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bre, à trois heures du matin, on a vu, dans la rue Mayor, mettre le feu à une maison et danser ensuite à la lueur des flammes.

>> Pendant qu'une partie de la ville brûle, on pille celle que l'incendie n'a pas encore atteint; et ce ne sont pas seulement les troupes montées à l'assaut qui se livrent au pillage, ce sont encore des soldats accourus sans armes

du camp d'Astigarraga, distant d'une lieue; ce sont les employés à la suite de l'armée qui chargent leurs aules de dépouilles précieuses, et les conducteurs des équipages. anglais qui en remplissent leurs fourgons; sans que, pendant plusieurs jours que dure cet horrible désordre, on prenne aucune mesure pour le faire cesser, ni pour contenir les soldats qui, à la sortie de la place, dépouillent sans pitié les habitans qui fuient, des derniers vêtemens qui leur restent. De pareilles circonstances semblent suffire pour prouver que les chefs autorisaient les excès du soldat; mais ce qui le démontre mieux encore, c'est que les effets volés furent étalés et vendus publiquement dans le voisinage, et sous les yeux du quartier-général de

l'armée.

Lorsque les alliés croient qu'il n'y a plus rien à prendre, ils ne songent qu'à hâter l'entière destruction de la ville. Trouvant que l'incendie ne fait pas des progrès assez rapides, ils cherchent à les accélérer à l'aide de matières combustibles qu'on les avait vu préparer dans la rue de Narica, et dont ils avaient rempli de longues cartouches. Ces artifices, lancés dans les maisons, y mettent le feu avec une inconcevable rapidité, et donnent aux flammes l'activité la plus dévorante. Quelques habitans qui étaient restés dans la place pour essayer de sauver leurs maisons, après avoir perdu tout leur mobilier, frappés, à ce spectacle, d'étonnement et de terreur, perdent toute espérance et abandonnent la ville.

>> C'est ainsi qu'a péri Saint-Sébastien. De six cents maisons dont cette ville était composée, il n'en existe plus que trente-six: tout le reste a eté la proie des flammes. La plupart des maisons brûlées étaient de trois et quatre étages; plusieurs étaient trèssomptueuses, et toutes avaient coûté fort cher à bâtir. L'hôtel-de-ville était magnifique;

la place neuve était charmante: on ne peut la voir aujourd'hui sans horreur, non plus que le reste de la ville. Des ruines, des décombres, des balcons qui tombent, des murs qui s'écroulent, voilà tout ce qui reste d'une cité commerçante et populeuse qui répandait au loin la vie et le mouvement autour d'elle. La destruction de Saint-Sébastien laisse quinze cents familles sans asile et sans ressource; la perte que ses habitans viennent d'éprouver excède cent millions de réaux, sans comprendre dans cette évaluation celles qui résulteront pour eux de la destruction de leurs papiers et de tous leurs titres. Les précieuses archives de la ville, celles du consulat, tous les registres et papiers publics, tous les livres des commerçans, tout a été réduit en cendres; perte affreuse, dont on ne peut calculer les suites!

»O trop malheureuse cité, gloire et honneur de la Guipuscoa! toi qui avais donné tant de défenseurs, rendu tant de services à la patrie! devais-tu eraindre qu'un sort aussi épouvantable te fût réservé ? ta perte devait-elle être le prix de ton inviolable attachement à

la cause commune,

et de tous les maux auxquels t'avait exposée, pendant cinq ans, ton généreux patriotisme? L'instant que tu attendais avec tant de confiance comme le terme de tes infortunes, a été marqué par ta ruine et tu t'es vu détruire par les mains qui devaient briser tes fers! Etait-ce donc ainsi que les alliés devaient récompenser la courageuse résistance aux ordres de leurs ennemis, ton héroïque dévouement à leur cause, et les soins délicats que tu avais prodigués à leurs prisonniers? Il semble qu'une injustice aussi inouie, une aussi horrible catastrophe, devaient atiédir ton patriotisme, et cependant on a vu tes généreux habitans oublier leur commun désastre, pour ne songer qu'au bonheur d'être délivrés de l'oppression ennemie: on les a vus parmi tes débris et sur tes ruines encore fumantes, proclamer avec enthousiasme la nouvelle constitution de la monarchie espagnole, loi salutaire qui doit régénérer la patrie, et jurer de l'observer et de la défendre; enfin dans le premier récit qu'ils ont fait de leurs malheurs au duc de CiudadRodrigo, ils ont dit ces paroles mémora

bles « Si de nouveaux sacrifices nous étaient possibles, et qu'on les jugeât nécessaires, nous n'hésiterions pas un instant à les faire; nous renoncerions même, si le salut de l'état l'exigeait, à l'espoir de rentrer jamais dans nos foyers, et de voir relever notre ville.... »

En terminant cet article, nous devons prévenir le lecteur que les détails qu'il vient de lire ne sont pas toujours une traduction littérale de l'écrit que nous avons voulu lui faire connaître nous nous sommes plusieurs fois permis d'abréger le récit; mais en le resserrant, nous avons eu le plus grand soin de ne pas l'altérer. Nous ne devons pas non plus oublier de dire que cette pièce est revêtue de la signature des principales autorités de Saint-Sébastien et de plus de cent de ses principaux habitans, et qu'ainsi elle a le caractère le plus authentique.

D.....R.

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