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sur des menaces nouvelles qu'il put obtenir le paiement de deux acomptes s'élevant ensemble à 5,000 fr. seulement; que, de l'aveu fait par la femme Ratazzi, il résulte que le jour même du dépôt fait par Blanc dans les circonstances sus-énoncées de la somme de 20,000 fr. entre les mains du général d'Andlau, ce dernier lui a remis la somme de 5,000 fr.; que la femme Ratazzi a tellement considéré cette somme comme étant le prix de sa coopération qu'elle a remis, suivant son dire, 2,000 fr. à la femme de Saint-Sauveur et 1,000 fr. à Buy, qui lui avaient fait connaître Soudée et Blanc; que la femme Ratazzi a déclaré qu'elle avait fait connaître les noms de ses intermédiaires au général d'Andlau; att. que la femme de Saint-Sauveur, tout en reconnaissant que Soudée lui avait été amené par Buy et que c'était chez lui que, sous le nom de Mme LamotteDuportal, la femme Ratazzi s'était mise en rapport avec Soudée, nie d'une manière formelle avoir jamais entendu parler de M. Blanc et avoir reçu somme quelconque de la femme Ratazzi pour cette affaire; att. que si de ce qui précède il résulte que la femme Ratazzi et le général d'Andlau, en faisant usage d'un faux nom, ou abusant des qualités de sénateur et de général du comte d'Andlau, faisant intervenir des tiers, ou recourant à cette mise en scène lors de la présentation de Blanc dans le salon du général d'Andlau, et en promettant une chose qu'ils se savaient sans crédit pour faire obtenir, ont employé des manœuvres frauduleuses pour se faire remettre des fonds par un sieur Blanc, il n'est point suffisamment établi que la femme de Saint-Sauveur ait pris sciemment une part active à toutes ces manœuvres pouvant permettre au tribunal de la retenir dans la cause; att. qu'il est également constant pour le tribunal qu'au mois de mars 1886 la femme Ratazzi, prenant la fausse qualité et le faux nom de comtesse Duportal, rencontrant un sieur Meunier chez l'agent d'affaire Buy, lui offrit de le faire décorer, lui, ou à défaut, l'un de ses amis; que Meunier, n'ayant pas cru pouvoir accepter pour luimême cette offre de décoration, présenta un sieur Renault à la prétendue comtesse de Lamotte-Duportal; que celle-ci, après avoir avisé le général d'Andlau du jour et de l'heure où elle lui conduirait Renault et lui avoir rappelé le faux nom dont elle se servait, donna rendez-vous au sieur Renault; qu'avant de monter chez le général, la femme Ratazzi recommanda à Renault de prendre certaines précautions lorsqu'il remettrait au comte d'Andlau les 10,000 fr. de provision qu'il devait payer et ce, afin, disait-elle, de ne pas humilier le général; que c'est dans ces circonstances que Renault fut présenté au général d'Andlau par la prétendue comtesse de LamotteDuportal; qu'après quelques mots, Renault déposa entre les mains du général, qui lui promettait de le faire nommer chevalier de la

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Légion d'honneur, une somme de 10,000 fr. en lui disant : « Général, voici pour vos pauvres une somme de 10,000 fr.; je vous sais bon et généreux, mais vous n'en disposerez qu'au cas où ma nomination paraîtrait dans le Journal officiel », et en ajoutant : « Je compléterai, en cas de succès, par un nouveau versement de 10,000 fr. »; . att. que dans ce fait, tel qu'il s'est passé, tous les éléments constitutifs du délit d'escroquerie se rencontrent; qu'il est absolument certain, en effet, que Regnault n'a été amené à verser cette provision de 10,000 fr. que parce qu'il a été, par les manœuvres frauduleuses de deux personnes, conduit à croire à un crédit qui n'était qu'imaginaire et à la possibilité d'un évènement qui n'était que chimérique, manœuvres frauduleuses qui ont consisté, comme dans le fait précédent, en l'emploi, par la femme Ratazzi, d'une fausse qualité et d'un faux nom, et de la part des deux prévenus en l'abus des qualités de sénateur et de général du comte d'Andlau, en l'intervention de tiers et en la mise en scène organisée lors de la présentation de Renault dans le salon du comte d'Andlau; qu'il importe peu que plus tard, à la suite de réclamations nombreuses et même de menaces réitérées, le général d'Andlau ait restitué à Renault les 10,000 fr. qu'il s'était frauduleusement et de concert avec la femme Ratazzi fait remettre; att. que de l'instruction résulte également la preuve que la femme Ratazzi et le comte d'Andlau se sont concertés pour, à l'aide de manœuvres frauduleuses afin de persuader l'existence d'un crédit imaginaire et pour faire naître l'espérance d'un évènement chimérique, se faire remettre par le sieur Veyscère une somme de 15,000 fr.; qu'en effet Veyscère fut, en 1886, adressé par un de ses amis à l'agent d'affaires Buy où il rencontra la femme Ratazzi qui, cette fois encore, avait pris le faux nom de Mme de Lamotte-Duportal; que celle-ci, dans le but de faire décorer M. Veyscère, le conduisit chez le général d'Andlau; - que, lors de cette première entrevue, le général promit d'user de sa prétendue influence pour faire nommer Veyscère chevalier de la Légion d'honneur; que, s'il ne fut pas cette fois question d'argent, la femme Ratazzi se présenta quelques jours après, toujours sous le faux nom de Lamotte-Duportal, au bureau de Veyscère, et lui demanda de prêter 15,000 fr. au général d'Andlau, en ayant soin de dire que c'était un service que Veyscère ne pouvait faire autrement que de rendre; que, dans la conviction qu'il avait affaire à une dame du grand monde et aussi en raison de la promesse que le général lui avait faite de lui faire obtenir la croix, Veyscère n'hésita point, se rendit avec la dame Ratazzi chez le général, et lui remit, contre un reçu absolument irrégulier, ne stipulant ni intérêts ni époque de remboursement, la somme de 15,000 fr.; que, n'ayant pas obtenu satisfaction, Veyscère, après avoir attendu un an, ayant,

