de propriété, n'est pas tellement absolu que son exercice ne puisse être, dans l'intérêt de la société, soumis à certaines modifications; et que ce qui le prouve c'est que le projet de loi en admet, quant au mode d'exercice de la chasse dans l'intérêt de la conservation du gibier, quant au temps pendant lequel cet exercice peut avoir lieu; dans le double intérêt de la conservation du gibier et des fruits de la terre d'où la conséquence que la question d'ordre et de sécurité publique doit l'emporter sur l'intérêt particulier. Il a été dit que, s'il est facile d'étendre la nomenclature des exclusions inscrites en l'art. 8, puisqu'elles sont basées sur l'état légal des personnes, la chose devient impossible, sans s'en remettre à l'arbitraire, toutes les fois qu'on veut y ajouter une classe d'hommes tels que les insolvables, les pauvres vivant des secours de la charité publique, puisque leur position devient un objet d'examen et d'appréciation. On a ajouté qu'il pouvait être sage, prudent, de prendre des précautions contre les abus, d'ailleurs peu probables, mais possibles, du pouvoir discrétionnaire, mais que ces précautions ne devaient pas aller au delà du besoin de faire remonter la responsabilité de l'acte jusqu'au ministre, en imposant au préfet, lorsqu'il exerce son droit de refus, l'obligation d'en rendre immédiatement compte au ministre de l'intérieur. C'est dans ce but qu'un amendement à l'art. 6 est proposé.

74. Le permis de chasse entraîne le droit de porter une arme; mais cette arme ne peut être remise sans danger dans les mains de ceux qui n'ont pas le discernement de leurs actes; c'est le conseil de la prudence. Les mineurs de seize ans sont présumés par la loi ne point avoir de discernement, il ne peut donc leur être délivré un permis de chasse; c'est la disposition du projet. Votre commission l'approuve, et elle vous propose, par d'autres motifs qui vont être déduits, de la rendre applicable à une autre classe d'individus.

Si on examine en quoi consistent les devoirs des gardes, on reconnaît bientôt que la surveillance de tous les instants qui leur est imposée ne peut se concilier avec l'exercice du droit de chasse. D'un autre côté, les gardes qui ont la passion de la chasse ont, par la nature de leurs fonctions, toute facilité et tous les moyens de la satisfaire: aussi remarque-t-on que ceux d'entre eux qui s'y livrent sont comptés parmi les braconniers de leurs communes. Les gardes forestiers sont constamment armés, et il serait à désirer que l'administration forestière fit choix pour eux d'une arme dont ils ne pussent se servir pour se livrer à la chasse. Mais la facilité d'en substituer une autre sera trop grande, la tentation de le faire sera trop forte, pour que l'abus cesse avant le jour où la chasse sera interdite aux gardes. C'est pour créer cette interdiction que votre commission vous propose d'inscrire dans la loi qu'il ne pourra être accordé de permis de chasse aux gardes.

ser l'abus, puisque les moyens employés par le braconnage amènent la destruction complète du gibier. La loi proposée devait porter remède à cet état de choses, et elle l'a fait en n'admettant que deux modes de chasse, celui à tir, celui à courre. Elle a voulu que la chasse ne pût avoir lieu que pendant le jour, autant par motif de sûreté publique, que dans l'intérêt d'une surveillance utile: et quoiqu'elle n'ait pas défini le temps de jour, il est certain qu'elle s'est servie de ce mot dans sa signification la plus usuelle, la plus large, en laissant aux tribunaux le droit de déclarer, suivant les cas et les circonstances, si le fait avait eu lieu la nuit ou le jour.

Il n'est pas inutile, au surplus, de faire remarquer que, dans la loi de 1790, la chasse dans les bois, celles dans les terres, se trouvaient réglées par des dispositions séparées, et qu'alors le mot terres avait une signification restreinte. Il n'en sera plus ainsi, et, dans le sens et l'esprit du projet de loi, le mot terres désignera les propriétés de toute nature.

78. Lorsque la clôture de la chasse est prononcée, le fait de chasse est un délit, et la loi punit ce délit. Mais la menace de la loi ne deviendra efficace que le jour où l'intérêt de la violer n'existera plus. Le projet de loi l'a compris ainsi, et il vous propose d'interdire la vente du gibier pendant le temps où la chasse est défendue. A cet égard, si l'on considère que chasser pendant le temps de défense c'est nuire à la reproduction du gibier, on doit admettre que le propriétaire ne le fera pas, car ce serait détruire que détruire pour en tirer un minime profit, c'est le fait du braconnier, et que la loi ne doit pas protéger un pareil acte on arrivera à cette conséquence que la disposition nouvelle proposée n'atteindra que le délinquant dont elle génera l'action, et que dès lors elle doit être admise.

79. Le projet de loi, en n'admettant d'autre mode de chasse que celui à tir ou à courre, à l'exception de ce qui concerne la chasse du lapin, pouvait rendre impossible la chasse des oiseaux de passage qui ne se fait utilement que par des procédés particulier : d'un autre côté, l'époque du passage de ces oiseaux pouvait coïncider avec celui pendant lequel toute chasse est défendue il fallait donner au préfet le droit de restreindre ou de lever ces prohibitions. Le projet de loi le fait dans les deux premiers paragraphes de la première partie de l'art. 9. Toutefois, comme le fait de chasse ne peut être exercé que sur le gibier dont la présence accidentelle motive l'exception, votre commission vous propose une rédaction qui modifie le deuxième paragraphe en ce sens.

