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tout est oublié de notre part, sinon qu'ils sont Français; tout ce que nous possédons est à eux; qu'ils viennent partager notre gloire; qu'ils viennent partager nos fortunes; rendons-leur tout ce qu'ils peuvent espérer d'une nation aimante et généreuse ; qu'ils sachent qu'on peut désirer la liberté sans être méchant, sans vouloir la licence; qu'ils sachent qu'il n'est pas donné aux hommes de maîtriser les tempêtes; qu'il est des circonstances où l'on ne peut atteindre un noble but sans le passer ; qu'une révolution est un chaos où tous les élémens sont confondus; mais qu'après elle l'air devient plus pur, le ciel plus serein, et qu'elle fertilise le sein de la mère commune. Qu'ils voient si, malgré la longue série de nos maux, les campagnes ne sont pas devenues plus riches, si les habitans ne sont pas aussi bons, plus éclairés, plus heureux, plus sensibles à la gloire et à la prospérité nationale. Qu'ils examinent enfin si cet état de prospérité n'est pas le résultat de la suppression des abus voudraient-ils les faire renaître, ces abus, pour leur intérêt particulier?

X.

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Du Citoyen Cardinal Chiaramonti, Evéque d'Imola, actuellement Souverain Pontife, Pie VII, adressée au peuple de son diocèse, dans la république Cisalpine, le jour de la naissance de JésusChrist, l'an 1797.

POURQUOI les mauvais princes et les hypocrites ont-ils tant de haine contre la philosophie? C'est parce que leur existence n'est fondée que sur l'ignorance et sur l'erreur, et que la philosophie tend sans cesse à les détruire l'une ́et l'autre. Denis, envoyant Philoxene aux carrières, ou faisant vendre Platon comme esclave; Néron ordonnant la mort de Thraséas et de Sénèque; Bonaparte déclamant contre l'idéologie; Mélitus calomniant Socrate; et Mutin calomniant les philosophes du dix-huitième siècle, ont tous

été animés du même sentiment: tous ont craint la vérité. Les tyrans et leurs flatteurs accusent les philosophes de détruire les gouvernemens; les hypocrites les accusent de détruire la religion : ainsi chacun leur attribue le résultat de ses vices ou de ses crimes. Ce n'est pas la philosophie qui excite les peuples à la révolte ou au mépris des choses saintes : ce sont les vices des gouvernans et des mauvais prêtres.

et

« Il faudrait bien peu connaître le cœur humain, dit Mably, en parlant de la réforme de Luther, pour croire qu'en obéissant à un chef si vicieux (à la cour de Rome) le clergé n'eût pas les mœurs les plus corrompues: l'ignorance, la simonie, le concubinage, mille autres vices, déshonoraient l'épiscopat.... Après avoir souffert patiemment les excès d'un monstre tel qu'Alexandre VI sans le déposer, ses successeurs, qui n'eurent aucune vertu chrétienne, passèrent pour de grands papes. L'effronterie avec laquelle le clergé se montrait tel qu'il était, lui avait, pour ainsi dire, acquis le droit funeste de ne plus scandaliser et de ne se point corriger..

On aurait vraisemblablement permis à Léon X de faire un trafic honteux de ses indulgences, et d'ouvrir et fermer à prix d'argent les portes du paradis et de l'enfer, s'il avait confié cette ferme scandaleuse aux mêmes personnes qui jusqu'alors en avaient eu la régie; il ne le fit pas, et cette faute devint le principe d'une grande révolution. »

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Une des principales causes de la ruine de la religion, c'est l'abus qu'en ont fait ses ministres pour consolider le despotisme ils ont enseigné que les rois ne tenaient leur puissance que de Dieu, et que cette puissance n'avait d'autres bornes que celles qu'il lui plaisait d'y mettre par leur organe. De leur côté, les gouvernans ont favorisé de tout leur pouvoir une doctrine qui leur livrait les peuples comme de vils troupeaux; et comme il est avec le ciel des accommodemens, ils en ont disposé selon leur caprice: ce qui n'a pas tourné à l'avantage des gouvernés, sur-tout quand ils ont eu affaire à des princes incrédules. L'autel et le trône ont donc toujours marché ensemble; et il a existé, entre Dieu et le roi,

un traité d'alliance dont leurs ministres qui en avaient fait les frais, ont retiré les plus grands avantages.

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Cette doctrine impie, qui rendait en quelque sorte l'Etre-Suprême complice des gouvernemens les plus vicieux, a été vivement attaquée en Angleterre par Sidney; et Rousseau en a démontré l'absurdité avec tant d'évidence, qu'il faut désormais avoir perdu toute pudeur pour la professer. Les ministres de la religion les plus sages et les plus éclairés sont déjà revenus à des idées plus saines; ils ne voient plus dans l'homme un être destiné à se rendre lui même malheureux et à servir les passions de ceux qui le gouvernent; ils réprouvent encore des plaisirs, mais ce sont ceux qui sont réprouvés par la saine morale; ils prescrivent l'obéissance, mais c'est l'obéissance aux lois, et non aux caprices d'un maître.

Ces principes ont été exposés avec autant de clarté que de force dans l'Homélie dont on vient de publier la traduction, et dont on a déjà vu le titre. Ils doivent être accueillis aujourd'hui avec d'autant plus de con

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