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nations. La France avoit eu une supériorité marquée sur terre; la Grande-Bretagne s'en consoloit, parce qu'elle avoit ruiné la marine de sa rivale; mais, lorsqu'elle vit l'activité extraordinaire avec laquelle le cabinet de Versailles travailla, après la paix, à la rétablir1, elle commenca à craindre que le sceptre de l'océan ne lui échappât un jour. Il existoit d'ail leurs, entre les deux nations, des différends sur leurs possessions respectives en Amérique, que la paix d'Aix-la-Chapelle n'avoit pas décidés, comme si elle avoit voulu perpétuer un germe de discorde, assez insignifiant pour qu'on pût le laisser subsister, assez important pour ralguerre, si l'une des deux puissances y

lumer la

trouvoit son avantage.

L'île de Tabago, la plus orientale des Antilles, fut un des points contestés entre les deux puissances rivales. Cette île avoit été occupée tour à tour par les diverses nations, que le commerce porta dans ces parages. Les Courlandois s'y établirent les premiers. Jacques, troisième duc de Courlande, mort en 1682, étoit un prince riche et puissant. Il entretenoit 30 à 40 vaisseaux bien équipés; la moitié de ce nombre consistoit en vaisseaux de ligne et frégates, complétement armés et montés ; il

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y

D'après le plan de M. de ROUILLÉ, ministre de la marine, il devoit être fabriqué, dans l'espace de dix ans, 111 vaisseaux de ligne, 54 frégates, et un nombre proportionné de petits bâtimens.

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en avoit de 80, de 50, de 40 et de 30 canons. Ils étoient employés à faire des découvertes en Afrique et en Amérique, et un gros commerce. Jacques fit construire en Afrique différens forts où il entretint des garnisons nombreuses, comme à Gambie, dont les Anglois s'emparèrent par la suite 1. Les Courlandois ayant trouvé l'île de Tabago déserte, s'y établirent et y bâtirent un fort. Ils cultivèrent l'île et en restèrent en possession pendant plusieurs années. L'état florissant de cette colonie ayant excité l'avidité des Hollandois, deux habitans de la Zélande, les frères Lambsten, concurent le projet de s'en emparer. Pour se ménager une puissante protection, ils offrirent de tenir l'île comme un fief de la couronne de France: leur proposition fut acceptée, et Louis XIV créa un des deux frères baron de Tabago. Ils se mirent en possession, par ruse et par violence, du fort courlandois, dont le gouverneur le leur remit, à condition qu'ils restitueroient l'île au duc Jacques lorsqu'il reviendroit de Suède où il étoit prisonnier de guerre.

Les Hollandois s'étant mis ainsi en possession de cette colonie, le duc, après d'inutiles négociations avec les frères Lambsten et avec les États- généraux, réclama la protection de Charles II, au père duquel il avoit rendu maints services, en l'aidant, dans la guerre civile, de

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An account of Livonia. London, 1701 in-8°.

ses vaisssaux et en lui amenant des vivres et des munitions. Il consentit à tenir l'île de Tabago à titre de concession et de fief de la couronne d'Angleterre. Un traité fut conclu le 28 novembre 1664. Le duc abandonna à la GrandeBretagne le fort de Saint-André en Guinée, en réservant à ses sujets le droit de faire le commerce de ce pays, à condition de payer au roi trois pour cent de la valeur de toutes les marchandises. Tabago lui fut conféré à titre de fief. Charles II requit les États-généraux de faire évacuer l'île par les Lambsten; mais les États-généraux ne respectèrent pas la réquisition du roi, et les Hollandois rendirent par leur industrie Tabago, qu'ils appelèrent Nouveau-Walcheren, une des îles les plus florissantes de l'Amérique; mais, en en 1678, le maréchal d'Etrées la prit, la réduisit en un désert et l'abandonna.

Le duc de Courlande fit, depuis, plusieurs tentatives pour se remettre en possession de Tabago, mais elles restèrent infructueuses, et cette île fut toujours regardée comme neutre entre la France et la Grande-Bretagne jusqu'en 1748' où il s'éleva des discussions à cet égard. La nouvelle de la paix d'Aix-la-Chapelle n'étoit pas encore parvenue en Amérique, lorsque M. Grenville, gouverneur de la Barbade, publia une ordonnance par laquelle il attribuoit 'CONNOR'S History of Poland. London, 1688. Vol. II, let. X.

Terreneuve, deux vaisseaux de guerre françois, dont il se rendit le maître. Immédiatement après, les corsaires anglois tombèrent sur les vaisseaux marchands françois, et en enlevèrent successivement environ trois cents, portant huit mille matelots, et en partie richement chargés.

La guerre, ainsi commencée en Amérique, s'étendit bientôt dans les autres parties du monde, et embrasa une grande partie de l'Eu

rope.

Il étoit de la politique de l'Angleterre d'occuper les François sur le continent de l'Europe par une puissante diversion, qui, les empêchant de faire de grands efforts par mer, facilitât à l'Angleterre la conquête des colonies françoises. Il étoit de celle de France d'éviter la guerre continentale par laquelle elle ne pouvoit faire que peu de mal à la Grande-Bretagne, et de se borner à des opérations navales. Mais le ministère françois succomba à l'appât que lui présentoit la conquête du Hanovre, et se décida imprudemment à une guerre de terre, qui bientôt l'entraîna plus loin que, peut-être, il ne le croyoit d'abord, et absorba toutes les forces de la France.

Le roi d'Angleterre avoit pensé, dès l'année 1755, à mettre son électorat à l'abri d'une invasion, en renforçant l'armée qui l'occupoit, et en concluant des alliances qui devoient le protéger.

sides d'Hanovre du 11 juin 1755.

Le secrétaire d'état comte de Holderness se Traité de subrendit sur le continent, et y conclut, le 11 juin, à Hanovre, un traité de subsides avec le landgrave de Hesse-Cassel. Ce prince, qui avoit une bonne armée bien exercée, abandonna à la Grande-Bretagne 8000 hommes, contre le payement de 198,000 couronnes en une seule fois, et un subside annuel de 150,000 couronnes (à 53 sols d'Hollande, ou 4 sh. gå d'. st.), pour tout le temps où ces troupes ne seroient pas mises en réquisition, et ensuite 300,000 par an. Le landgrave s'engagea à porter ce corps à 12,000 hommes, aussitôt que la GrandeBretagne le demanderoit '..

Pétersbourg, du

D'autres traités de ce genre furent conclusTraité de Saintavec le duc de Saxe-Gotha et le comte de 50 septembre1755. Schaumbourg-Lippe; mais George II pensa s'être ménagé un secours plus considérable par le traité d'alliance que son ambassadeur, Williams, conclut, le 30 septembre 1755, avec le chancelier Bestoucheff et le comte Woministres d'Elisabeth, impératrice de Russie. Il existoit, depuis 1742, entre les deux puissances, une alliance dont nous parlerons à l'occasion des guerres entre les puissances du Nord 2. Le traité du 30 septembre 1755 la renouvela; mais comme celui de 1742. avoit dit que si le secours stipulé étoit trouvé insuffisant,

ronzow,

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