80. L'art. 15 de la loi du 30 avril 1790 donnait aux propriétaires possesseurs ou fermiers, le droit de repousser, même avec armes à feu, les bêtes fauves qui se répandraient dans leurs récoltes, et celui de détruire le gibier dans leurs terres chargées de fruits, en se servant de filets ou engins dont l'usage ne pût nuire aux fruits de la terre. Votre commission, en examinant le § 3 de l'art. 9, n'a pas cru y trouver la consécration du droit qui appartient à tous d'employer tous moyens pour défendre leur propriété, ou du moins elle y a vu une équivoque qu'il lui a paru utile de faire cesser en adoptant une rédaction nouvelle.

75. S'il est des hommes qui, à cause de leur position momentanée, ne
peuvent obtenir un permis de chasse, il en est auxquels la loi le refuse, et
l'art. 8 du projet en contient la nomenclature. Cette nomenclature n'a
donné lieu, dans le sein de la commission, qu'à une seule observation:
c'est en ce qu'elle assimile, dans tous les cas, les condamnés pour rébel-
lion ou violences envers les agents de l'autorité, aux hommes que l'on
doit considérer comme dangereux ou comme déshonorés. Cependant, il
est possible que la rébellion ou la violence ne soit qu'un acte d'emporte-pelées, et elle a modifié le paragraphe dans ce double but.
ment ou de vivacité; et ne serait-ce pas punir, dans ce cas, trop sévère-
ment que d'ajouter à la condamnation une exclusion toujours flétrissante ?
- C'est par la sévérité de la peine prononcée que la gravité du fait peut
être appréciée, et votre commission a pensé que les condamnés pour dé-
lits de rébellion ou violences envers les agents de l'autorité, ne devaient
être maintenus dans les énonciations faites en l'art. 8, que lorsque la peine
d'emprisonnement aurait été de six mois au moins. Elle vous propose cet
amendement.

Elle a distingué entre le cas où le propriétaire emploie les moyens qui lui paraissent le plus convenable pour détruire les animaux qui dévastent sa chose, et celui où il veut recourir au moyen de les chasser. Dans ce dernier cas, elle a admis que les arrêtés des préfets rendus dans les formes réglées par l'art. 9 devaient intervenir; mais, dans le premier, elle a pensé que les dispositions écrites dans la loi de 1790 devaient être rap

76. D'après les dispositions de l'art. 1 il ne suffit pas, pour pouvoir se livrer à la chasse, d'avoir obtenu un permis de chasse, il faut en outre que la chasse soit ouverte. L'époque de cette ouverture doit varier sur les divers points du royaume en raison du climat, de la configuration du sol, du mode de culture adopté dans chaque département et même dans chaque arrondissement d'un département. Une fixation uniforme léserait une foule d'intérêts aussi le projet de loi abandonne-t-il le soin et le droit de la déterminer, à la seule personne qui puisse concilier ces diverses exigences, c'est-à-dire au préfet. Il en était ainsi sous la loi de 1790, et l'exécution de cette loi, en cette partie, n'a donné lieu à aucune réclamation. La clôture de la chasse doit avoir pour but deux intérêts, celui de pourvoir à la conservation des récoltes, celui d'assurer la reproduction du gibier. L'époque à laquelle la continuation de l'exercice de la chasse peut compromettre ces deux intérêts, varie d'une année à l'autre en raison de la rigueur plus ou moins grande de l'hiver. La déterminer est une mesure d'intérêt général; c'est par ce motif que le projet de loi charge les préfets de ce soin. Votre commission approuve cette disposition.

77. Sous l'empire de la loi du 30 avril 1790, lorsque la chasse est ouverte, les chasseurs ont le choix des moyens de chasse. L'expérience a prouvé jusqu'où pouvaient aller les inventions de l'industrie pour organi

81. La destruction des oiseaux est présentée depuis longtemps comme une calamité; les agronomes l'indiquent comme la cause de cette reproduction sans cesse croissante des insectes qui dévorent les fruits de la terre. Il est un terme moyen entre la destruction des oiseaux et la chasse des oiseaux, et ce sera aux préfets à prendre des arrêtés pour concilier le droit de chasser les oiseaux, avec le besoin de prévenir leur destruction.

82. En examinant dans son ensemble l'échelle des peines que le projet de loi établit contre les infractions à ses dispositions, votre commission a dù se préoccuper corrélativemement de la question de savoir si l'art. 463 c. pén. serait applicable aux délits de chasse. On n'a pas contesté qu'en règle générale cet article, inséré dans un code qui contient toute notre législation pénale en ce qui concerne les délits communs, n'est point appliqué dans les matières qui sont régies par les lois spéciales. On a reconnu que, dans la répression des délits communs, le juge avait à examiner nonseulement le fait matériel, mais encore à apprécier la question d'intention, tandis que, lorsqu'il s'agissait d'un délit de chasse, le fait seul constituait la contravention. Cependant on a fait observer qu'en dehors de la question d'intention, les circonstances du fait, ses conséquences, pouvaient êtres telles que le délinquant pût y trouver sinon une excuse, au moins un moyen d'atténuation de ses torts; et on a proposé, dans le cas où l'art. 463 ne serait pas applicable aux délits de chasse, d`en admettre indirectement les dispositions on abaissant le minimum des peines déterminées par le projet de loi. Cette proposition n'a pas rencontré de contradicteurs, et c'est dans la supposition de l'adoption de l'art. 19, que votre commission a fait, à l'art. 11, les modifications dont elle va vous rendre compte. 83. Le § 1 punissait d'une amende de 15 à 25 fr. l'infraction aux ar◄ rêtés des préfets, pris en exécution de l'art. 9. Cette disposition générale pouvait donner lieu à des interprétations diverses, lorsque aurait éls

« PreviousContinue »