Page images
PDF
EPUB

FRAGMENT

D'UNE réponse au pamphlet de M. de Châteaubriand, intitulé: Réflexions sur quelques écrits du jour et sur les intérêts de tous les Français.

La première partie de ce nouvel écrit de M. de Châteaubriand, n'étant que la répétition de toutes les grossièretés qu'il a pu recueillir dans les journaux depuis deux mois, et dont l'opinion publique a déjà fait justice, nous nous y arrêterons peu, et nous nous bornerons, pour ce qui la concerne, à l'examen de quelques points remarquables.

On est d'abord étonné que l'auteur, après soixante-six pages d'injures gratuites contre son adversaire, arrive tout d'un coup, on ne sait comment, à la même conclusion que lui ; savoir, que tous les Français n'ont rien de mieux à faire que de se rallier franchement

à la charte constitutionnelle, comme au palladium de la tranquillité et du bonheur pu blics.

Qu'était-il nécessaire que M. de Châteaubriand fît un livre pour n'établir aucune vérité nouvelle, et pour se traîner péniblement sur les pas de celui qu'il s'efforce en vain de dénigrer? L'édifiante doctrine des enfans de Loyola paraît avoir germé depuis long-temps dans le cœur pieux de M. de Châteaubriand; un autre avant lui, à l'occasion de l'oubli du passé, prescrit par la charte constitutionnelle, avait suggéré au Roi d'affirmer qu'il avait dit, mais qu'il n'avait pas promis: M. de Châteaubriand trouve apparemment que cette expression ne rend pas bien l'idée qu'il faut inculquer au Roi : voici la phrase qu'il a composée pour cela : mais, le monde, comme le Roi, dit-il, n'a pas donné sa parole: il pourra bien rompre le silence. Tel est le tour spirituel que M. de Châteaubriand a donné à l'article XI de la charte, conçu en ces termes :

Toutes recherches des opinions et votes émis jusqu'à la restauration, sont inter

dites. Le méme oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens.

Et que pouvons-nous penser d'une pareille réflexion de l'auteur du pamphlet, lorsque nous lisons ensuite dans les journaux publiés sous l'autorisation de la censure, que Sa Majesté a déclaré adopter les principes exposés dans l'ouvrage de Châteaubriand ? Cet écrivain fameux aurait-il lu, par hasard, le recueil des papiers saisis à Bareuth et à Mende, imprimé en l'an 10, par ordre du Gouvernement; s'il les a lus, il y aura vu (page 217 et suivantes), le Mémoire d'un certain M. de Saint-Félix; il aura appris dans ce Mémoire, composé pour le roi Louis XVIII, comment, après avoir engagé ce prince à promettre tout ce qu'on voudra pour se rétablir sur le trône de ses ancêtres, l'oubli du passé, la confirmation des ventes nationales, la conservation à chacun de ses honneurs et traitemens; comment, dis-je, on l'endoctrine sur les moyens d'éluder en conscience l'accomplissement de toutes ses promesses, et l'on finit par ces paroles qui peuvent faire le sujet d'un petit pensez-y bien:

LE ROI SE CROIRAIT-IL OBLIGÉ D'EXÉCUTER CELA ?

La manière suivant laquelle l'auteur du mémoire propose d'exécuter cela à l'égard de certains hommes, est sur-tout digne de remarque le Roi, est-il dit, proclamera' l'am→ nistie, mais le peuple sacrifiera; il n'y aura, pour cela, qu'à échauffer les têtes à l'aide de certaines feuilles périodiques. Cela rappelle lės paroles susdites de M. de Châteaubriand : mais le monde, comme le Roi, n'a pas donné sa parole: il pourra bien rompre le

silence.

le

Certes, nous avons tous la plus entière confiance dans les promesses du Roi; mais nous ne sommes pas également rassurés sur quelques-unes des personnes qui l'approchent. M. de Châteaubriand nous dit que Roi est fort, très-fort. Nous le croyons et nous le souhaitons tous que Sa Majesté veuille donc bien donner ses ordres pour que la charte constitutionnelle marche; qu'elle veuille bien défendre à M. de Châteaubriand, de dire que le Roi oublie, mais que le monde n'oublie pas: il nous semble que M. de Châteaubriand est bien aussi intéresssé qu'un autre à ce que le monde oublie.

«Que disons-nous à certains hommes ? » dit M. de Châteaubriand: rien. Ils vivent » à nos côtés, nous les rencontrons, nous >> leur parlons, nous allons chez eux, nous >> nous asseyons à leur table, nous leur pre>> nons la main sans frémir. »

On sent tout ce qu'il y a de flatteur à vivre aux côtés de M. de Châteaubriand : au sortir de la table de certains hommes, au sortir de leur prendre la main, il va écrire des libelles contre eux, sans frémir!

M. de Châteaubriand se pique d'être dévot, et par conséquent ce serait insulter à la religion, que de se défier de ses serremens de mains. Rien de plus franc qu'un homme d'esprit qui se pique d'être dévot. Le bon La Fontaine nous parle aussi d'un certain chat dévot, qui, étant tombé dans un piége en allant chercher sa proie, aperçut un rat auquel il eût volontiers donné la patte sans frémir, et lui dit :

[blocks in formation]

INSTITUT

UNIVERSITY

6 JAN 061 OF OXFORD

LIBRARY

« PreviousContinue »