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suivant son expression, ouvert les yeux et appris à qui il avait eu affaire, réclama impérieusement et obtint la restitution de son argent; que cette restitution ne saurait faire disparaître le délit commis par la femme Ratazzi, de concert avec le général d'Andlau; - que les manœuvres employées vis-à-vis de Veyscère, ignorant le discrédit dans lequel était tombé le général d'Andlau, ont été les mêmes que celles dont ils avaient fait usage vis-à-vis de Blanc et de Renault; att. qu'il résulte encore de l'instruction, des débats et en partie de l'aveu même des deux prévenus Bayle et fille Véron, que le général d'Andlau, toujours préoccupé d'avoir de l'argent, avait chargé le nommé Bayle de lui chercher et de lui trouver des personnes désirant la croix de la Légion d'honneur et pouvant payer la prétendue influence que le général mettait à la disposition de ces personnes; que Bayle s'était, de son côté, concerté avec une fille Véron pour rechercher des candidats; que celle-ci, comprenant bien que sous son nom de Marie Véron elle n'inspirerait pas assez de confiance, n'hésita pas à prendre le faux nom de Mme de Courteuil, et, bien que n'ayant jamais été mariée, à se dire, dans certain cas, veuve d'un ancien diplomate; que c'est sous ce nom de dame de Courteuil qu'elle se présente, en sept. 1887, à un sieur Fargue, bijoutier à Paris, pour lui proposer de le faire décorer, moyennant une somme de 50,000 fr., dont 40,000 fr. devaient être versés d'avance entre les mains d'un personnage influent, et 10,000 fr. à titre de commission aux intermédiaires; que Fargue, après avoir pris conseil, écrivit à la dame de Courteuil qu'il accepterait un rendez-vous pour donner suite à l'affaire dont elle était venue l'entretenir;

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que c'est alors qu'il fut mis, par la fille Véron, en rapport avec le nommé Bayle; que celui-ci lui répéta ce que lui avait dit la fille Véron, qu'il appelait, lui aussi, dame de Courteuil; qu'alors il fut convenu qu'à un jour assez prochain Fargue viendrait avec deux plis, l'un devant contenir 40,000 fr., que l'on remettrait au personnage influent, et l'autre une somme de 10,000 fr. qui serait déposée par Fargue chez un tiers à son choix avec une mention indiquant que ce pli devrait être remis à M. Bayle le lendemain du jour où M. Fargue serait décoré; que le jour de ce nouveau rendez-vous ayant été fixé, Bayle alla prévenir le général d'Andlau de l'attendre, ainsi que M. Fargue; att. qu'à ce dernier rendez-vous Fargue, qui ne voulait pas aller plus loin, se borna à déclarer à Bayle qu'il n'avait pu réunir les fonds et le quitta; que Bayle alors se rendit chez le général d'Andlau pour lui faire part de ce qui s'était passé ; que de ces faits, avoués par Bayle, résulte bien la preuve qu'il y a eu, de la part de d'Andlau, de Bayle et de la fille Véron, une tentative d'escroquerie au préjudice de Fargue, tentative qui n'a manqué son effet que par une circonstance tout à

fait indépendante de la volonté des prévenus; que les manœuvres frauduleuses sont nettement établies: prise de faux nom, intervention de tiers pour persuader à Fargue l'existence d'un crédit qui n'existait pas et faire naître en lui l'espérance d'un événement purement chimérique; que la tentative d'escroquerie doit donc être retenue à la charge de d'Andlau, de Bayle et de la fille Véron;

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par ces motifs : donnant en tant que de besoin de nouveau défaut contre le général comte d'Andlau qui, régulièrement assigné, n'a pas comparu; statuant à l'égard de tous les prévenus, dit que la prévention n'est pas suffisamment établie contre la femme Despréaux de SaintSauveur; l'acquitte et la renvoie des fins de la poursuite sans dépens; ordonne en conséquence sa mise en liberté immédiate si elle n'est retenue pour autre cause; · déclare d'Andlau et la femme Ratazzi coupables de s'être conjointement, depuis moins de trois ans, à Paris, soit en faisant usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire ou de fausses entreprises ou pour faire naître l'espérance d'un évènement chimérique, fait remettre ou délivrer des fonds ou obligations par les sieurs Blanc, Renault et Veyscère, et d'avoir ainsi escroqué partie de la fortune d'autrui; clare d'Andlau, Bayle et fille Véron coupables d'avoir conjointement, eu 1887, à Paris, soit en faisant usage d'un faux nom, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire, ou de fausses entreprises pour faire naître l'espérance d'un évènement chimérique, tenté de se faire remettre ou délivrer par le sieur Fargue des fonds ou obligations et d'avoir ainsi tenté d'escroquer partie de la fortune d'autrui, laquelle tentative, manifestée par un commencement d'exécution, n'a été suspendue ou n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de ses auteurs; qu'ils ont ainsi commis le délit prévu et réprimé par les art. 405 et 3 du C. P.; faisant application desdits articles comme aussi de l'art. 463 du C. P., à raison des circonstances atténuantes que le tribunal admet en faveur de Bayle et de la fille Véron; condamne....

Du 14 nov. 1887. Trib. de la Seine (10 ch.).

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ARRÊT (sur l'appel de la femme Ratazzi et autres).

LA COUR;

Cons. qu'il résulte des documents de la cause et des débats que, vers la fin de l'année 1885, Soudée a été conduit par

3. Une demande de sursis formée par les appelants avait été repoussée, ie 29 nov. 1887, par la Cour de Paris (V. le Droit, 30 nov.).

l'agent d'affaires Buy chez la femme Despréaux de Saint-Sauveur ; qu'il y a rencontré la femme Ratazzi, qui se faisait appeler de Lamotte-Duportal; que la femme Ratazzi lui a expliqué qu'elle connaissait le général d'Andlau, et qu'elle était chargée par lui de lui

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présenter des personnes désirant la décoration; — qu'il a été question entre eux de Blanc, ami de Soudée, qui pourrait être décoré grâce à cet intermédiaire; qu'après entente avec d'Andlau, puis avec Blanc, la femme Ratazzi a pris rendez-vous avec Blanc et Soudée et les a introduits tous les deux dans le salon de d'Andlau; que le général a écouté l'énumération des titres de Blanc à la décoration qu'il sollicitait, et que Blanc lui a remis sous enveloppe, ainsi qu'il avait été convenu, une somme de 20,000 fr., en lui disant que c'était pour ses pauvres, avec cette réserve toutefois que le général n'en disposerait que le lendemain du jour où le Journal Officiel aurait enregistré la nomination promise; que, malgré cette réserve, la femme Ratazzi a, le soir même, reçu de d'Andlau, sur ces 20,000 fr., une somme de 5,000 fr. qu'elle déclare avoir partagée avec Buy et la femme de Saint-Sauveur ; qu'à la vérité Blanc prétend n'avoir versé les 20,000 fr. au général d'Andlau qu'à titre de prêt; mais qu'il est démontré par les circonstances de la cause aussi bien que par les propres déclarations de la femme Ratazzi, qu'il les a versés en réalité comme prix de la décoration que d'Andlau se faisait fort de lui faire accorder; que, l'évènement ne s'étant pas réalisé, Blanc a réclamé son argent; que les démarches multipliées qu'il a faites et les menaces auxquelles il a eu recours n'ont abouti qu'à la restitution par d'Andlau d'une somme de 5,000 fr.; cons. qu'il est également établi qu'en mars 1886, la femme Ratazzi, se disant comtesse de Lamotte-Duportal, a rencontré chez Buy le sieur Meunier et lui a offert de le faire décorer, lui ou un de ses amis; que Meunier lui a parlé du sieur Renault; qu'après un premier rendez-vous avec ce dernier, qui s'est montré disposé à verser 20,000 fr., dont 10,000 fr. comptant et 10,000 après sa nomination parue à l'Officiel, la femme Ratazzi a soumis ces propositions à d'Andlau, qui les a acceptées et a fixé luimême le rendez-vous qu'il devait avoir avec Renault; — qu'elle a revu celui-ci, l'a averti des ménagements qu'il conviendrait de garder et l'a conduit chez d'Andlau; que, là, Renault a indiqué les titres qu'il pourrait faire valoir; que le général a rédigé lui-même le brouillon de la demande qui devait être formulée et que Renault lui a remis les 10,000 fr. convenus en disant, comme avait fait Blanc, que c'était pour ses pauvres et qu'il n'en devrait disposer qu'après sa nomination parue à l'Officiel; que d'Andlau a remis les 10,000 fr. à la femme Ratazzi; qu'il a employé le reste à ses besoins personnels et qu'il n'a restitué ce qui lui avait été versé qu'après un long inter

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